FAIRE VIVRE L’ART QUEER À LORIENT

Au détour d’une conversation entamée sur les réseaux sociaux, nous avons proposé à Jiruma Vixen, dragqueen lorientaise, une rencontre, pour qu’elle nous explique ce que représente son art, ses débuts dans la campagne bourguignonne, mais aussi ses émotions, et le rôle qu’elle interprète dans la scène drag lorientaise. Une heure et quart d’échanges riches autour d’un thé glacé, d’un brownie et de pintes !

Originaire de Bourgogne, Jiruma se met en drag ponctuellement à l’époque, depuis cinq ou six ans, dans un cabaret local, sous les traits d’une danseuse, accompagnant son père de drag Georges Mambo. Bref, des soirées qui lui permet d’explorer le genre.

Arrivée il y a plus de trois ans à Lorient, elle assiste à plusieurs soirées drag d’À l’Abordrag soirée du drag king Edmond Séant venant de la scène rennaise et qui a originé les premiers dragshows à Lorient. C’est d’ailleurs après avoir participé à l’édition de novembre 2023 que Jiruma obtient l’aval de lancer ses propres soirées : les Drag’émonium. La première aura lieu en janvier de l’année suivante. Elle nous explique que « tout est à faire sur Lorient » afin de créer une scène drag lorientaise. N’oublions pas tout de même que dès cette époque, DJ Tonkar et Monica Gole (assistez à leurs
performances d’ailleurs !
) sont présentes à Lorient bien que dans un registre légèrement distinct.

Elle s’élance plus sérieusement il y a un moins de deux ans, au côté de son acolyte drag queer, devenu ami·e, Lily Borea, en novembre 2023. Iels deviennent des précurseureuses du drag à Lorient.

Cette ville, moyenne, va devenir une référence sur la scène bretonne. Mais pour autant rien n’a été si facile pour en arriver là. La région ou le pays lorientais, très connoté à droite, voir à l’extrême droite par endroit, est un challenge. Jiruma recevra de nombreux commentaires haineux après son interview au Télégramme, le 19 avril 2024.

Alors si rien n’est aisé, si la précarité du drag est réelle (pour se lancer, il est estimé que 250 € est nécessaire rien que pour le maquillage) ou est chronophage avec les multi casquettes, il faut saluer l’investissement de
chacun·es des drags pour faire briller Lorient dans le Grand Ouest, de Brest à Tours, et au delà.

À Lorient, avec le drag, Jiruma trouve des réponses à ses questions et ce grâce au drag. Elle explique qu’il « faut faire vivre l’art queer » et transmettre « ses émotions, ses tripes, ses souffrances, ses envies et ses espoirs ». Très souvent hosting (ou hôte de soirée), elle s’épanouit dans ce rôle avec comme figure la drag étasunienne, Bianca Del Rio.

Jiruma, soutenus par son entourage familial, assume sa genderfluidité par le drag et revendique désormais ses positions.

Dans la ville aux sept ports, les lieux où se produisent les artistes sont toujours plus nombreux. Jiruma et les drags sont disponibles aussi. Les drags shows sont des endroits, des « safes places » comme elle le rappelle, dans lesquelles les drags sont disponibles, à l’écoute pour les personnes en questionnement ou isolées socialement notamment des personnes jeunes et membres de la communauté LGBTQIA+. À Lorient, le drag est un art
militant, un drag présent !

Nous finissons notre rencontre sur la question militante, sur ce qui se passe actuellement en Hongrie, sur la montée du fascisme, sur les personnalités queer « qui doivent se positionner », car le schéma de la Seconde Guerre mondiale n’est pas à reproduire et qu’il faut faire front ensemble ! Le discours de Jiruma Vixen, le samedi 28 juin dernier, lors de la cinquième édition de la Pride lorientaise abondait dans ce sens.

Cette heure et quart d’échange passionné mais nécessaire fût très agréable.

Nous invitons chacun·es d’entre vous à découvrir ou à re-découvrir les performances des drags lorientaises, car cet art, le drag, doit vivre pour s’émanciper de toute forme d’oppressions ! Jiruma nous confiera d’ailleurs qu’une pause estivale « n’est pas possible » et nous ne sommes pas étonné·es vu l’engouement qu’elle porte et que nous portons à son art.

Dans cette publication, on parle en grande partie de Jiruma, mais il ne faut pas omettre tous·tes les drags lorientais·es qui performent de leur art pratiquement chaque week-end.

UNE PRIDE LORIENTAISE FESTIVE ET REVENDICATIVE

Le samedi 28 juin, plus de 1 500 personnes ont défilé dans les rues du centre-ville de Lorient pour la cinquième édition de la Pride.

Dès 14h, des stands de goodies artisanaux, de collectifs ou d’organisations, installent un village éphémère, place Glotin. Sur le balcon du Palais des Congrès, on aperçoit le drapeau LGBT accompagné de celui de la Palestine. Ce dernier sera présent lors du défilé aux côtés de nombreux drapeaux queer.

Peu après 15h30, un premier char donne le coup d’envoi de la marche et se positionne en tête de cortège derrière la banderole « Queer et Fièr·x·es ». Sous un soleil de plomb, l’ambiance monte rapidement. Des tenues couvertes de paillettes et des visages parés de maquillages éclatants s’élance.

Sur le char, plusieurs artistes drags breton·nes, accompagné·es d’un DJ, enchaînent les performances.

La tête de cortège est joyeuse et festive.

En milieu de cortège, plusieurs militant·es du pays lorientais, donnent de la voix et se relayent. Devant les bars de la place Jules Ferry et pendant tout le long du parcours résonnent les « Siamo Tutti Antifascisti », « Queer, Déter, et Révolutionnaires », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « ou le génial mais néanmoins nécessaire » « Pas de
fachos, plus de drags shows ».

De chouettes pancartes sont tendues dans les airs.

Cette partie du cortège, déterminée et revendicative, s’époumonera jusqu’à la fin du défilé. Face à l’internationale réactionnaire et fasciste, il est
important de repolitiser les prides et l’exemple de samedi est important pour nos luttes futures.

Un deuxième char anime la fin de cortège, où l’on retrouve deux vélos triporteurs pour l’accessibilité de tous·tes, et le reste des manifestant·es.

De retour sur la place Glotin, après une pause bien méritée, discours et drags shows s’enchaînent pour le plaisir des personnes toujours présentes.

Entre manifestation revendicative et fête, cette cinquième édition de la Pride lorientaise a tenu ses promesses et a su faire face à l’extrême droite.

Les actes ignobles et horribles des nervis lorientais de ces derniers jours n’ont pas découragé les 1 500 participant·es.

Face à l’extrême droite, ensemble, nous ne devons rien céder !

AUX ORIGINES DE LA PRIDE : STONEWALL

Le 28 juin 1969, alors qu’un énième raid policier s’organise face au Stonewall Inn, bar new yorkais situé dans le quartier de Greenwich Village, des gays, deslesbiennes, des trans et des drags ripostent face à une nouvelle offensive répressive.

À la fin des années 1960, de nombreux mouvements voient le jour aux États-Unis. Le Black Power s’affirme, la protestation contre la guerre du Vietnam grandit et le mouvement féministe prend de l’ampleur.

Pour autant, l’homosexualité reste un crime. Illégale dans tous les Etats-Unis (à l’exception de l’Illinois), les actes charnels entre adultes de même sexe sont punis deprison. A l’époque, la législation interdit également le
travestissement. A San Francisco, par exemple, il est prohibé jusqu’en 1974.

Sur la côte Est, la ville de New York, en particulier Greenwich Village, est un haut lieu de la vie gay étatsunienne. Le Stonewall Inn, malgré son bar vétuste, tenu par par le mafieux « Fat Tony » et qui n’a guère de considérations pour ses client·es, attire de nombreux·ses personnes queer.

Pour autant, les raids policiers sont fréquents. À chaque fois, ils sont accompagnés de contrôles d’identité et d’humiliations. Les personnes LGTBQ sont profilé·es,violenté·es, harcelé·es, très souvent arrêté·es ou subissent des viols correctifs. Le 28 juin, le bar est bondé. Dehors, comme à l’intérieur, il fait une très grosse chaleur. Mediapart explique que « les Rolling Stones viennent de passer sur le juke-box et des go-go boys en bikini lamé doré dansent sur la piste. Vers 1h20 du matin, six policiers, menés par l’inspecteur adjoint Seymour Pine, toquent à la porte ».

Le Stonewall Inn, Pine veut le fermer depuis longtemps. Il hurle alors « Nous prenons possession du lieu ! ». Les client·es sont contrôlées à tour de rôle. Certain·es s’agacent et refusent de montrer leurs cartes d’identité. D’autres s’inquiètent ou s’indignent.

Ne souhaitant pas se disperser et quitter les lieux, iels attendent celleux qui sont resté·es à l’intérieur. Une foule s’amasse peu à peu et chaque sortie est applaudie. Au fil des minutes, la tension monte, l’irritation se lit sur les visages. Ce 28 juin sera la fois de trop !

Excédé·es par la répression et les provocations policières, les client·es du bar répondent. Une lesbienne butch, frappée par un policier, refuse de se laisser embarquer, se démène et commence à se révolter. De nombreuses
lesbiennes l’imitent. Les premiers projectiles fusent obligeant les policiers à se retrancher dans le bar.

Le Stonewall Inn est pris d’assaut : vitres cassées, porte d’entrée enfoncée. David Carter, auteur de Stonewall : the riots that sparked the gay revolution, explique que ce soir-là, les meneureuses sont les « éléments les plus méprisés et marginaux de la communauté lesbienne, gay, bi et transgenre ».

Parmi elleux, on retrouve Jackie Hormona, Zazu Nova, Marsha P. Johnson, Sylvia Rivera, et bien d’autres.

Si Marsha P. Johnson n’est pas présente aux débuts du soulèvement, elle arrive accompagnée de son amie Sylvia Rivera vers 2h du matin. Marsha, qui a 23 ans à l’époque, est une femme noire transgenre. Personnalité
flamboyante et iconique, elle est la reine du Greenwich Village.

Avec les événements de Stonewall, Marsha P. Johnson devient l’un des visages de la Queer Revolution. Activiste toujours souriante, elle sera une fervente défenseuse des jeunes LGTBQ+ sans-abri, des personnes touchées par le VIH et le sida, ainsi que des droits des homosexuel·les et des personnes transgenres.

Pour en revenir à Stonewall, la première nuit de révolte provoque des courses-poursuites et des affrontements, suivie par plusieurs autres, soit six au total. Ce soulèvement, bien que n’étant pas le premier, reste dans les mémoires collectives comme étant le point de bascule de la visibilité homosexuelle et du mouvement gay.

La première Pride ou marche des fiertés aura lieu le 29 juin 1970 à New York. Stonewall marque l’essor de nouvelles organisations, d’une nouvelle presse, d’un nouvel activisme comme le Gay Liberation Front ou le Street Transvestite Action Revolutionaries (STAR) auxÉtats-Unis.

Durant trois ans, le STAR, fondé sur l’entraide par Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera, va fournir des logements et des soutiens financiers aux jeunes queer et aux travailleureuses du sexe sans-abri dans les quartiers sud de Manhattan.

Malgré sa brève existence (1970-1973), le collectif est considéré comme un modèle et une organisationpionnière dans le mouvement de libération gay et transgenre.

Si Stonewall a du sens aujourd’hui, c’est que depuis les colères légitimes n’ont pas disparues. Plus de cinquante ans après, la queerphobie augmente partout. Le régime hétéropatriarcal tue. Et l’homosexualité reste interdite dans plus de 70 pays dans le monde…

Alors hasard du calendrier ou coïncidence, la cinquième édition de la Pride lorientaise a eu lieu le samedi 28 juin dernier. À nous de rendre hommage à tous·tes celleux qui, une nuit de juin 1969, se sont levé·es pour le droit à l’auto-détermination, l’émancipation et pour résister tout simplement !

TRANSIDENTITÉ ET TRANSPHOBIE : RÉFLEXION AVEC DES MILITANT·ES TRANS DU PAYS LORIENTAIS

Dans le cadre du Mois du genre, nous allons évoquer deux sujets particulièrement importants, la transidentité, un chemin encore semé d’embûches, et la transphobie, attisée depuis de nombreuses années par des discours réactionnaires et haineux de certaines sphères de la gauche bourgeoise à la fachosphère.
En février 2010, le ministère de la Santé publie au Journal officiel un décret qui retire « les troubles précoces de l’identité de genre » de la liste des affections psychiatriques. L’Etat français devient ainsi le premier pays du monde à franchir ce pas, un espoir pous tous·tes. Il faut neuf ans pour que l’Organisation Mondiale de la Santé, l’OMS, suive le même cheminement.
Si en théorie, le décret s’applique, en pratique, il n’est toujours pas évident de trouver des praticien·nes compréhensif·ves. Énormément de médecins ou d’endocrinologues demandent toujours un suivi psy, « c’est pathologisant au possible » nous explique un·e militant·e lorientaise qui a entamé son parcours de transition.
Iel poursuit en soulignant qu’il « faut souvent se justifier sur le vécu, répondre à des questions intrusives, et quand obtention d’un rendez-vous médical, on sous-dose les hormones pour les femmes trans ». Les gynécologues ou urologues restent maintes fois inaccessibles. Bien sûr, il existe des initiatives et des sites qui répertorient les 
professionnel·les de santé LGBT-friendly, mais cela reste minoritaire dans les petites et moyennes villes.
Iel poursuit en expliquant que très souvent « il faut se justifier auprès des institutions pour changer de prénom ». Le discours dominant pousse encore énormément vers une transition par l’appareil d’État et par une forte pathologisation de la transidentité, obligeant les adelphes à s’astreindre au système qui les oppresse.
En rédigeant cette publication, en questionnant les personnes qui suivent une transition, nous avons écouté des voix teintées de sincérité, qui luttent pour un monde sans exploitation ni oppression.
Iels se battent pour le remboursement intégral par la sécurité sociale de tous les frais liés à la transition, le changement d’état-civil sur simple demande, la PMA vraiment pour tous·tes, l’arrêt des mutilations sur les enfants intersexes, et de manière générale contre les LGBTIphobies.
Où que ce soit, ce chemin est semé d’embûches, médicalement et institutionnellement, tout comme il l’est physiquement et économiquement. Alors lorsque Maud Royer, présidente de l’association féministe Toutes des Femmes, et autrice, est venue à Lorient, le jeudi 20 mars, elle a apporté un soutien optimiste. La militante et plaideuse pour les droits des femmes, des personnes trans et lesbiennes, était présente pour discuter avec une vingtaine d’étudiant·es, de militant·es trans et féministes.
Pendant un peu plus d’une heure, elle a échangé sur son dernier ouvrage, le Lobby Transphobe. Elle y décrypte l’offensive réactionnaire transphobe inédite qui sévit en hexagone depuis de nombreuses années attisées par la droite, l’extrême-droite, et les mouvements transphobes.
Appelant à déconstruire les idées reçues tout en se basant sur son parcours militant, Maud rappelle que cet ouvrage est « plus une analyse politique », lancée au cours de l’été 2023.
Les offensives anti-trans en Hongrie ou aux Etats-Unis se multiplient, sous la coupe de deux présidents d’extrême-droite, et attaquent chaque jour les mouvements queers ou criminalisent les militant·es. En août 2024, la Géorgie adoptait une loi homophobe. Le lendemain, la plus célèbre femme trans, Kesaria Abramidzé était retrouvée morte, tuée probablement par son compagnon.
L’apanage de la transphobie ne s’arrête cependant pas aux portes de la droite. À gauche, une minorité de féministes ainsi que quelques psychanalystes s’emparent également du sujet, menant ainsi une offensive anti-trans, soi-disant à des fins féministes ou enfantistes.
Les TERF (Trans Exclusionary Radical Feminism), bien que majoritairement hétérosexuelles, n’hésitent pas à instrumentaliser les lesbiennes à coups de phrases telles que « les lesbiennes n’aiment pas les pénis » pour exclure davantage les femmes trans y compris dans les espaces queers. Fatalement, les femmes trans sont privées de leur féminité, traitées comme des hommes déguisés en femmes pour assouvir leurs prétendus fantasmes et infiltrer les milieux exclusivement féminins. Pourtant, les femmes trans subissent tout autant de misogynie, si ce n’est plus, car elles subissent aussi de la transmisogynie que les femmes cis.
Pourtant, il ne faut pas perdre espoir ! Dans cette période qui peut paraître « incertaine, sur une ligne de crête » selon Maud Royer, il subsiste des alternatives viables : de la pair-aidance à l’auto-détermination, en passant par les comportements alliés. La pair-aidance offre un soutien précieux par celleux qui ont vécu des réalités similaires et qui sont plus avancé dans leur propre cheminement.
L’auto-détermination renvoie à la possibilité, pour une personne trans, de changer le sexe figurant sur ses papiers d’identité par une simple déclaration publique, sans avoir à le justifier par un avis médical ou apporter une quelconque preuve de ce changement. Les comportements alliés, nous semblent plus que cruciaux, car oui, nous soutenons, à La Combative, les personnes de différentes orientations sexuelles, identités et expressions de genre pour contribuer à leur bien-être et à une plus grande acceptation de leurs réalités.
Enfin, l’antifascisme, dont les comportements alliés, doivent se renforcer avec la présence dans les luttes des personnes trans. Elle est une force motrice pour nos combats communs !

LORIENT : 300 PERSONNES RÉUNIES CONTRE LA TRANSPHOBIE

Près de 300 personnes se sont rassemblées ce dimanche 5 mai 2024, place Glotin à Lorient, contre la transphobie, et plus particulièrement contre un projet de loi visant à restreindre les droits des personnes trans.

Après des prises de paroles des collectifs Queer Asso (Lorient) et Liberty Max (Vannes) les manifestant·es sont parti·es en défilé dans le centre ville de Lorient, rue du port.

De nombreux slogans se font entendre « So-so, solidarité, avec les trans du monde entier ! » « on est jeune, queer et révolutionnaires ! » « une loi des droits pour respecter nos choix »  « à bas l’état les flics et les transphobes ! » ou encore « Lorient ! Lorient ! Antifa ! ».

Le projet réactionnaire « propose d’interdire la transition médicale et sociale des mineurs, de renforcer le contrôle psychiatrique sur les enfants trans et de punir par des peines de prison allant jusqu’à deux ans les médecins qui accompagnent les jeunes trans. Leurs premières cibles sont les mineurs, mais ils ne s’arrêteront pas là. Un rapport des LR pose déjà la possibilité d’interdire toute transition pour les personnes majeures de moins de 25 ans. » d’après la tribune publiée sur Politis.

Au delà du projet de loi, c’est tout une nébuleuse réactionnaire qui s’attaque au droit des personnes trans, allant de la macronie à reconquête, l’offensive se fait de plus en plus virulente.

La transphobie explose pendant que la fascisation de la société suit son cours. Les attaques LGBTphobe augmentent tout comme les attaques racistes et xénophobes. Contre le fascisme il est urgent de construire un front commun unitaire avec toute les forces progressistes.

Nous remercions les collectifs et organisations signataires de l’appel : Queer Asso, Liberty Max Vannes, Collectif Pride Lorient, Nous Toutes Lorient, Vannes, Medusa, le Planning Familial 56, l’Union Pirate UBS, la CALE ( collectif antifasciste Lorient & environs ) et Solidaire 56.

 

MOUVEMENTS TERFS ET EXTRÊME DROITE

Ces dernières années, les positions transphobes, les individu·es ou mouvements TERF (Trans Exclusionary Radical Feminist, en français : «féministe radicale
excluant les personnes trans») gagnent du regain et prennent de plus en plus de place sur le territoire français. A travers la sphère médiatique ou politique, les réactionnaires, identitaires, éco-essentialistes, femellistes, traditionalistes, et conspirationnistes, tentent d’infuser leur idéologie toujours plus nauséabonde. Qui sont-iels et quelles sont les visages du réseau transphobe ? Comment fonctionnent-iels ? Quels sont leurs liens avec l’extrême droite ?

Avant d’apporter quelques explications, voici une définition de l’abréviation TERF : groupes de femmes qui rejettent l’idée de la fluidité du genre et qui catégorisent les êtres humains en fonction du sexe qui leur est assignée à la naissance. Elles défendent des positions essentialistes, transphobes, et excluantes puisqu’elles refusent l’inclusion des femmes et hommes transgenres dans les espaces de non-mixité et s’opposent aux droits des personnes transgenres.

De la gauche confusionniste à l’extrême droite, les profils sont variés, pourtant, ils se recoupent facilement. Partons de cette gauche se revendiquant comme
éco- essentialiste.

En 2011, Deep Green Résistance (DGR), naît outre atlantique sous l’impulsion de Derrick Jensen, Lierre Keith, et Aris McBay. Cette organisation présumée «écologiste» appelle à la restauration des écosystèmes par une accélération de l’effondrement de la civilisation industrielle. DGR et ses théoriciens comme Jensen souhaitent participer activement à cet effondrement. L’organisation arrive en France en 2015, principalement grâce au blog de Nicolas Casaux, «Le Partage», et s’implante en Bretagne, à Rennes.

Casaux revendique l’influence de Jensen, ou des publications comme le podcast Floraisons. Sur «Le Partage», il rédige des articles sur JK Rowling, autrice
devenue porte-parole d’une idéologie transphobe, ou relaye des textes de Meghan Murphy.

Récemment, le 16 mars dernier, il faisait le parallèle ignoble entre nazisme et transidentité.

Est-ce si étonnant que cela lorsqu’on s’arrête sur la définition de l’essentialisme ? Pour Peter Gelderloos, activiste, théoricien anarchiste, et auteur : «Comme la
plupart des transphobes, Casaux adhère aux visions essentialistes de la nature et des corps». Ausma Zehanat Khan décrit dans The Unquiet Dead : «l’essentialisme dans ces deux formes est un élément clef du fascisme, il l’a notamment été dans le mouvement Völkisch, prémisse de l’idéologie Nazi. L’essentialisation des corps et de la nature tend à être utilisée dans des versions racistes et transphobes du féminisme.»

Le podcast Floraisons est une des principales plateformes de diffusion des idées transphobes de DGR et de Casaux. On y retrouve notamment la participation de Pièces et Mains-d’œuvre (PMO). Ce collectif isérois, crée originellement pour critiquer le complexe militaro-industriel, a dérivé vers l’homophobie et la transphobie.

Le sociologue Matthijs Gardenier souligne : «La critique de la technologie amène le courant anti-tech à s’inscrire dans une défense de ‘’la naturalité’’ dans ce qui concerne la contraception, la PMA, la GPA, etc. (…). Pièces et
Mains-d’Oeuvre, pourtant proche des milieux anarchistes et autonomes, se font le relais de thématiques proche des argumentaires de la Manif pour tous.»

Floraisons contribue également à la propagation des textes transphobes d’Andrea Dworkin ou de Janice Raymond. Iels soutiennent des personnalités les plus plus véhémentes et active de la transphobie au Royaume-Uni, comme JK Rowling, Julie Bindel, ou Maya Forstater.

D’autres invidivu·es se revendiquant de «gauche» n’hésitent plus à attaquer de front la communauté transgenre. Parmi elles, on retrouve Marie-Jo Bonnet, 75 ans, ex-militante de MLF (Mouvement de Libération de la Femme) et des Gouines Rouges (mouvement féministe lesbien).

Aujourd’hui, elle fait partie du conseil scientifique «L’Observatoire de la petite sirène». Une structure qui prétend être un lanceur d’alerte sur les mineurs trans. Cette organisation, en réalité, lutte contre les enfants et adolescentes transgenres et pour le familialisme hétéro. Mediapart avait déjà mis en lumière, dans un article, les positions transphobes et réactionnaires de cet observatoire.

Pour Stern, ex-FEMEN et fondatrice du mouvement des collages contre les féminicides, elle commence à être ouvertement transphobe début 2020 en réaction au slogan «Des sisters pas des cisTERF». En 2022, elle crée avec Moutot, la plateforme Femelliste, où elles déblatèrent leurs positions face à la transidentité.

Stern marque un virage identitaire en se rapprochant de Julien Rochedy, ex-conseiller politique du RN, fasciste, masculiniste, et soutient de Re-conquête. Cet individu est un ami proche de Loïk Le Priol, ancien militant du GUD, et assassin de Federico Martin Aramburu.

Moutot de son côté, fondatrice du compte « T’as joui ?», critique la contraception et soutient fidèlement le masculiniste suprémaciste blanc Jordan Peterson. Elle partage également les thèses de la conspirationniste transphobe américaine Jennifer Bilek.

En 2021, Moutot et une autre militante TERF étaient reçues en grande pompe par Marlène Schiappa, alors ministre déléguée chargée de la Citoyenneté. Elles avaient présenté un dossier au sujet des problématiques sur l’idéologie de genre reprenant les thèses préférées des TERF. Suite à son entrevue, Moutot annonçait sur ses réseaux avoir été «très bien reçue» et s’être «sentie écoutée» par Schiappa. Cette rencontre intervenait au moment même où le Sénat venait d’ajouter des amendements anti-trans dans la proposition de loi visant à interdire les thérapies de conversion.

Est-ce une simple coïncidence ? Au vu des positions de Moutot, il est légitime de se dire qu’elle représente la caution réactionnaire de l’exécutif macroniste, de la droite extrême, et de l’extrême droite.

En 2022, avec Stern, elles publiaient une nouvelle tribunetransphobe dans Marianne, en ciblant une affiche du Planning Familial : «Mme Élisabeth Borne, féministes, nous nous inquiétons de ce que devient le Planning familial». Rappelons tout de même à ses deux femellistes, qu’une des missions du PF est d’accompagner les personnes transgenres et non-binaires !

Si les idées réactionnaires et identitaires de Stern et de Moutot ne sont plus à démontrer, ils permettent à l’extrême droite politique et médiatique, d’occuper le
devant de la scène.

Le collectif Némésis, sous couvert de féminisme de droite, défend en réalité le modèle patriarcal. Il est proche notamment des journalistes d’extrême droite, Eugénie Bastié et Charlotte D’Ornellas. À l’automne 2022, cette dernière devait initialement débattre avec Moutot lors de la soirée de lancement d’Omerta, et à la suite de la vidéo «Trans» d’Amélie Menu (ou Pauline Fauré).

En faite, Moutot, on la retrouve un peu partout, du moment qu’elle peut déverser sa haine transphobe et graviter autour d’individues peu fréquentables.

En 2022, via l’association Régénère, du gourou sectaire Thierry Casasnovas (anti-IVG et complotiste), elle avait pratiqué du woofing dans sa ferme. Sur X, elle expliquait : «Curieuse que je suis, j’ai voulu voir par moi meme si j’allais me retrouver dans une secte ! Très déçue, je n’ai fait que récolter des tomates et des haricots verts !»
Pourtant, quelques mois après cet épisode, Casasnovas, youtubeur crudivoriste, est interpellé, après plus de 600 signalements à son sujets depuis 2016. Il est placé en garde à vue pour «emprise mentale», «exercice illégal de médecine», et «escroquerie».

Sur ses vidéos, Casasnovas promet qu’un bras amputé peut repousser après la digestion d’un jus, que manger cru soigne tout, de la boulimie au diabète, en passant par les cancers. Dans une vidéo, supprimé depuis, il déclarait : «Je suis intégriste au possible, traditionnaliste… J’ai l’air cool comme ça, mais c’est un cheval de troie.»

Visiblement, chez Moutot ou Stern, il est difficile de choisir ses fréquentations, entre identitaires, réactionnaires, traditionalistes, et complotistes.

Les partis politiques ne sont pas en reste, que cela soit chez Re-conquête ou chez le RN. Le 12 mars dernier, l’eurodéputée allemande, Christine Anderson, alliée du RN, se lançait dans une diatribe transphobe, approuvée par Jordan Bardella, tête de liste aux prochaines européennes. Pour rappel, Anderson est membre du parti allemand AfD, contre lequel plus de 1,4 million de personnes ont manifesté dans les rues, en janvier 2024.

Bien sûr, on n’oublie pas les traditionalistes de Civitas, de La Manif Pour Tous, avec en tête, Aude Mirkovic, connue pour ses prises de position contre l’avortement, le
mariage pour tous, la PMA, ou encore la transphobie.

Pour conclure, on vous invite à participer nombreux·ses, le 20 mars 19H, à la rencontre organisé par la CALE, intitulée Mouvements TERFS et extrême droite !

Constitutionnalisation de l’IVG, est-ce une victoire historique ?

Le lundi 4 mars, le Parlement français, député·es et sénateurices réunis en congrès à Versailles, votaient l’inscription de «liberté garantie à la femme d’avoir
recours à une interruption volontaire de grossesse» dans la Constitution. Les stations de radio, chaînes de télévision ou presses écrites, parlaient d’une «journée historique». L’acte paraît plus symbolique, mais est-ce suffisant ? Pourquoi ne parle-t-on pas de droit ? Qu’en est-il des hommes transgenres ? Quelles difficultés rencontrent les patient·es ? De nombreuses questions se posent.
Les premières versions du projet de loi prévoyaient d’intégrer le droit à l’IVG. Elle visait à garantir «l’accès effectif et égal au droit à l’interruption volontaire de
grossesse». Des versions retoquées à plusieurs reprises par le Sénat, majoritaire à la droite extrême et à son président, Gérard Larcher. C’est donc la troisième
tentative de rédaction des sénateurices qui a été adopté : «la loi détermine les conditions dans lesquelles s’exerce la liberté garantie à la femme d’avoir recours à une interruption volontaire de grossesse».
Pourquoi parler de droit est-il important ?
Si la Constitution parle de droit, alors l’État devra garantir le recours à l’avortement de façon égale sur son territoire, et dans les délais qui leur sont impartis. Il devra proposer un accès avec remboursement, pour assurer le principe d’équité d’accès au droit, et limiter les recours abusifs à la clause de conscience évoquée par les praticiens qui refusent de pratiquer l’IVG. De quoi filer des sueurs froides à la droite réactionnaire qui n’a cessé de casser le système de santé ces dernières années !
En parlant de liberté, qu’en est-il des hommes transgenres ?
En 2022, Aurore Bergé, alors députée macroniste, amende son projet de loi pour une constitutionnalisation de l’IVG. La formule «nul ne peut être privé du droit à
l’interruption volontaire de grossesse» devient «nulle femme ne peut être privée du droit à l’IVG».
Elle justifie l’utilisation du mot femme par la volonté d’éviter des avortements forcés. Est-il si compliqué de parler au sens large d’individu·es plutôt que d’exclure les hommes trans ? Si le texte garantit cette liberté aux femmes, une décision du Conseil d’État datant de décembre 2023 précise que la liberté de recourir à l’IVG doit s’étendre à «toute personne ayant débuté une grossesse, sans considération tenant à l’état-civil».
N’oublions pas que les conditions d’accès à l’IVG demeure fragile dans les faits ! Le recours à l’avortement, reste inégal selon le profil ou le niveau de vie sociale et
selon la disponibilité des structures près des lieux de résidence. Un rapport parlementaire de 2020 pointe des «infrastructures qui ne sont pas à la hauteur des besoins dans certains départements, ce qui engendre des inégalités territoriales qui sont difficilement acceptables». Elles ont pour conséquence d’allonger les délais de consultation et de rallonger le trajet des patientes.
Certain·es praticien·nes refusent toujours de pratiquer des IVG en invoquant la «clause de conscience». Le ministre de la Justice Eric Dupond Moretti déclare «La consécration de cette liberté n’emporte la remise en question d’aucune autre liberté, et notamment pas la liberté de conscience des médecins, des sages-femmes» et «cette liberté est totalement preservée» au sujet de la clause de conscience. E.D. Moretti défend donc ici la liberté d’empêcher ou de retarder l’IVG. En Italie dans les régions du sud, plus de 85 % de gynécologues refusent de pratiquer l’IVG en prétextant de cette clause de conscience, mettant en danger la vie de milliers de personnes.
Sur le territoire français, le délai qui s’écoule entre la première demande pour sa réalisation est en moyenne de 7,4 jours. Il «peut varier de trois à onze jours en moyenne selon les régions», soulignent les autrices du rapport parlementaire.
Ajoutons à cela la casse du système de santé et de l’hôpital public. Le Planning Familial, estime que, depuis quinze ans, de plus en plus de centres pratiquant
l’interruption volontaire de grossesse, ferment sur le territoire français. L’association a recensé la fermeture de 130 centres d’IVG ! Dans les zones rurales, le poids des déserts médicaux pèse également sur les avortements, et force les patient·es à se déplacer toujours plus loin.
La pénurie de pilules abortives est-elle toujours d’actualité ?
En 2023, plusieurs professionnelles de santé et de pharmaciennes avaient alerté sur la situation. L’interruption volontaire de grossesse médicamenteuse consiste à prendre à la suite deux médicaments : le mifépristone et le misoprostol. Sur le territoire français, ce sont ces deux seuls médicaments qui sont autorisés pour procéder aux IVG. Nordic Pharma est le seul laboratoire à pouvoir fournir ses pilules, essentielles pour avorter. L’Agence Nationale de Sécurité du Médicaments et des produits de santé (ANSM) avait déjà alerté en janvier 2023 sur de telles difficultés. « La situation n’est pas
exceptionnelle », déclare l’ANSM avant d’ajouter que le médicament est « régulièrement sous tensions », c’est-à-dire qu’il est disponible en stock relativement limité.
Aujourd’hui, la situation est stable, mais l’équilibre est précaire. La pilule abortive pourrait de nouveau connaître des problèmes d’approvisionnement !
La désinformation et propagande d’extrême droite, menacent-t-elles le droit à l’avortement ?
Dans un rapport publié avec l’Institute for Strategic Dialogue, la fondation des Femmes s’inquiète de l’efficacité offerte par les réseaux sociaux pour dissuader les femmes d’avorter. Sept ans après l’adoption par le Parlement d’une loi sur le délit d’entrave numérique à l’IVG, la désinformation et propagande d’extrême droite sévit toujours. Sur les réseaux sociaux, des pages anti-avortement, présentent de manière trompeuse, comme neutres, officielles, voire pro-IVG, des «témoignages non vérifiables, graphiques, études bidons, photos et vidéos culpabilisantes», avec un seul objectif : dissuader les femmes.
Parmi les contenus douteux, de fausses affirmations sur les effets secondaires de l’IVG ou des «descriptions erronées de la procédure d’IVG», énumère le rapport. Pour amplifier les messages anti-IVG, on retrouve des comptes liés à des organisations de défense des personnes en situation de handicap, des associations anti-LGBTQIA+ et opposées à la gestation pour autrui, des figures de la complosphère, des militantes chrétiennes, royalistes et d’extrême droite.
Les chercheuses de l’ISD ont ainsi constaté que des pages et groupes non-officiels de soutien au parti Re-conquête avaient joué un rôle clé dans cette amplification !
Les militants de cette désinformation n’hésitent plus à cibler les locaux du Planning Familial.
De plus, la montée des discours et de politiques réactionnaires voire fascistes alimentent les discours anti-IVG, rien n’est gagné par avance, rien n’est inscrit dans le marbre. L’IVG pourra toujours être remis en cause, comme aux États-Unis par exemple.
Alors bien sûr, on pourrait voir que tout est noir. Mais des avancées ont eu lieues depuis plus de 50 ans pour la législation et la constitutionnalisation de l’IVG, grâce à l’implication de mouvements féministes, comme le Mouvement pour la Liberté de l’Avortement et de la Contraception (MLAC), le Mouvement de Libération des Femmes (MLF), ou plus récemment avec le Collectif Avortement Europe, le Planning Familial, Nous Toutes, et les associations et collectif·ves LGBTQIA+.
Plus localement, à Lorient, des initiatives se mettent en place ou revivent. Dernièrement, le Planning Familial 56 en coopération avec Radio Balises, a enregistré deux premières émissions féministes, intitulée «Garcette». Enfin, le collectif Nous Toutes Lorient, après deux années de sommeil renaît de ses cendres. Deux membres du
collectif explique au Télégramme : «On souhaitait s’engager au niveau local, s’implanter dans une ville, pour une cause que l’on défend depuis des années : le
féminisme. Et les récents événements, les deux féminicides survenus à Lanester et Lorient, nous prouvent qu’il y a un vrai besoin local.»
Elles poursuivent : «L’association J’ai vu un documentaire, avec le planning familial, a récemment projeté le film «We are coming : chronique d’une révolution féministe». À la fin du débat, une personne a soulevé le fait qu’il n’y avait plus de collectif. On s’est rendu compte qu’il en manquait un pour faire de la sensibilisation aux violences sexistes et sexuelles (VSS) à Lorient.»
Pour conclure, on vous rappelle que ce vendredi 8 mars, les associations, collectif·ives, syndicats, et partis politiques, se mobiliseront à Lorient pour la Journée internationale des droits des femmes et des minorités de genre. Au programme : deux manifestations et un village revendicatif sur la Place Polig Montjarret.
Soyons nombreux·ses !