VERS UN SOULÈVEMENT CONTRE L’AUSTÉRITÉ ?

Le 15 juillet dernier, François Bayrou, Premier ministre le plus impopulaire de la Cinquième République, profitait de l’été pour annoncer un énième plan d’austérité.

Ainsi, en bon soldat de la macronie, il listait les premières coupes budgétaires : non-remplacement d’un·efonctionnaire sur trois partant à la retraite, suppression de plus de 1 000 emplois dans les agences d’Etat, suppression de 3 000 postes de fonctionnaires en 2026, non-revalorisation des salaires, diminution du budget des collectivités territoriales, etc.

D’autre part, son budget fera de la santé sa cible prioritaire, alors même que les hôpitaux craquent de partout, que les urgences sont saturées, que les conditions du personnel se dégradent toujours plus et que les patient·es désormais devenu·es des client·es peinent à se soigner correctement.

Mais qu’importe, Bayrou et son gouvernement souhaitent attaquer de front les personnes touchées par des affections de longue durée (ALD), augmenter le doublement des franchises sur les médicaments, et multiplier la mutualisation des achats des services hospitaliers, en passant par l’accentuation de l’ambulatoire.

Ils vont même jusqu’à proposer de récupérer les équipements des personnes décédé·es pour limiter les coûts.

Pour trouver les milliards restants, le gouvernement veut faire la chasse aux plus précaires et aux travailleureuses. Cette offensive, pour « remettre le pays au travail » va mener à une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, une loi travail à venir, et la mise en place d’une « allocation sociale unifiée » dont les contours présagent de nouvelles attaques contre les minimas sociaux.

La suppression d’un premier jour férié, le lundi de Pâques, puis d’un second, le 8 mai, jour historique où l’Allemagne nazie a capitulé, dans un moment où le budget de guerre augmentera de 100 % est à lui seul un choix symbolique vers la contestation.

Si les retraité·es, travailleureuses ou chômeureuses seront touchées de plein fouet, il ne faut pas oublier le sort que réserve l’Etat français aux étudiant·es. Depuis l’élection de Macron, le coût de la vie a augmenté de 32 % : hausse des loyers, des transports, des frais d’inscription, de la nourriture, des frais médicaux, etc.

Et combien même si les scandales d’État frappent l’Hexagone depuis la première élection de Macron : 26 de ses ministres ou anciens ministres sont mêlées à des affaires judiciaires. Ces derniers mois, Bayrou, est visé lui-même dans l’affaire Bétharram, Aurore Bergé est visée pour « faux témoignages » dans le scandale des crèches, et enfin le scandale des eaux contaminées qui aurait rapporté plus de 500 millions d’euros à un grand groupe.

Aujourd’hui, le capitalisme est roi d’un État qui le protège tout en appauvrissant les plus précaires d’entre nous et en menant des projets écocidaires comme la promulgation de la loi Duplomb, le chantier mortifère de l’A69 ou la construction de bâtiments de luxe gentrifiant nos villes. La macronie et ses allié·es sont les vassaux de cette débâcle.

Alors que faire maintenant ?

Les quelques exemples résumés ci-dessus sont-ils l’étincelle d’un nouveau mouvement ? Dans nos lieux de vies, auprès de nos collègues, familles, amies et camarades, il existe un sentiment profond de colère et une lassitude face à l’inaction de la gauche institutionnelle.

Frustationmag rappelle qu’ « il faut bien reconnaître : aucune issue institutionnelle ne semble aujourd’hui envisageable face au problème auquel nous sommes confrontés ».

De cette lassitude, il subsiste depuis plusieurs années un désir d’auto-organisation populaire. Le budget Bayrou est-il ce carburant qui manquait ? Toujours est-il que dès le début du mois de juillet, la date du 10 septembre et le mot d’ordre « Indignons-nous : bloquons tout » commencent à circuler. Depuis, des groupes voient le jour et se réunissent, d’anciennes ou de nouvelles revendications émergent, des AG s’organisent aux quatre coins de l’Hexagone et on discute des meilleurs moyens pour contrecarrer le plan d’austérité imposé par le capitalisme.

Mais pour que le 10 septembre ne soit pas qu’un feu de paille, il est nécessaire de réinventer la lutte, de rénchanter nos espaces communs, de trouver de nouveaux moyens d’actions et d’être créatif·ves. Car on le sait, les manifestations, occupations ou pétitions ne font plus peur à un pouvoir s’accrochant coûte que coûte à la survie de ses privilèges. Enfin, il paraît important de ne pas se laisser déborder par l’extrême droite présente comme lors du mouvement des gilets jaunes et qui déversait la haine et la peur de l’autre. Opposons-lui notre solidarité et notre tolérance !

LE DRAPEAU PALESTINIEN A-T-IL ÉTÉ RÉPRIMÉ DU FIL 2025 ?

Alors que le Festival Interceltique de Lorient (FIL) vient de toucher à sa fin, de nombreux témoignages de festivalier·ères nous remontent sur de nombreux contrôles d’identité. En cause ? Des banderoles déployées ou des drapeaux palestiniens portés sur les épaules. 

Rien d’anodin puisque depuis plusieurs mois, en Hexagone, le drapeau palestinien fait l’objet d’un traitement singulier : sa seule apparition suffit à susciter des accusations simplistes de troubles à l’ordre public, des interventions policières, des gardes à vue, voire des mises en cause judiciaire. Ainsi, en amont, des contrôles abusifs sont menés à tout-va pour satisfaire le bourrage de crâne impérialiste soutenant toujours le régime de Netanyahu. Cette propagande est elle-même relayée par l’hystérisation de certains médias auprès de ses lecteurices.

Dans un communiqué transmis aux organisations partenaires et envoyé à la presse, l’AFPS du Pays de Lorient, dénonce des « faits inacceptables et honteux pour l’image de la ville et du festival » et recense au moins deux contrôles d’identité. Des chiffres qui sont en deçà de la réalité, puisque nous sommes en mesure de confirmer, avec vos témoignages, que près d’une dizaine de contrôles d’identité voir plus ont été réalisé au cours des dix jours de festival interceltique.

À l’exemple du dimanche 3 août où nous dénombrons au moins quatre faits. Le premier a lieu vers 11h au cours de Chazelles. Une banderole est déployée par des militant·es de la cause palestinienne lors de la Grande Parade des Nations Celtes. Dénoncé·es par certain·es spectateurices à la police, plusieurs militant·es sont arrêté·es,menotté·es, puis amené·es au commissariat lorientais pour une « vérification d’identité ». Cette vérification dure plus de deux heures. Une autre personne écope d’une amende. Aucune poursuite connue à ce jour.

Les trois autres faits ont lieu entre la place des Pays Celtes et le Kleub. Plusieurs jeunes individu·es sont contrôlé·es entre 22h et 23h sur la place névralgique du FIL par une dizaine de CRS. Ils exigent que la jeune femme retire de ses épaules le drapeau palestinien sur « ordre du commissaire ». La jeune femme demande pourquoi à plusieurs reprises. Selon son témoignage « aucune explication n’est apportée ».

Les deux suivants ont lieu à la sortie du Kleub, un lieu situé place de l’Hôtel de Ville. La jeune femme contrôlée auparavant est accompagné d’un ami. Il est contrôlé à son tour « pour savoir à qui on a affaire » selon son nouveau témoignage puis est « mis en garde » que si le drapeau palestinien reste sur ses épaules il risque de se « faire embêter à nouveau ». Les deux ami·es, au contraire, reçoivent des marques de soutien, des sourires et des remerciements par de nombreux·ses festivalier·ères présent·es sur les autres sites du FIL. Ici, nous saluons leur acte de résistance.

Enfin, un·e individu·e est de nouveau contrôlé·e car iel porte un drapeau palestinien sur ses épaules. Cette fois-ci, il y aurait un « arrêté préfectoral ». Les FDO qui effectuent le contrôle ne sont toujours pas en mesure de présenter un document officiel attestant de cet arrêté.

Le jeudi 7 août, vers 21h, au Quai du Livre, un couple franco-italien est interpellé par des CRS. L’homme qui ne parle bien français a du mal à comprendre ce qu’on lui reproche. Sa compagne traduit. L’AFPS explique dans son communiqué le « ton agressif des policiers qui lui intiment d’enlever son drapeau évoquant de manière vague qu’aucun drapeau autre que ceux des nations celtes n’est admis sur le site, au prétexte que le festival serait apolitique ». S’en suit un contrôle d’identité et des menaces d’être conduit au commissariat.

Le jeudi 7 août, vers 22h, un couple franco-asturien est prié de quitter illico presto le fest-noz de la salle Carnot et le Festival Interceltique de Lorient. Le jeune asturien est contrôlé sous prétexte qu’il arbore le drapeau palestinien. 

Toujours ce jeudi 7 août, à 23h05, le couple franco-italien est de nouveau contrôlé. L’homme est « brutalement » aggripé par ses vêtements et « emmené contre une palissade ». À nouveau un contrôle d’identité est mené et que s’il persiste une troisième fois, il sera conduit au poste.

Quelques minutes plus tard, nous recevons des alertes de bénévoles présent·es sur différents sites et dont la police somme de « dénoncer les personnes portant le drapeau palestinien ». Ils expliquent également être à la recherche « d’espagnols ou d’italiens pro-palestiniens ».

Le vendredi 8 août, un·e individu·e subit un troisième contrôle de la semaine à la sortie du Kleub. Iel lui est notifié·e qu’un « arrêté municipal » portant sur le drapeau palestinien est en cours. Aucun document n’est présenté.

Ces quelques exemples sont issus d’une longue liste de faits non-exhaustive. Alors si la direction du Festival Interceltique de Lorient, rappelle que « Nous n’avons eu aucune remontée concernant ces faits » selon la presse régionale, on lui rappelle que la répression est toujours plus oppressante, ces derniers mois, et que nombre d’individu·es se taisent par peur de représailles.

L’organisation assure également n’avoir « donné aucune instruction officielle concernant le port du drapeau palestinien, encore moins une interdiction ». Face à cela, il est légitime de se poser plusieurs question.

Comment se fait-il qu’une représentante du festival a spécifiquement signifié que « le drapeau palestinien est interdit » ? Est-on en droit de prohiber le drapeau palestinien lorsqu’on se remémore l’histoire du Festival Interceltique ?

La réponse est bien évidemment non. On ne peut outrepasser qu’en 2005 puis en 2007, de jeunes musicien·nes palestinien·nes ont défilé avec le Bagad Guirab (signifiant cornemuse en arabe) lors de la Grande Parade des Nations Celtes, le triomphe des sonneurs et les différents défilés.

Pourtant, déjà à l’époque, ces palestinien·nes, comme des milliers d’autres, étaient expulsé·es de leur terre, entassé·es dans des camps en Cisjordanie, réfugié·es au Liban, ou bien même enfermé·es dans la bande de Gaza.

Ce message d’ouverture, de solidarité et de tolérance,associé à nos cultures minorisées, ne peut être oublier ou dévoyer aujourd’hui.

Dans la conjoncture actuelle, exprimer sa solidarité en arborant le drapeau palestinien est-il devenu un délit ?

En janvier 2023, Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient d’Amnesty International soulignait que « depuis des décennies, le drapeau palestinien est un symbole d’unité et de résistance à l’occupation illégale d’Israël ; il est utilisé à travers le monde comme emblème de solidarité avec le peuple palestinien ».

Arborer le drapeau palestinien n’est pas un délit, au contraire, il marque toute notre solidarité et encore plus lorsque cinq journalistes parmi les derniers de Gaza sont tués. Lorsque des femmes palestiniennes accouchent sans anesthésie, allaitent sous les bombardements, et protègent leurs enfants avec leurs corps. Elles voient la faim les dévorer au point de manger du sable et inscrivent leur nom sur leurs bras « au cas où ». Les femmes palestiniennes déchirent leurs toiles de tente pour en faire des protections menstruelles de fortune, endurent des infections sans aucun soin possible. Alors oui, merci à celleux qui ont eu le courage d’arborer les couleurs de la Palestine au FIL 2025 comme ailleurs.

Enfin, au sujet d’un hypothétique « arrêté municipal », comme évoqué le vendredi 8 août, les services de l’Etat français se sont déjà prononcés « plusieurs fois sur le sujet : non, pour la justice, l’interdiction d’un drapeau n’est ni nécessaire ni proportionnée » comme le rappelle France Info, dans un article daté du 4 juin dernier.

EDIT : Le vendredi 8 août dernier, un bâteau accoste au port de Lorient. Vers 18h, environ dix minutes après l’arrivée de l’équipage, six policiers arrivent sur le ponton « nous ordonnant d’enlever notre drapeau ». Une des
personnes contrôlées explique que « nous avons demandé de nous
montrer le document qui spécifiait cet ordre. Ils nous ont répondu que c’était un arrêté préfectoral, mais qu’il ne l’avaient pas avec eux ».

S’en suit des contrôles d’identité en « spécifiant qu’ils ne pouvaient pas enlever le drapeau mais que si ce n’était pas fait, on recevrait sûrement une amende ».

SE RAPPROCHER AVEC LA MUSIQUE BRETONNE

Depuis quelques temps, nous partons à la rencontre d’acteurices loc·ales·aux pour parler d’art, de culture ou de musique. Il y a un peu plus d’une semaine, nous avons rencontré un biniaouer et talabarder (entendez par-là d’un joueur de binioù et de bombarde) du pays lorientais et membre d’un bagad morbihannais.

Ensemble, nous avons évoqué pendant près d’une heure et demie, la musique bretonne et son avenir, les bagadoùs, les festoù-noz et le mouvement trad. Une discussion engagée, comme on l’aime et comme on l’a défend avec notre auto-média partisan.

Surnommé « Tcheutcher » par certain·es de ses ami·es, il incarne la nouvelle génération, déterminée à s’ouvrir au monde par la solidarité, la tolérance et la dignité. À ses côtés, on découvre ou redécouvre au fil de la discussion, sa passion qui le lie à la musique. S’il joue dans un bagad, orchestre musical cadré, cadencé au pas, inspiré des pipe bands écossais et culturellement « hiérarchisée, spectaculaire ou grandiose », Tcheutcher performe également dans les festoù-noz ou « fêtes de nuit ».

Modernisés aux milieux des années 1950 dans le Kreiz Breizh (Centre-Bretagne), sous l’impulsion de Loeiz Ropars, les festoù-noz connaissent un nouvel élan.

Le 26 mai 1954, Loeiz Ropars, organise un premier concours de kan ha diskan à Poullaouen avec l’idée de relancer les festoù-noz. Poullaouen, c’est aussi une commune, terre de lutte, ouvrière et populaire, où des laveuses se mettent en grève au cours de l’année 1767. La grève qui dure six semaines est la première hexagonale du monde ouvrier féminin. Elle se solde par une victoire.

Dans les années 1960, les festoù-noz deviennent festif, populaire, et prennent de l’ampleur. Ils se multiplient en Kreiz Breizh et commencent même à gagner l’ensemble de la Bretagne.

En 2024, si l’on se base sur les chiffres de Tamm-Kreiz, qui œuvre pour la promotion et la diffusion du monde du fest-noz, il y aurait eu au moins 1175 festoù-noz et bals trad en Bretagne.

Aujourd’hui, rajeunie par la nouvelle génération, les festoù-noz sont plus ouverts. Sensible sur les non-dits, sur la veille et la prévention des violences sexistes et sexuelles, elle soulève des thèmes importants. Mais estime que « le milieu est clairement en retard sur le sujet » comme le souligne la harpiste Nolwenn Bernard dans un article de Mediapart en août 2024.

Déconstruire la méritocratie, dégenrer la danse, vivre un amour libre et heureux, rappeler que la pratique hétéronormée est de moins en moins courante, sont portées par la nouvelle génération dans le kas-a-barh, l’hanter dro ou la ridée.

Brassés par des sous-textes que chacun·es peuvent interpréter d’une manière différente, les festoù-noz, lieux de rencontres, interpellent son public et apportent un vent de fraîcheur dans ses contenus.

Si les mœurs commencent à évoluer, Tcheutcher nous rappelle d’ailleurs que « la musique bretonne a besoin de se rapprocher » de nos luttes communes et de nos espoirs. On se souvient notamment du 17 août 2024, lors du Festival Interceltique de Lorient off, où il performe aux côtés de DJ Tonkar et de la dragqueen Monica Gole.

De la nécessité à converger ensemble, il faut tout de même rappeler que nos cultures minorisées sont mises en danger. En effet, Rachida Dati, ministre de la Culture, aux relents trumpistes, accentue les coupes budgétaires à tous les niveaux. Le SMA (Syndicat des Musiques Actuelles) publiait, le 16 avril dernier, une étude plus que documentée sur le sujet.

Les chiffres sont clairs : 65,8 millions d’euros en moins de la part des régions pour la culture. En Bretagne, des centres culturels ferment, des coopératives culturelles mettent la clé sous la porte, et des championnats de musique sont menacés.

Et ce n’est pas le fameux « plan fanfare » qui donnera des avancées. Ainsi, en réduisant son budget à la culture, l’Etat français ouvre sa porte aux extrêmes droites. Sous couvert de sa théorie du « grand remplacement », elles s’en prennent, dans des torchons de désinformations régionaux aux réfugié·es ou à des groupes d’artistes engagés.

Ce discours nauséabond ne doit avoir aucune place, ni sur la place publique, ni dans les commentaires haineux qui pullulent sur les réseaux sociaux. Tcheutcher souligne « l’intérêt qu’on soit en capacité de répondre avec l’argumentaire » et non « en mon nom ». Car c’est bien cela le problème, les extrêmes droites non-locutrices se permettent d’agir à la place des premiers·ères concerné·es.

Car sous prétexte de motifs fallacieux et crasseux des extrêmes droites, c’est bien la diminution du nombre de locuteurices qui menacent.

Il ne reste plus que 107 000 personnes parlant breton soit 2,7 % de ses habitant·es. C’est deux fois moins que la dernière étude qui datait de 2018.

À cela, s’ajoute la gentrification des villes, car oui, les artistes sont précaires. La précarité est bien là, sous différentes formes, dans les grandes et villes moyennes.

Nombreux·ses sont celleux qui quittent les zones du littoral pour le Kreiz Breizh où le prix des loyers sont plus accessible. La baisse des budgets aditionnée à la  gentrification menacent nos cultures minorisées.

Pour autant, rien n’est perdu, car un jeune vivier d’artistes et de musicien·nes se mobilisent. De Fall Foen à Elouan Le Sauze, en passant par Kevin Le Pennec, harpiste queer, au duo de rappeurs de Plouz&Foen, nombreux·ses sont celleux à être ouvert·es, tolérant·es et dignes.

Il est donc important que « nos milieux fassent un pas vers l’autre » comme le conclut Tcheutcher.

Ce premier pas a été réalisé au cours de l’été 2024, lorsque deux tribunes circulent dans le milieu des musiques bretonnes : « Folk contre le fascisme » et « Ne vous abandonnez pas aux sirènes de l’extrême droite ». La première réaffirme un positionnement antifasciste et antiraciste quand « les traditions populaires se font écho les unes aux autres, d’où qu’elles prennent leurs sources » et la seconde appelle à se mobiliser dans les urnes face aux extrêmes droites. Cette année, il y a également une volonté de se mobiliser contre l’extrême droite entre le mouvement folk antifasciste et le mouvement trad fest-noz.

Des festoù-noz aux bals trad, les chants de luttes sont investis par les mouvements sociaux, comme un outil pour se rencontrer, lever des fonds et danser tous·tes ensemble. Au sein de ces scènes, il existe des initiatives contre le sexisme, comme avec Krismenn ou Fleuves, qui dénoncent la part sous-représentative d’artistes féminines dans les festoù-noz avec ce chiffre à l’appui : 70 % d’artistes masculins sur scène et 30 % restant sont, pour moitié musiciennes ou chanteuses répertoriées par Tamm-Kreiz.

Alors pour que la culture populaire vive, pour que la culture et la musique soient nos luttes, mobilisons-nous ensemble !

LE RAP CONSCIENT EXISTE-T-IL TOUJOURS ?

Alors que la saison estivale des festivals a déjà débuté, on va s’intéresser au rap, prisé par un public très large. Apparu dans l’Hexagone au cours des années 1980 sur le modèle du hip-hop étasunien, il prend rapidement de l’ampleur et devient populaire dans les années 1990. Si aujourd’hui de nombreux·ses artistes mainstream sont en tête des « charts » ou classements musicaux grâce à l’apparition du streaming, que des magnats d’extrême droite sont désormais actionnaires, que reste-t-il du rap engagé et militant ? 

Avant de répondre à cette question, il parait important de comprendre à quel point l’apparition et l’expansion du streaming ont joué un rôle sur le rap. Ce dernier, qui est une des disciplines du hip-hop, est celui qui a connu le plus d’évolution ces dernières années : les battements par minutes ou BPM ont ralenti, les mélodies auto-tunés se sont imposés et les structures des morceaux se sont retrouvés complètement chamboulées. 

Les plateformes de streaming, soutenu par le capitalisme musical ont bien saisi cela pour faire un maximum de profit. Ainsi, ensemble, ils mettent en avant des artistes plus « bankables », ciblent des tranches d’âge spécifique en leur proposant un rap parfois aseptisé et contribuent à effacer les repères historiques essentiels à la compréhension du rap.

Il se retrouve mis à la disposition et surtout mis en avant pour tout un pan d’individu·es en discordance avec ce qu’est le rap comme culture. « Le problème qu’on a avec un public qui est en décalage avec la politique, c’est que pour beaucoup du coup, ils vont passer à côté d’un message et un message qui est très important dans le rap » comme le soulignait Akashioupersonne pour Raplume en novembre 2023. 

Peut-on oublier sa mémoire, sa transmission, son ancrage et ses histoires sociales ou politiques ? « Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position » ?

Les revendications sociales ou politiques s’inscrivent dans une longue tradition du rap hexagonal. Le 21 mars 1997, un collectif réunissant une vingtaine d’artistes sort un morceau culte engagé politiquement. Intitulé 11’30 contre les lois racistes, ce manifeste antiraciste bâti sur un projet artistiquement ambitieux rassemble les plus grands noms du rap des années 1990 : Ménélik, Fabe, Passi, Stomy Bugsy et bien d’autres. À cette époque, le rap fran­çais est très poli­ti­sé. Les têtes d’affiche répondent à l’appel.

Dans le morceau, le collectif dénonce les lois mises en place par la gauche et la droite institutionnelle.

L’intro est percutante de suite : « Loi Deferre, loi Joxe, lois Pasqua ou Debré, une seule logique : la chasse à l’immigré. Et n’oublie pas tous les décrets et circulaires. Nous ne pardonnerons jamais la barbarie de leurs lois inhumaines. » À travers ce morceau, c’est toute la classe politicienne qui est visée.

En octobre 1997, 60 000 exemplaires sont écoulés. Les fonds récoltés sont reversés au Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB) qui dénonce le racisme institutionnel dont sont victimes les réfugié·es, et en particulier les violences policières.

En 1998, Ärsenik, groupe de rap français, originaire de Villiers-le-Bel, rappelait la punchline « Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position » dans le titre Boxe avec les mots.

Cette punchline a été reprise depuis par de nombreux·ses artistes, dont Youssoupha dans Menace de Mort en 2012.

À cette époque, les rappeureuses sont en première ligne face aux attaques incessantes de tout un tas de journalistes, d’essayistes ou de politicien·nes de droite extrême et d’extrême droite qui estiment que le rap est une « sous-culture ». De nombreux·ses artistes prennent alors position et en parlent dans leurs musiques.

Aujourd’hui, le rap s’est développé, truste la tête des charts ou des plateformes de streaming. Des juristes relisent les textes pour vérifier que rien n’est condamnable d’un point de vue légal, les chef·fes de projet mettent des freins sur les textes qui pourraient nuire à la promo, et les artistes eux-mêmes se censurent en réfléchissant plus en termes de plan de carrière que de musique.

Pire encore, des magnats d’extrême droite comme Bolloré sont désormais actionnaires de labels !

Ce cocktail fait que des artistes ont de plus en plus de mal à condamner des positions prisent par des médias, par des politiciennes et par un système étatique.

Lorsque la parole est prise, comme dans No Pasarán avec 9’43 contre les fachos, l’initiative est sans doute salutaire, mais elle intervient bien tardivement. 

Pourquoi sortir le morceau au lendemain du premier tour des élections législatives de 2024 quand on sait que l’extrême droite et ses partisan·es redoublent et accentuent les attaques sur nos camarades depuis plusieurs années ? À titre d’exemple, lors des révoltes populaires du mois de juillet 2023 suite à la mort de Nahel, des milices s’évertuent à livrer des personnes racisées à la police française.

À cette même période, sur le pays lorientais, l’extrême droite locale intimide nombreux·ses de militant·es ou d’événements.

Les textes de No Pasáran sont inégaux, souvent confus et conspirationnistes. Un discours qui tranche avec son ancêtre du 11’30 contre les lois racistes. 

Dès lors faut-il repenser notre rapport au rap ? Existe-t-il des artistes à contre-courant et engagé politiquement ?

Alors, oui, il existe des contre-exemples !

Le 13 décembre 2020, un collectif de 33 MC’s sort un morceau plus que jamais d’actualité. Dans un contexte ravivé par le mouvement des gilets jaunes, par les meurtres de Zineb Redouane, de Steve Maia Caniço, de Cédric Chouviat ou par la loi sécurité globale.

13’12 contre les violences policières narre le racisme et les violences policières. Dès le début, le clip fait mouche, les textes sont talentueux, et des illustrations d’images qui nous rappellent combien l’Etat français a déchaîné sa milice tout au long de ces dernières années.

De Skalpel à Billie Broke, en passant par L’1consolable à de Tideux, les punchlines sont acérées ! Une belle découverte musicale.

Un autre artiste cristallise tout ce que l’Etat français et l’extrême droit déteste, le rappeur Médine. De par son tempérament et ses textes criant de vérité, Médine représente à lui seul tout ce que les politiciennes déteste : de l’annulation de ses concerts jusqu’aux menaces de mort, tout est bon pour nuire à un artiste qui fait de la lutte pour la justice sociale un cheval de bataille de ses chansons. 

Dans Généric, il livre un récital et un hommage à l’antifascisme. Dans Stentor, il réalise son clip aux côtés de plusieurs militantes de collectifs antifascistes où il explique « Nique les fafs, les Waffen-SS (Nique les fafs, les Waffen-SS), J’suis pas Stanislas, un peu Averroès ».Avec L’4mour, clip officiel du spectacle La Haine, il souligne « Mais, dans les contrôles de routine. On est des ramasseurs de balles. Mais tu veux savoir c’est quoi l’comble? C’est qu’ce soir, on fait salle comble ».

Le 29 avril 2023, Médine se produit à Lorient dans une salle comble. Quelques semaines auparavant, l’extrême droite locale et leurs nervis tentaient d’annuler la venue de SOS Méditerannée.

Ils en feront de même pour la venue du rappeur en se plaignant dans la presse régionale.

Ce soir-là, Médine fera danser et chanter plus de 500 personnes autour de ses sons cultes, du « Siamo Tutti Antifascisti » et du drapeau antifasciste Breizh Enepfaskour.

Il conclut son concert par « Lorient, j’avais aucun doute ce soir, le message est reçu ».

Car si Vald expliquait en mars 2025, sur le plateau de Quotidien, que si le rap est « de gauche quand il se veut militant, quand il essaie de décrire des trucs, il est de droite quand il est content d’avoir des grosses voitures », pour nous, il doit être engagé et militant ! Continuons, dans les manifestations à porter ce message, continuons à fleurir les têtes de cortèges de banderoles en reprenant les paroles d’artistes. Sur les réseaux sociaux, utilisons les audios de rappeureuses engagées dans nos publications.

Ces deux exemples récents sont loin d’être exhaustifs, nous vous invitons à venir l’enrichir en commentaires. Aussi, nous découvrons à peine la scène engagée régionale et internationale qui se mobilisent à travers leurs messages, mais nous en sommes sûr·es, soutenons les !

FAIRE VIVRE L’ART QUEER À LORIENT

Au détour d’une conversation entamée sur les réseaux sociaux, nous avons proposé à Jiruma Vixen, dragqueen lorientaise, une rencontre, pour qu’elle nous explique ce que représente son art, ses débuts dans la campagne bourguignonne, mais aussi ses émotions, et le rôle qu’elle interprète dans la scène drag lorientaise. Une heure et quart d’échanges riches autour d’un thé glacé, d’un brownie et de pintes !

Originaire de Bourgogne, Jiruma se met en drag ponctuellement à l’époque, depuis cinq ou six ans, dans un cabaret local, sous les traits d’une danseuse, accompagnant son père de drag Georges Mambo. Bref, des soirées qui lui permet d’explorer le genre.

Arrivée il y a plus de trois ans à Lorient, elle assiste à plusieurs soirées drag d’À l’Abordrag soirée du drag king Edmond Séant venant de la scène rennaise et qui a originé les premiers dragshows à Lorient. C’est d’ailleurs après avoir participé à l’édition de novembre 2023 que Jiruma obtient l’aval de lancer ses propres soirées : les Drag’émonium. La première aura lieu en janvier de l’année suivante. Elle nous explique que « tout est à faire sur Lorient » afin de créer une scène drag lorientaise. N’oublions pas tout de même que dès cette époque, DJ Tonkar et Monica Gole (assistez à leurs
performances d’ailleurs !
) sont présentes à Lorient bien que dans un registre légèrement distinct.

Elle s’élance plus sérieusement il y a un moins de deux ans, au côté de son acolyte drag queer, devenu ami·e, Lily Borea, en novembre 2023. Iels deviennent des précurseureuses du drag à Lorient.

Cette ville, moyenne, va devenir une référence sur la scène bretonne. Mais pour autant rien n’a été si facile pour en arriver là. La région ou le pays lorientais, très connoté à droite, voir à l’extrême droite par endroit, est un challenge. Jiruma recevra de nombreux commentaires haineux après son interview au Télégramme, le 19 avril 2024.

Alors si rien n’est aisé, si la précarité du drag est réelle (pour se lancer, il est estimé que 250 € est nécessaire rien que pour le maquillage) ou est chronophage avec les multi casquettes, il faut saluer l’investissement de
chacun·es des drags pour faire briller Lorient dans le Grand Ouest, de Brest à Tours, et au delà.

À Lorient, avec le drag, Jiruma trouve des réponses à ses questions et ce grâce au drag. Elle explique qu’il « faut faire vivre l’art queer » et transmettre « ses émotions, ses tripes, ses souffrances, ses envies et ses espoirs ». Très souvent hosting (ou hôte de soirée), elle s’épanouit dans ce rôle avec comme figure la drag étasunienne, Bianca Del Rio.

Jiruma, soutenus par son entourage familial, assume sa genderfluidité par le drag et revendique désormais ses positions.

Dans la ville aux sept ports, les lieux où se produisent les artistes sont toujours plus nombreux. Jiruma et les drags sont disponibles aussi. Les drags shows sont des endroits, des « safes places » comme elle le rappelle, dans lesquelles les drags sont disponibles, à l’écoute pour les personnes en questionnement ou isolées socialement notamment des personnes jeunes et membres de la communauté LGBTQIA+. À Lorient, le drag est un art
militant, un drag présent !

Nous finissons notre rencontre sur la question militante, sur ce qui se passe actuellement en Hongrie, sur la montée du fascisme, sur les personnalités queer « qui doivent se positionner », car le schéma de la Seconde Guerre mondiale n’est pas à reproduire et qu’il faut faire front ensemble ! Le discours de Jiruma Vixen, le samedi 28 juin dernier, lors de la cinquième édition de la Pride lorientaise abondait dans ce sens.

Cette heure et quart d’échange passionné mais nécessaire fût très agréable.

Nous invitons chacun·es d’entre vous à découvrir ou à re-découvrir les performances des drags lorientaises, car cet art, le drag, doit vivre pour s’émanciper de toute forme d’oppressions ! Jiruma nous confiera d’ailleurs qu’une pause estivale « n’est pas possible » et nous ne sommes pas étonné·es vu l’engouement qu’elle porte et que nous portons à son art.

Dans cette publication, on parle en grande partie de Jiruma, mais il ne faut pas omettre tous·tes les drags lorientais·es qui performent de leur art pratiquement chaque week-end.

UNE PRIDE LORIENTAISE FESTIVE ET REVENDICATIVE

Le samedi 28 juin, plus de 1 500 personnes ont défilé dans les rues du centre-ville de Lorient pour la cinquième édition de la Pride.

Dès 14h, des stands de goodies artisanaux, de collectifs ou d’organisations, installent un village éphémère, place Glotin. Sur le balcon du Palais des Congrès, on aperçoit le drapeau LGBT accompagné de celui de la Palestine. Ce dernier sera présent lors du défilé aux côtés de nombreux drapeaux queer.

Peu après 15h30, un premier char donne le coup d’envoi de la marche et se positionne en tête de cortège derrière la banderole « Queer et Fièr·x·es ». Sous un soleil de plomb, l’ambiance monte rapidement. Des tenues couvertes de paillettes et des visages parés de maquillages éclatants s’élance.

Sur le char, plusieurs artistes drags breton·nes, accompagné·es d’un DJ, enchaînent les performances.

La tête de cortège est joyeuse et festive.

En milieu de cortège, plusieurs militant·es du pays lorientais, donnent de la voix et se relayent. Devant les bars de la place Jules Ferry et pendant tout le long du parcours résonnent les « Siamo Tutti Antifascisti », « Queer, Déter, et Révolutionnaires », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « ou le génial mais néanmoins nécessaire » « Pas de
fachos, plus de drags shows ».

De chouettes pancartes sont tendues dans les airs.

Cette partie du cortège, déterminée et revendicative, s’époumonera jusqu’à la fin du défilé. Face à l’internationale réactionnaire et fasciste, il est
important de repolitiser les prides et l’exemple de samedi est important pour nos luttes futures.

Un deuxième char anime la fin de cortège, où l’on retrouve deux vélos triporteurs pour l’accessibilité de tous·tes, et le reste des manifestant·es.

De retour sur la place Glotin, après une pause bien méritée, discours et drags shows s’enchaînent pour le plaisir des personnes toujours présentes.

Entre manifestation revendicative et fête, cette cinquième édition de la Pride lorientaise a tenu ses promesses et a su faire face à l’extrême droite.

Les actes ignobles et horribles des nervis lorientais de ces derniers jours n’ont pas découragé les 1 500 participant·es.

Face à l’extrême droite, ensemble, nous ne devons rien céder !

AUX ORIGINES DE LA PRIDE : STONEWALL

Le 28 juin 1969, alors qu’un énième raid policier s’organise face au Stonewall Inn, bar new yorkais situé dans le quartier de Greenwich Village, des gays, deslesbiennes, des trans et des drags ripostent face à une nouvelle offensive répressive.

À la fin des années 1960, de nombreux mouvements voient le jour aux États-Unis. Le Black Power s’affirme, la protestation contre la guerre du Vietnam grandit et le mouvement féministe prend de l’ampleur.

Pour autant, l’homosexualité reste un crime. Illégale dans tous les Etats-Unis (à l’exception de l’Illinois), les actes charnels entre adultes de même sexe sont punis deprison. A l’époque, la législation interdit également le
travestissement. A San Francisco, par exemple, il est prohibé jusqu’en 1974.

Sur la côte Est, la ville de New York, en particulier Greenwich Village, est un haut lieu de la vie gay étatsunienne. Le Stonewall Inn, malgré son bar vétuste, tenu par par le mafieux « Fat Tony » et qui n’a guère de considérations pour ses client·es, attire de nombreux·ses personnes queer.

Pour autant, les raids policiers sont fréquents. À chaque fois, ils sont accompagnés de contrôles d’identité et d’humiliations. Les personnes LGTBQ sont profilé·es,violenté·es, harcelé·es, très souvent arrêté·es ou subissent des viols correctifs. Le 28 juin, le bar est bondé. Dehors, comme à l’intérieur, il fait une très grosse chaleur. Mediapart explique que « les Rolling Stones viennent de passer sur le juke-box et des go-go boys en bikini lamé doré dansent sur la piste. Vers 1h20 du matin, six policiers, menés par l’inspecteur adjoint Seymour Pine, toquent à la porte ».

Le Stonewall Inn, Pine veut le fermer depuis longtemps. Il hurle alors « Nous prenons possession du lieu ! ». Les client·es sont contrôlées à tour de rôle. Certain·es s’agacent et refusent de montrer leurs cartes d’identité. D’autres s’inquiètent ou s’indignent.

Ne souhaitant pas se disperser et quitter les lieux, iels attendent celleux qui sont resté·es à l’intérieur. Une foule s’amasse peu à peu et chaque sortie est applaudie. Au fil des minutes, la tension monte, l’irritation se lit sur les visages. Ce 28 juin sera la fois de trop !

Excédé·es par la répression et les provocations policières, les client·es du bar répondent. Une lesbienne butch, frappée par un policier, refuse de se laisser embarquer, se démène et commence à se révolter. De nombreuses
lesbiennes l’imitent. Les premiers projectiles fusent obligeant les policiers à se retrancher dans le bar.

Le Stonewall Inn est pris d’assaut : vitres cassées, porte d’entrée enfoncée. David Carter, auteur de Stonewall : the riots that sparked the gay revolution, explique que ce soir-là, les meneureuses sont les « éléments les plus méprisés et marginaux de la communauté lesbienne, gay, bi et transgenre ».

Parmi elleux, on retrouve Jackie Hormona, Zazu Nova, Marsha P. Johnson, Sylvia Rivera, et bien d’autres.

Si Marsha P. Johnson n’est pas présente aux débuts du soulèvement, elle arrive accompagnée de son amie Sylvia Rivera vers 2h du matin. Marsha, qui a 23 ans à l’époque, est une femme noire transgenre. Personnalité
flamboyante et iconique, elle est la reine du Greenwich Village.

Avec les événements de Stonewall, Marsha P. Johnson devient l’un des visages de la Queer Revolution. Activiste toujours souriante, elle sera une fervente défenseuse des jeunes LGTBQ+ sans-abri, des personnes touchées par le VIH et le sida, ainsi que des droits des homosexuel·les et des personnes transgenres.

Pour en revenir à Stonewall, la première nuit de révolte provoque des courses-poursuites et des affrontements, suivie par plusieurs autres, soit six au total. Ce soulèvement, bien que n’étant pas le premier, reste dans les mémoires collectives comme étant le point de bascule de la visibilité homosexuelle et du mouvement gay.

La première Pride ou marche des fiertés aura lieu le 29 juin 1970 à New York. Stonewall marque l’essor de nouvelles organisations, d’une nouvelle presse, d’un nouvel activisme comme le Gay Liberation Front ou le Street Transvestite Action Revolutionaries (STAR) auxÉtats-Unis.

Durant trois ans, le STAR, fondé sur l’entraide par Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera, va fournir des logements et des soutiens financiers aux jeunes queer et aux travailleureuses du sexe sans-abri dans les quartiers sud de Manhattan.

Malgré sa brève existence (1970-1973), le collectif est considéré comme un modèle et une organisationpionnière dans le mouvement de libération gay et transgenre.

Si Stonewall a du sens aujourd’hui, c’est que depuis les colères légitimes n’ont pas disparues. Plus de cinquante ans après, la queerphobie augmente partout. Le régime hétéropatriarcal tue. Et l’homosexualité reste interdite dans plus de 70 pays dans le monde…

Alors hasard du calendrier ou coïncidence, la cinquième édition de la Pride lorientaise a eu lieu le samedi 28 juin dernier. À nous de rendre hommage à tous·tes celleux qui, une nuit de juin 1969, se sont levé·es pour le droit à l’auto-détermination, l’émancipation et pour résister tout simplement !

À LARMOR-PLAGE, STOP THALASSO N’A PAS DIT SON DERNIER MOT

EN ARVOR ‘NEUS KET BET LÂRET E GER DIWE’AÑ GANT STOP THALASSO

Depuis plusieurs années, organisations diverses et collectifs, se battent contre l’implantation d’une thalassothérapie à Larmor-Plage. Entre rassemblements et manifestations, le collectif Stop Thalasso multiplie les actions en redoublant de créativité pour alerter sur ce projet mortifère.

Le dimanche 15 juin, 300 personnes ont de nouveau défilé sous une manifestation ensoleillée. Avant de s’élancer pour une marche dynamique, le déjeuner a été assuré par le RRAVE, Réseau de Ravitaillement Alimentaire des Ventres Enragé·es, une nouvelle initiative locale pour soutenir les luttes et qui manquait cruellement sur le pays lorientais. Le déjeuner était accompagné d’une soupe de poisson et de desserts, le tout à prix libre.

La manifestation est partie de la plage de Kerguelen pour rejoindre le hameau du Moustoir, au son de « N’eo ket Thalasso ! » (« Pas de Thalasso ! ») et agrémentée d’une ridée dans un fest-deiz improvisé. En fin de parcours, la route des plages, bien connues des habitant·es du pays lorientais, a fini bloquée. La manifestation s’est terminée à proximité du site d’implantation de la thalasso. Sur place, une chaîne humaine s’est constituée pour visualiser l’étendu du projet et pour dénoncer la bétonisation des terres.

Splann, média d’investigation indépendant breton, rappelle qu’en « dix ans, près de 6.000 hectares de terres agricoles et naturelles ont été détruites au profit de l’urbanisation dans la zone littorale bretonne ».

À Larmor-Plage, si ce projet néfaste préoccupe de nombreux·ses militant·es ou riverain·es, rien n’est perdu.

Pour pomper l’eau de mer, le prélèvement est estimé à 250 000 litres/jour. Ces 250 m³, chauffés à 30°C, seraient ensuite décantés, déchlorés, refroidis et rejetés en mer, à un endroit découvert à marée basse. À ce jour, aucune demande officielle de pompage en eau de mer n’a été deposé pour un chantier faramineux qui détruirait le cordon dunaire et l’une des dernières plages populaires du pays lorientais.

Nous restons bien entendu·es à l’affût de nouvelles informations. La lutte continue !

Le prochain rassemblement du collectif Stop Thalasso aura lieu le mardi 24 juin (17h30) devant la Maison de l’Agglo à Lorient. 

Difennomp hon douar, a-enep ar c’hapital ! Défendons notre terre, contre le capital !

MANIFESTATION STOP THALASSO

Programme de la journée

12h : pique-nique partagé

  • Soupe de poisson / Repas prévu par le RRAVE (à prix libre)

12h à 17h : stand d’information

14h : manifestation festive

16h : action symbolique – regroupement sur la zone à défendre pour matérialiser l’implantation prévue du bâtiment

  • Survol d’un drone pour filmer la scène
  • Couvre-chef blanc nécessaire pour une forte visibilité

Parkings à proximité, zone desservie par les transports en communs (ligne T4), toilette sur site

Plus d’informations sur : https://stopthalasso.legtux.org/

Nous vous invitons à apporter les drapeaux aux couleurs de la Palestine, la Kanaky et bien d’autres !

LES DÉRIVES DU FOOTBALL MODERNE

À l’occasion de la fin de saison des cinq grands championnats européens de football, nous allons aborder un sujet détestable pour les un·es autant que fascinant pour les autres, celui du ballon rond. Mais aussi de sa lente dérive vers l’élitisme et le néolibéralisme orchestré par le patriarcat au cours de ses trois dernières décennies.

Depuis plus de 30 ans, le football moderne s’enfonce dans une spirale sinistre. Les tribunes s’aseptisent et la gentrification des billets devient monnaie courante. Les tarifs des diffuseurs TV explosent chaque saison et les milliardaires ou le système capito-industriel rachètent des clubs à tour de bras entraînant leur perte d’identité. Les compétitions deviennent gigantesques. Les États utilisent les supporteurices comme des cobayes pour restreindre nos libertés individuelles et collectives en développant des techniques de vidéo-surveillances ou en utilisant le « maintien de l’ordre ». Enfin, dernièrement, l’extrême droite infiltre les stades dans un silence assourdissant des gouvernements.

Tout ses exemples sont minutieusement organisés par les acteurices institutionnel·les, économiques et médiatiques. Iels veillent à ce que ce plan se déroule sans accroc pour que le football perde toute la saveur populaire de ses débuts.

Les premières questions que l’on se pose sont les suivantes : à partir de quelle période le football moderne a-t-il muté ? Pourquoi a-t-il cédé aux chantres du capitalisme ?

Les premières réponses se trouvent en Angleterre. En janvier 1990, le Rapport Taylor préconise la suppression des tribunes debout, les légendaires terrasses, suite au drame de Hillsborough qui fait 97 décès, le 15 avril 1989.

La ligue de football en Angleterre et la ligue écossaise de football introduisent des règlements obligeant les clubs participant à l’élite de leur système de championnat (les 2 premières divisions en Angleterre).

Dès la saison 1989-90, certains clubs comme le St Johnstone FC se plie à ses nouvelles règles bien avant le rapport final.

D’autres moyens sont renforcés. Au prétexte de la lutte contre le hooliganisme, et sans éliminer le problème, on modernise ou sécurise les stades pour accueillir un public issu de la classe moyenne. Les matchs se transforment en spectacle vivant, auquel on se rend en famille.

L’augmentation du prix des places engendre une inévitable gentrification des tribunes et des virages. La classe ouvrière et populaire est invisibilisée et repoussée dans les pubs.

Le racket sur le prix des billets se couple à la généralisation des places assises. En Hexagone, c’est à l’aube de la Coupe du Monde 98, que la loi Alliot-Marie de mars 1998 généralise les places assises et numérotées dans les stades

En ce qui nous concerne, à Lorient, le virage sud, où se mêlent les jeunes, ouvrier·ères et retraité·es, dernier vestige de l’ancien vélodrome, disparaît en 2009, entraînant avec lui une hausse significative des tarifs.

Les folles soirées sous le crachin breton ou sous un soleil plombant de cette tribune populaire s’effacent avec les derniers allers-retours d’Ewolo, du tandem Audel et 

Bourhani, ou les arrêts d’Ulrich Le Pen un soir de match face à Valenciennes.

Sur la photo précédente, on peut également apercevoir d’immenses panneaux érigé autour de la tribune et portant les noms des sponsors de l’époque. Dans un premier temps, ils sont apparus sur les maillots de clubs hexagonaux à la fin des années 1970. Jérôme Latta, auteur de Ce que le football est devenu, résume très bien le phénomène : « Tout les espaces, matériels et immatériels deviennent des supports publicitaires. ». Pour maintenir le capitalisme à flot, on stylise des logos de sponsors qu’il faut afficher partout.

Dans les stades, dans les vestiaires ou sur les sportif·ves, en passant par les écrans publicitaires ou les tables et salles de presse, on placarde chaque mètre carré.

On peut y faire légitimement le rapprochement avec l’arrivée d’individus néolibéraux et des diffuseurs TV aux milieux des années 1980, tous avides du capitalisme qui se profile. À cette époque, des clubs hexagonaux se font racheter par Claude Bez, Jean-Luc Lagardère, Jean-Michel Aulas et bien d’autres, avec des résultats contrastés et pour certains des échecs cuisants. Jérôme Latta explique que « Tous ont en commun une politique qui se caractérise par des dépenses importantes pour constituer un effectif compétitif, quitte à lui donner des allures de cavalerie financière ».

Il amène également des groupes médiatiques à l’acquisition de plusieurs clubs, comme Canal+ avec le PSG (1991-2006) et M6 avec les Girondins de Bordeaux (1999-2018). Conjointement, le football moderne et les médias s’organisent.

Le joueur devient une vitrine qu’on expose à coups de millions et à travers le monde. Marionnette du système en place, il devient un produit du possédant. À tel point qu’en 1995, la jurisprudence de l’Arrêt Bosman fait exploser les transferts et le foot business.

Elle entraîne avec elle la marchandisation des joueurs, la norme du mercenariat et les multiples corruptions.

Dès lors, la lente agonie du football moderne va ne cesser de se poursuivre. À la recherche de toujours plus de profits, les capitalistes acquièrent clubs sur clubs. Des faillites dues à une gestion calamiteuse ont lieu à Leeds (en Angleterre) et à Parme (en Italie) dans les années 2000. La vision cynique, la mauvaise appréhension du côté sportif leur jouent des tours et conduit régulièrement au fiasco.

Dans l’Hexagone, les exemples sont nombreux. L’éphémère Evian Thonon Gaillard FC, détenu par un groupe industriel, disparaît en quelques années.

Le Grenoble Foot 38, le FC Sochaux, l’AS Nancy Lorraine, le CS Sedan Ardennes ou le FC Girondins de Bordeaux pour les plus connus intègrent cette longue liste.

Pourtant, ses premières alertes ne rebutent pas pour autant le capitalisme qui devient multi propriétaire de clubs pour certains ou détenu par des groupes industriels pour d’autres.

À Lorient, ville ouvrière et populaire, Bill Foley acquiert une part minoritaire mais significative (40 %) dans le FC Lorient en janvier 2023.

Déjà propriétaire de l’AFC Bournemouth et du FC Auckland, futur probable propriétaire de Moreirense FC au Portugal, actionnaire du Hibernian FC en Écosse, il ne cachait pas le 23 décembre 2022 à The Athletic, le département de journalisme sportif du New York Times, que « Le club uruguayen pourra nourrir le club belge, qui pourra nourrir le club français, qui pourra nourrir le club de Premier League. »

Son arrivée à Lorient est dénoncé par le principal groupe de supporteurices. Plusieurs banderoles sont déployées.

Ce cas est loin d’être isolé dans l’Hexagone. Le Red Star FC, ancien club du résistant Rino Della Negra, était détenu par le fond d’investissement 777 Partners jusqu’en 2024. Un groupe surendetté et ciblé par de multiples plaintes pour fraude. Quelques mois 

auparavant, les supporteurices défilaient derrière le slogan « Célébrons la montée, combattons la multipropriété ».

En 2023, Strasbourg est acquis par le groupe BlueCo. Quelques années auparavant, en 2020, Troyes est acquis par le City Football Group. Cette dernière expérience reste mitigé pour un entraîneur d’équipe de jeunes de Troyes, interviewé par L’Equipe, le 21 mai 2023 : « On est la réserve de la réserve de Manchester City ».

S’il est difficile d’évoquer toutes les dérives modernes du football tant elles sont nombreuses, les dernières en date doivent nous alerter sur nos libertés individuelles et collectives. L’extension de mesures répressives aux abords des stades, la multiplication des interdictions de stades (IDS) avec obligation de pointer au commissariat les jours de matchs, la généralisation de la vidéo-surveillance, et les menaces de dissolution de groupes planent chaque jour.

Tout est fait pour qu’aucun millimètre n’échappe à la surveillance. Le football est un laboratoire privilégié d’expérimentation de la répression et du contrôle.

À contrario, l’extrême droite agite ses tentacules dans de nombreuses tribunes sans ne jamais être inquiétée et dans l’omerta la plus totale. Le dernier numéro de So Foot, « Comment l’extrême droite infiltre le foot », paru en mai 2025, en illustre les contours. (nous le recommandons au passage !)

Les dérives dont nous évoquons ne sont qu’une infime partie, tant elles englobent d’innombrables sujets : les milliers de travailleureuses sacrifié·es pour une Coupe du Monde climatisée, la LGBTQphobie et le racisme des tribunes aux terrains quel que ce soit le niveau, la répression des soutiens à la Palestine libre, l’exclusion des sportives voilées, l’aberration environnementale, et tant d’autres…

Si le tableau semble bien sombre, des initiatives et alternatives encore trop méconnues existent sur ces thèmes. Un autre football émancipateur, solidaire, populaire, antifasciste, antiraciste, et féministe est possible. Nous reviendrons dans une prochaine publication sur celleux qui se mettent en mouvement pour bouger les lignes. Notre contribution s’ajoute à celleux qui veulent un football sans domination !