LE RAP CONSCIENT EXISTE-T-IL TOUJOURS ?

Alors que la saison estivale des festivals a déjà débuté, on va s’intéresser au rap, prisé par un public très large. Apparu dans l’Hexagone au cours des années 1980 sur le modèle du hip-hop étasunien, il prend rapidement de l’ampleur et devient populaire dans les années 1990. Si aujourd’hui de nombreux·ses artistes mainstream sont en tête des « charts » ou classements musicaux grâce à l’apparition du streaming, que des magnats d’extrême droite sont désormais actionnaires, que reste-t-il du rap engagé et militant ? 

Avant de répondre à cette question, il parait important de comprendre à quel point l’apparition et l’expansion du streaming ont joué un rôle sur le rap. Ce dernier, qui est une des disciplines du hip-hop, est celui qui a connu le plus d’évolution ces dernières années : les battements par minutes ou BPM ont ralenti, les mélodies auto-tunés se sont imposés et les structures des morceaux se sont retrouvés complètement chamboulées. 

Les plateformes de streaming, soutenu par le capitalisme musical ont bien saisi cela pour faire un maximum de profit. Ainsi, ensemble, ils mettent en avant des artistes plus « bankables », ciblent des tranches d’âge spécifique en leur proposant un rap parfois aseptisé et contribuent à effacer les repères historiques essentiels à la compréhension du rap.

Il se retrouve mis à la disposition et surtout mis en avant pour tout un pan d’individu·es en discordance avec ce qu’est le rap comme culture. « Le problème qu’on a avec un public qui est en décalage avec la politique, c’est que pour beaucoup du coup, ils vont passer à côté d’un message et un message qui est très important dans le rap » comme le soulignait Akashioupersonne pour Raplume en novembre 2023. 

Peut-on oublier sa mémoire, sa transmission, son ancrage et ses histoires sociales ou politiques ? « Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position » ?

Les revendications sociales ou politiques s’inscrivent dans une longue tradition du rap hexagonal. Le 21 mars 1997, un collectif réunissant une vingtaine d’artistes sort un morceau culte engagé politiquement. Intitulé 11’30 contre les lois racistes, ce manifeste antiraciste bâti sur un projet artistiquement ambitieux rassemble les plus grands noms du rap des années 1990 : Ménélik, Fabe, Passi, Stomy Bugsy et bien d’autres. À cette époque, le rap fran­çais est très poli­ti­sé. Les têtes d’affiche répondent à l’appel.

Dans le morceau, le collectif dénonce les lois mises en place par la gauche et la droite institutionnelle.

L’intro est percutante de suite : « Loi Deferre, loi Joxe, lois Pasqua ou Debré, une seule logique : la chasse à l’immigré. Et n’oublie pas tous les décrets et circulaires. Nous ne pardonnerons jamais la barbarie de leurs lois inhumaines. » À travers ce morceau, c’est toute la classe politicienne qui est visée.

En octobre 1997, 60 000 exemplaires sont écoulés. Les fonds récoltés sont reversés au Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB) qui dénonce le racisme institutionnel dont sont victimes les réfugié·es, et en particulier les violences policières.

En 1998, Ärsenik, groupe de rap français, originaire de Villiers-le-Bel, rappelait la punchline « Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position » dans le titre Boxe avec les mots.

Cette punchline a été reprise depuis par de nombreux·ses artistes, dont Youssoupha dans Menace de Mort en 2012.

À cette époque, les rappeureuses sont en première ligne face aux attaques incessantes de tout un tas de journalistes, d’essayistes ou de politicien·nes de droite extrême et d’extrême droite qui estiment que le rap est une « sous-culture ». De nombreux·ses artistes prennent alors position et en parlent dans leurs musiques.

Aujourd’hui, le rap s’est développé, truste la tête des charts ou des plateformes de streaming. Des juristes relisent les textes pour vérifier que rien n’est condamnable d’un point de vue légal, les chef·fes de projet mettent des freins sur les textes qui pourraient nuire à la promo, et les artistes eux-mêmes se censurent en réfléchissant plus en termes de plan de carrière que de musique.

Pire encore, des magnats d’extrême droite comme Bolloré sont désormais actionnaires de labels !

Ce cocktail fait que des artistes ont de plus en plus de mal à condamner des positions prisent par des médias, par des politiciennes et par un système étatique.

Lorsque la parole est prise, comme dans No Pasarán avec 9’43 contre les fachos, l’initiative est sans doute salutaire, mais elle intervient bien tardivement. 

Pourquoi sortir le morceau au lendemain du premier tour des élections législatives de 2024 quand on sait que l’extrême droite et ses partisan·es redoublent et accentuent les attaques sur nos camarades depuis plusieurs années ? À titre d’exemple, lors des révoltes populaires du mois de juillet 2023 suite à la mort de Nahel, des milices s’évertuent à livrer des personnes racisées à la police française.

À cette même période, sur le pays lorientais, l’extrême droite locale intimide nombreux·ses de militant·es ou d’événements.

Les textes de No Pasáran sont inégaux, souvent confus et conspirationnistes. Un discours qui tranche avec son ancêtre du 11’30 contre les lois racistes. 

Dès lors faut-il repenser notre rapport au rap ? Existe-t-il des artistes à contre-courant et engagé politiquement ?

Alors, oui, il existe des contre-exemples !

Le 13 décembre 2020, un collectif de 33 MC’s sort un morceau plus que jamais d’actualité. Dans un contexte ravivé par le mouvement des gilets jaunes, par les meurtres de Zineb Redouane, de Steve Maia Caniço, de Cédric Chouviat ou par la loi sécurité globale.

13’12 contre les violences policières narre le racisme et les violences policières. Dès le début, le clip fait mouche, les textes sont talentueux, et des illustrations d’images qui nous rappellent combien l’Etat français a déchaîné sa milice tout au long de ces dernières années.

De Skalpel à Billie Broke, en passant par L’1consolable à de Tideux, les punchlines sont acérées ! Une belle découverte musicale.

Un autre artiste cristallise tout ce que l’Etat français et l’extrême droit déteste, le rappeur Médine. De par son tempérament et ses textes criant de vérité, Médine représente à lui seul tout ce que les politiciennes déteste : de l’annulation de ses concerts jusqu’aux menaces de mort, tout est bon pour nuire à un artiste qui fait de la lutte pour la justice sociale un cheval de bataille de ses chansons. 

Dans Généric, il livre un récital et un hommage à l’antifascisme. Dans Stentor, il réalise son clip aux côtés de plusieurs militantes de collectifs antifascistes où il explique « Nique les fafs, les Waffen-SS (Nique les fafs, les Waffen-SS), J’suis pas Stanislas, un peu Averroès ».Avec L’4mour, clip officiel du spectacle La Haine, il souligne « Mais, dans les contrôles de routine. On est des ramasseurs de balles. Mais tu veux savoir c’est quoi l’comble? C’est qu’ce soir, on fait salle comble ».

Le 29 avril 2023, Médine se produit à Lorient dans une salle comble. Quelques semaines auparavant, l’extrême droite locale et leurs nervis tentaient d’annuler la venue de SOS Méditerannée.

Ils en feront de même pour la venue du rappeur en se plaignant dans la presse régionale.

Ce soir-là, Médine fera danser et chanter plus de 500 personnes autour de ses sons cultes, du « Siamo Tutti Antifascisti » et du drapeau antifasciste Breizh Enepfaskour.

Il conclut son concert par « Lorient, j’avais aucun doute ce soir, le message est reçu ».

Car si Vald expliquait en mars 2025, sur le plateau de Quotidien, que si le rap est « de gauche quand il se veut militant, quand il essaie de décrire des trucs, il est de droite quand il est content d’avoir des grosses voitures », pour nous, il doit être engagé et militant ! Continuons, dans les manifestations à porter ce message, continuons à fleurir les têtes de cortèges de banderoles en reprenant les paroles d’artistes. Sur les réseaux sociaux, utilisons les audios de rappeureuses engagées dans nos publications.

Ces deux exemples récents sont loin d’être exhaustifs, nous vous invitons à venir l’enrichir en commentaires. Aussi, nous découvrons à peine la scène engagée régionale et internationale qui se mobilisent à travers leurs messages, mais nous en sommes sûr·es, soutenons les !

FAIRE VIVRE L’ART QUEER À LORIENT

Au détour d’une conversation entamée sur les réseaux sociaux, nous avons proposé à Jiruma Vixen, dragqueen lorientaise, une rencontre, pour qu’elle nous explique ce que représente son art, ses débuts dans la campagne bourguignonne, mais aussi ses émotions, et le rôle qu’elle interprète dans la scène drag lorientaise. Une heure et quart d’échanges riches autour d’un thé glacé, d’un brownie et de pintes !

Originaire de Bourgogne, Jiruma se met en drag ponctuellement à l’époque, depuis cinq ou six ans, dans un cabaret local, sous les traits d’une danseuse, accompagnant son père de drag Georges Mambo. Bref, des soirées qui lui permet d’explorer le genre.

Arrivée il y a plus de trois ans à Lorient, elle assiste à plusieurs soirées drag d’À l’Abordrag soirée du drag king Edmond Séant venant de la scène rennaise et qui a originé les premiers dragshows à Lorient. C’est d’ailleurs après avoir participé à l’édition de novembre 2023 que Jiruma obtient l’aval de lancer ses propres soirées : les Drag’émonium. La première aura lieu en janvier de l’année suivante. Elle nous explique que « tout est à faire sur Lorient » afin de créer une scène drag lorientaise. N’oublions pas tout de même que dès cette époque, DJ Tonkar et Monica Gole (assistez à leurs
performances d’ailleurs !
) sont présentes à Lorient bien que dans un registre légèrement distinct.

Elle s’élance plus sérieusement il y a un moins de deux ans, au côté de son acolyte drag queer, devenu ami·e, Lily Borea, en novembre 2023. Iels deviennent des précurseureuses du drag à Lorient.

Cette ville, moyenne, va devenir une référence sur la scène bretonne. Mais pour autant rien n’a été si facile pour en arriver là. La région ou le pays lorientais, très connoté à droite, voir à l’extrême droite par endroit, est un challenge. Jiruma recevra de nombreux commentaires haineux après son interview au Télégramme, le 19 avril 2024.

Alors si rien n’est aisé, si la précarité du drag est réelle (pour se lancer, il est estimé que 250 € est nécessaire rien que pour le maquillage) ou est chronophage avec les multi casquettes, il faut saluer l’investissement de
chacun·es des drags pour faire briller Lorient dans le Grand Ouest, de Brest à Tours, et au delà.

À Lorient, avec le drag, Jiruma trouve des réponses à ses questions et ce grâce au drag. Elle explique qu’il « faut faire vivre l’art queer » et transmettre « ses émotions, ses tripes, ses souffrances, ses envies et ses espoirs ». Très souvent hosting (ou hôte de soirée), elle s’épanouit dans ce rôle avec comme figure la drag étasunienne, Bianca Del Rio.

Jiruma, soutenus par son entourage familial, assume sa genderfluidité par le drag et revendique désormais ses positions.

Dans la ville aux sept ports, les lieux où se produisent les artistes sont toujours plus nombreux. Jiruma et les drags sont disponibles aussi. Les drags shows sont des endroits, des « safes places » comme elle le rappelle, dans lesquelles les drags sont disponibles, à l’écoute pour les personnes en questionnement ou isolées socialement notamment des personnes jeunes et membres de la communauté LGBTQIA+. À Lorient, le drag est un art
militant, un drag présent !

Nous finissons notre rencontre sur la question militante, sur ce qui se passe actuellement en Hongrie, sur la montée du fascisme, sur les personnalités queer « qui doivent se positionner », car le schéma de la Seconde Guerre mondiale n’est pas à reproduire et qu’il faut faire front ensemble ! Le discours de Jiruma Vixen, le samedi 28 juin dernier, lors de la cinquième édition de la Pride lorientaise abondait dans ce sens.

Cette heure et quart d’échange passionné mais nécessaire fût très agréable.

Nous invitons chacun·es d’entre vous à découvrir ou à re-découvrir les performances des drags lorientaises, car cet art, le drag, doit vivre pour s’émanciper de toute forme d’oppressions ! Jiruma nous confiera d’ailleurs qu’une pause estivale « n’est pas possible » et nous ne sommes pas étonné·es vu l’engouement qu’elle porte et que nous portons à son art.

Dans cette publication, on parle en grande partie de Jiruma, mais il ne faut pas omettre tous·tes les drags lorientais·es qui performent de leur art pratiquement chaque week-end.

UNE PRIDE LORIENTAISE FESTIVE ET REVENDICATIVE

Le samedi 28 juin, plus de 1 500 personnes ont défilé dans les rues du centre-ville de Lorient pour la cinquième édition de la Pride.

Dès 14h, des stands de goodies artisanaux, de collectifs ou d’organisations, installent un village éphémère, place Glotin. Sur le balcon du Palais des Congrès, on aperçoit le drapeau LGBT accompagné de celui de la Palestine. Ce dernier sera présent lors du défilé aux côtés de nombreux drapeaux queer.

Peu après 15h30, un premier char donne le coup d’envoi de la marche et se positionne en tête de cortège derrière la banderole « Queer et Fièr·x·es ». Sous un soleil de plomb, l’ambiance monte rapidement. Des tenues couvertes de paillettes et des visages parés de maquillages éclatants s’élance.

Sur le char, plusieurs artistes drags breton·nes, accompagné·es d’un DJ, enchaînent les performances.

La tête de cortège est joyeuse et festive.

En milieu de cortège, plusieurs militant·es du pays lorientais, donnent de la voix et se relayent. Devant les bars de la place Jules Ferry et pendant tout le long du parcours résonnent les « Siamo Tutti Antifascisti », « Queer, Déter, et Révolutionnaires », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « ou le génial mais néanmoins nécessaire » « Pas de
fachos, plus de drags shows ».

De chouettes pancartes sont tendues dans les airs.

Cette partie du cortège, déterminée et revendicative, s’époumonera jusqu’à la fin du défilé. Face à l’internationale réactionnaire et fasciste, il est
important de repolitiser les prides et l’exemple de samedi est important pour nos luttes futures.

Un deuxième char anime la fin de cortège, où l’on retrouve deux vélos triporteurs pour l’accessibilité de tous·tes, et le reste des manifestant·es.

De retour sur la place Glotin, après une pause bien méritée, discours et drags shows s’enchaînent pour le plaisir des personnes toujours présentes.

Entre manifestation revendicative et fête, cette cinquième édition de la Pride lorientaise a tenu ses promesses et a su faire face à l’extrême droite.

Les actes ignobles et horribles des nervis lorientais de ces derniers jours n’ont pas découragé les 1 500 participant·es.

Face à l’extrême droite, ensemble, nous ne devons rien céder !

AUX ORIGINES DE LA PRIDE : STONEWALL

Le 28 juin 1969, alors qu’un énième raid policier s’organise face au Stonewall Inn, bar new yorkais situé dans le quartier de Greenwich Village, des gays, deslesbiennes, des trans et des drags ripostent face à une nouvelle offensive répressive.

À la fin des années 1960, de nombreux mouvements voient le jour aux États-Unis. Le Black Power s’affirme, la protestation contre la guerre du Vietnam grandit et le mouvement féministe prend de l’ampleur.

Pour autant, l’homosexualité reste un crime. Illégale dans tous les Etats-Unis (à l’exception de l’Illinois), les actes charnels entre adultes de même sexe sont punis deprison. A l’époque, la législation interdit également le
travestissement. A San Francisco, par exemple, il est prohibé jusqu’en 1974.

Sur la côte Est, la ville de New York, en particulier Greenwich Village, est un haut lieu de la vie gay étatsunienne. Le Stonewall Inn, malgré son bar vétuste, tenu par par le mafieux « Fat Tony » et qui n’a guère de considérations pour ses client·es, attire de nombreux·ses personnes queer.

Pour autant, les raids policiers sont fréquents. À chaque fois, ils sont accompagnés de contrôles d’identité et d’humiliations. Les personnes LGTBQ sont profilé·es,violenté·es, harcelé·es, très souvent arrêté·es ou subissent des viols correctifs. Le 28 juin, le bar est bondé. Dehors, comme à l’intérieur, il fait une très grosse chaleur. Mediapart explique que « les Rolling Stones viennent de passer sur le juke-box et des go-go boys en bikini lamé doré dansent sur la piste. Vers 1h20 du matin, six policiers, menés par l’inspecteur adjoint Seymour Pine, toquent à la porte ».

Le Stonewall Inn, Pine veut le fermer depuis longtemps. Il hurle alors « Nous prenons possession du lieu ! ». Les client·es sont contrôlées à tour de rôle. Certain·es s’agacent et refusent de montrer leurs cartes d’identité. D’autres s’inquiètent ou s’indignent.

Ne souhaitant pas se disperser et quitter les lieux, iels attendent celleux qui sont resté·es à l’intérieur. Une foule s’amasse peu à peu et chaque sortie est applaudie. Au fil des minutes, la tension monte, l’irritation se lit sur les visages. Ce 28 juin sera la fois de trop !

Excédé·es par la répression et les provocations policières, les client·es du bar répondent. Une lesbienne butch, frappée par un policier, refuse de se laisser embarquer, se démène et commence à se révolter. De nombreuses
lesbiennes l’imitent. Les premiers projectiles fusent obligeant les policiers à se retrancher dans le bar.

Le Stonewall Inn est pris d’assaut : vitres cassées, porte d’entrée enfoncée. David Carter, auteur de Stonewall : the riots that sparked the gay revolution, explique que ce soir-là, les meneureuses sont les « éléments les plus méprisés et marginaux de la communauté lesbienne, gay, bi et transgenre ».

Parmi elleux, on retrouve Jackie Hormona, Zazu Nova, Marsha P. Johnson, Sylvia Rivera, et bien d’autres.

Si Marsha P. Johnson n’est pas présente aux débuts du soulèvement, elle arrive accompagnée de son amie Sylvia Rivera vers 2h du matin. Marsha, qui a 23 ans à l’époque, est une femme noire transgenre. Personnalité
flamboyante et iconique, elle est la reine du Greenwich Village.

Avec les événements de Stonewall, Marsha P. Johnson devient l’un des visages de la Queer Revolution. Activiste toujours souriante, elle sera une fervente défenseuse des jeunes LGTBQ+ sans-abri, des personnes touchées par le VIH et le sida, ainsi que des droits des homosexuel·les et des personnes transgenres.

Pour en revenir à Stonewall, la première nuit de révolte provoque des courses-poursuites et des affrontements, suivie par plusieurs autres, soit six au total. Ce soulèvement, bien que n’étant pas le premier, reste dans les mémoires collectives comme étant le point de bascule de la visibilité homosexuelle et du mouvement gay.

La première Pride ou marche des fiertés aura lieu le 29 juin 1970 à New York. Stonewall marque l’essor de nouvelles organisations, d’une nouvelle presse, d’un nouvel activisme comme le Gay Liberation Front ou le Street Transvestite Action Revolutionaries (STAR) auxÉtats-Unis.

Durant trois ans, le STAR, fondé sur l’entraide par Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera, va fournir des logements et des soutiens financiers aux jeunes queer et aux travailleureuses du sexe sans-abri dans les quartiers sud de Manhattan.

Malgré sa brève existence (1970-1973), le collectif est considéré comme un modèle et une organisationpionnière dans le mouvement de libération gay et transgenre.

Si Stonewall a du sens aujourd’hui, c’est que depuis les colères légitimes n’ont pas disparues. Plus de cinquante ans après, la queerphobie augmente partout. Le régime hétéropatriarcal tue. Et l’homosexualité reste interdite dans plus de 70 pays dans le monde…

Alors hasard du calendrier ou coïncidence, la cinquième édition de la Pride lorientaise a eu lieu le samedi 28 juin dernier. À nous de rendre hommage à tous·tes celleux qui, une nuit de juin 1969, se sont levé·es pour le droit à l’auto-détermination, l’émancipation et pour résister tout simplement !

À LARMOR-PLAGE, STOP THALASSO N’A PAS DIT SON DERNIER MOT

EN ARVOR ‘NEUS KET BET LÂRET E GER DIWE’AÑ GANT STOP THALASSO

Depuis plusieurs années, organisations diverses et collectifs, se battent contre l’implantation d’une thalassothérapie à Larmor-Plage. Entre rassemblements et manifestations, le collectif Stop Thalasso multiplie les actions en redoublant de créativité pour alerter sur ce projet mortifère.

Le dimanche 15 juin, 300 personnes ont de nouveau défilé sous une manifestation ensoleillée. Avant de s’élancer pour une marche dynamique, le déjeuner a été assuré par le RRAVE, Réseau de Ravitaillement Alimentaire des Ventres Enragé·es, une nouvelle initiative locale pour soutenir les luttes et qui manquait cruellement sur le pays lorientais. Le déjeuner était accompagné d’une soupe de poisson et de desserts, le tout à prix libre.

La manifestation est partie de la plage de Kerguelen pour rejoindre le hameau du Moustoir, au son de « N’eo ket Thalasso ! » (« Pas de Thalasso ! ») et agrémentée d’une ridée dans un fest-deiz improvisé. En fin de parcours, la route des plages, bien connues des habitant·es du pays lorientais, a fini bloquée. La manifestation s’est terminée à proximité du site d’implantation de la thalasso. Sur place, une chaîne humaine s’est constituée pour visualiser l’étendu du projet et pour dénoncer la bétonisation des terres.

Splann, média d’investigation indépendant breton, rappelle qu’en « dix ans, près de 6.000 hectares de terres agricoles et naturelles ont été détruites au profit de l’urbanisation dans la zone littorale bretonne ».

À Larmor-Plage, si ce projet néfaste préoccupe de nombreux·ses militant·es ou riverain·es, rien n’est perdu.

Pour pomper l’eau de mer, le prélèvement est estimé à 250 000 litres/jour. Ces 250 m³, chauffés à 30°C, seraient ensuite décantés, déchlorés, refroidis et rejetés en mer, à un endroit découvert à marée basse. À ce jour, aucune demande officielle de pompage en eau de mer n’a été deposé pour un chantier faramineux qui détruirait le cordon dunaire et l’une des dernières plages populaires du pays lorientais.

Nous restons bien entendu·es à l’affût de nouvelles informations. La lutte continue !

Le prochain rassemblement du collectif Stop Thalasso aura lieu le mardi 24 juin (17h30) devant la Maison de l’Agglo à Lorient. 

Difennomp hon douar, a-enep ar c’hapital ! Défendons notre terre, contre le capital !

MANIFESTATION STOP THALASSO

Programme de la journée

12h : pique-nique partagé

  • Soupe de poisson / Repas prévu par le RRAVE (à prix libre)

12h à 17h : stand d’information

14h : manifestation festive

16h : action symbolique – regroupement sur la zone à défendre pour matérialiser l’implantation prévue du bâtiment

  • Survol d’un drone pour filmer la scène
  • Couvre-chef blanc nécessaire pour une forte visibilité

Parkings à proximité, zone desservie par les transports en communs (ligne T4), toilette sur site

Plus d’informations sur : https://stopthalasso.legtux.org/

Nous vous invitons à apporter les drapeaux aux couleurs de la Palestine, la Kanaky et bien d’autres !

LES DÉRIVES DU FOOTBALL MODERNE

À l’occasion de la fin de saison des cinq grands championnats européens de football, nous allons aborder un sujet détestable pour les un·es autant que fascinant pour les autres, celui du ballon rond. Mais aussi de sa lente dérive vers l’élitisme et le néolibéralisme orchestré par le patriarcat au cours de ses trois dernières décennies.

Depuis plus de 30 ans, le football moderne s’enfonce dans une spirale sinistre. Les tribunes s’aseptisent et la gentrification des billets devient monnaie courante. Les tarifs des diffuseurs TV explosent chaque saison et les milliardaires ou le système capito-industriel rachètent des clubs à tour de bras entraînant leur perte d’identité. Les compétitions deviennent gigantesques. Les États utilisent les supporteurices comme des cobayes pour restreindre nos libertés individuelles et collectives en développant des techniques de vidéo-surveillances ou en utilisant le « maintien de l’ordre ». Enfin, dernièrement, l’extrême droite infiltre les stades dans un silence assourdissant des gouvernements.

Tout ses exemples sont minutieusement organisés par les acteurices institutionnel·les, économiques et médiatiques. Iels veillent à ce que ce plan se déroule sans accroc pour que le football perde toute la saveur populaire de ses débuts.

Les premières questions que l’on se pose sont les suivantes : à partir de quelle période le football moderne a-t-il muté ? Pourquoi a-t-il cédé aux chantres du capitalisme ?

Les premières réponses se trouvent en Angleterre. En janvier 1990, le Rapport Taylor préconise la suppression des tribunes debout, les légendaires terrasses, suite au drame de Hillsborough qui fait 97 décès, le 15 avril 1989.

La ligue de football en Angleterre et la ligue écossaise de football introduisent des règlements obligeant les clubs participant à l’élite de leur système de championnat (les 2 premières divisions en Angleterre).

Dès la saison 1989-90, certains clubs comme le St Johnstone FC se plie à ses nouvelles règles bien avant le rapport final.

D’autres moyens sont renforcés. Au prétexte de la lutte contre le hooliganisme, et sans éliminer le problème, on modernise ou sécurise les stades pour accueillir un public issu de la classe moyenne. Les matchs se transforment en spectacle vivant, auquel on se rend en famille.

L’augmentation du prix des places engendre une inévitable gentrification des tribunes et des virages. La classe ouvrière et populaire est invisibilisée et repoussée dans les pubs.

Le racket sur le prix des billets se couple à la généralisation des places assises. En Hexagone, c’est à l’aube de la Coupe du Monde 98, que la loi Alliot-Marie de mars 1998 généralise les places assises et numérotées dans les stades

En ce qui nous concerne, à Lorient, le virage sud, où se mêlent les jeunes, ouvrier·ères et retraité·es, dernier vestige de l’ancien vélodrome, disparaît en 2009, entraînant avec lui une hausse significative des tarifs.

Les folles soirées sous le crachin breton ou sous un soleil plombant de cette tribune populaire s’effacent avec les derniers allers-retours d’Ewolo, du tandem Audel et 

Bourhani, ou les arrêts d’Ulrich Le Pen un soir de match face à Valenciennes.

Sur la photo précédente, on peut également apercevoir d’immenses panneaux érigé autour de la tribune et portant les noms des sponsors de l’époque. Dans un premier temps, ils sont apparus sur les maillots de clubs hexagonaux à la fin des années 1970. Jérôme Latta, auteur de Ce que le football est devenu, résume très bien le phénomène : « Tout les espaces, matériels et immatériels deviennent des supports publicitaires. ». Pour maintenir le capitalisme à flot, on stylise des logos de sponsors qu’il faut afficher partout.

Dans les stades, dans les vestiaires ou sur les sportif·ves, en passant par les écrans publicitaires ou les tables et salles de presse, on placarde chaque mètre carré.

On peut y faire légitimement le rapprochement avec l’arrivée d’individus néolibéraux et des diffuseurs TV aux milieux des années 1980, tous avides du capitalisme qui se profile. À cette époque, des clubs hexagonaux se font racheter par Claude Bez, Jean-Luc Lagardère, Jean-Michel Aulas et bien d’autres, avec des résultats contrastés et pour certains des échecs cuisants. Jérôme Latta explique que « Tous ont en commun une politique qui se caractérise par des dépenses importantes pour constituer un effectif compétitif, quitte à lui donner des allures de cavalerie financière ».

Il amène également des groupes médiatiques à l’acquisition de plusieurs clubs, comme Canal+ avec le PSG (1991-2006) et M6 avec les Girondins de Bordeaux (1999-2018). Conjointement, le football moderne et les médias s’organisent.

Le joueur devient une vitrine qu’on expose à coups de millions et à travers le monde. Marionnette du système en place, il devient un produit du possédant. À tel point qu’en 1995, la jurisprudence de l’Arrêt Bosman fait exploser les transferts et le foot business.

Elle entraîne avec elle la marchandisation des joueurs, la norme du mercenariat et les multiples corruptions.

Dès lors, la lente agonie du football moderne va ne cesser de se poursuivre. À la recherche de toujours plus de profits, les capitalistes acquièrent clubs sur clubs. Des faillites dues à une gestion calamiteuse ont lieu à Leeds (en Angleterre) et à Parme (en Italie) dans les années 2000. La vision cynique, la mauvaise appréhension du côté sportif leur jouent des tours et conduit régulièrement au fiasco.

Dans l’Hexagone, les exemples sont nombreux. L’éphémère Evian Thonon Gaillard FC, détenu par un groupe industriel, disparaît en quelques années.

Le Grenoble Foot 38, le FC Sochaux, l’AS Nancy Lorraine, le CS Sedan Ardennes ou le FC Girondins de Bordeaux pour les plus connus intègrent cette longue liste.

Pourtant, ses premières alertes ne rebutent pas pour autant le capitalisme qui devient multi propriétaire de clubs pour certains ou détenu par des groupes industriels pour d’autres.

À Lorient, ville ouvrière et populaire, Bill Foley acquiert une part minoritaire mais significative (40 %) dans le FC Lorient en janvier 2023.

Déjà propriétaire de l’AFC Bournemouth et du FC Auckland, futur probable propriétaire de Moreirense FC au Portugal, actionnaire du Hibernian FC en Écosse, il ne cachait pas le 23 décembre 2022 à The Athletic, le département de journalisme sportif du New York Times, que « Le club uruguayen pourra nourrir le club belge, qui pourra nourrir le club français, qui pourra nourrir le club de Premier League. »

Son arrivée à Lorient est dénoncé par le principal groupe de supporteurices. Plusieurs banderoles sont déployées.

Ce cas est loin d’être isolé dans l’Hexagone. Le Red Star FC, ancien club du résistant Rino Della Negra, était détenu par le fond d’investissement 777 Partners jusqu’en 2024. Un groupe surendetté et ciblé par de multiples plaintes pour fraude. Quelques mois 

auparavant, les supporteurices défilaient derrière le slogan « Célébrons la montée, combattons la multipropriété ».

En 2023, Strasbourg est acquis par le groupe BlueCo. Quelques années auparavant, en 2020, Troyes est acquis par le City Football Group. Cette dernière expérience reste mitigé pour un entraîneur d’équipe de jeunes de Troyes, interviewé par L’Equipe, le 21 mai 2023 : « On est la réserve de la réserve de Manchester City ».

S’il est difficile d’évoquer toutes les dérives modernes du football tant elles sont nombreuses, les dernières en date doivent nous alerter sur nos libertés individuelles et collectives. L’extension de mesures répressives aux abords des stades, la multiplication des interdictions de stades (IDS) avec obligation de pointer au commissariat les jours de matchs, la généralisation de la vidéo-surveillance, et les menaces de dissolution de groupes planent chaque jour.

Tout est fait pour qu’aucun millimètre n’échappe à la surveillance. Le football est un laboratoire privilégié d’expérimentation de la répression et du contrôle.

À contrario, l’extrême droite agite ses tentacules dans de nombreuses tribunes sans ne jamais être inquiétée et dans l’omerta la plus totale. Le dernier numéro de So Foot, « Comment l’extrême droite infiltre le foot », paru en mai 2025, en illustre les contours. (nous le recommandons au passage !)

Les dérives dont nous évoquons ne sont qu’une infime partie, tant elles englobent d’innombrables sujets : les milliers de travailleureuses sacrifié·es pour une Coupe du Monde climatisée, la LGBTQphobie et le racisme des tribunes aux terrains quel que ce soit le niveau, la répression des soutiens à la Palestine libre, l’exclusion des sportives voilées, l’aberration environnementale, et tant d’autres…

Si le tableau semble bien sombre, des initiatives et alternatives encore trop méconnues existent sur ces thèmes. Un autre football émancipateur, solidaire, populaire, antifasciste, antiraciste, et féministe est possible. Nous reviendrons dans une prochaine publication sur celleux qui se mettent en mouvement pour bouger les lignes. Notre contribution s’ajoute à celleux qui veulent un football sans domination !

LES FEMMES DANS LA RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

En Bretagne, les résistant·es sont jeunes : 45 % ont moins de 30 ans en Ille-et-Vilaine et 56 % dans le Finistère (15 et 13 % de moins de 20 ans). Si la Résistance se composent majoritairement d’hommes, environ 10 à 15 % de femmes constituent ses effectifs.

Aux balbutiements de la Résistance organisée, elles hébergent, nourrissent, ravitaillent, défient ou transmettent des informations sur les déplacements de l’occupant.

Le 22 juin 1940, l’Allemagne nazie débarque sur l’Île de Groix à Port-Tudy. Elle prend place sur des positions stratégiques comme au Fort du Grognon et de Serville, le phare de Pen Men, les sémaphores, et occupe les écoles pour y installer leurs bureaux militaires. Pour construire de nouvelles fortifications, les nazis en manque de main-d’œuvre, déportent de nombreux prisonniers dès 1941. Beaucoup meurent de faim ou par manque de soin.

C’est dans ce contexte que Francine Puillon, originaire du village de Quéhéllo à Groix, refuse les avances d’un soldat nazi ivre en 1942.

Elle est abattue d’une rafale de mitraillette tirée à bout portant. En défiant l’occupant et face à l’oppression, Francine fera preuve de résistance. Nous ne l’oublions pas.

Sur le continent, à Bubry, situé à 30 km de Lorient, la famille d’Yvonne Nicolas tient une boulangerie dans le bourg, et possède un téléphone permettant d’avertir sur les mouvements allemands.

La jeune femme entre en résistance spontanément.

Elle nourrit et héberge, avec sa famille, des ouvriers réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire). En 1943, Yvonne rejoint le groupe FTPF Vaillant-Couturier avec lequel elle apprend à faire dérailler les trains.

La jeune bubryate devient agente de liaison pour les chefs du groupe, René Jehanno et Emile Le Carrer, qui sont en lien avec d’autres groupes FTP. Jehanno trouve Yvonne « remarquable, audacieuse et intrépide » et la recommande.

Elle part dans le nord de l’hexagone pour travailler sous les ordres d’André Duroméa.

Chargée de la lecture et du chiffrage des codes ainsi que leur transmission aux autres agent·es de liaison, notamment au moment du Débarquement en Normandie le 6 juin 1944, elle exécute des missions très dangereuses sans faiblir.

À Hennebont, situé à une dizaine de kilomètres de Lorient, plusieurs femmes participent à la Résistance locale comme Marcelle Guymare, ou luttent pour ses idées comme la militante communiste, Marie Le Fur.

Le réseau Cohors-Asturies s’implante à Hennebont grâce à Pierre Ferrand. Déjà à la tête d’un groupe actif d’une vingtaine de résistant·es, il entre en contact avec Jean Gosset au printemps 1943. En novembre, le groupe forme un maquis à Poulmein près de Baud. Il sabote, détruit, ou vole des explosifs.

Parallèlement, Cohors-Asturies collecte le maximum de renseignements. Le groupe se réunit très souvent dans l’arrière Café du Musée, rue des Douves.

La fille de la patronne, Marcelle Guymare, a 18 ans. Elle parle allemand. Or, c’est ici, dans ce même café, que se donnent rendez-vous les équipages des U-Boote nazis.

Accolé aux remparts de la ville, contre la porte Broërec’h, le lieu rassemble également de nombreux·ses jeunes hennebontais·es.

Les conversations vont bon train et elle n’en perd pas une miette. Avec Marcelle, le réseau Cohors-Asturies enregistre les mouvements des U-Boote et des soldats dans la rade de Lorient. L’arrière-salle du café sert de laboratoire pour préparer les sabotages de voies ferrées. On y met au point les engins explosifs, sous la direction de Ferrand et de Jean Gosset.

Par la suite, Marcelle devient agente de liaison, parcourt les routes du Morbihan à bicyclette pour transmettre des messages et des documents, ou pour transporter des armes.

C’est aussi elle qui est envoyée à Paris pour tenter de récupérer des documents que les résistant·es pensaient perdu·es par une camarade morbihannaise.

A Lorient, l’anarcho-syndicaliste et féministe de la CNT espagnole, Casilda Hernaez Vargas, qui a suivi son compagnon, Félix Likiniano, héberge les premiers saboteurs du pays lorientais dans son « Consulat Basque », situé dans le quartier Frébault à Lorient en 1943. Dans la clandestinité, elle va jouer sa vie pour la Résistance lorientaise. Considérée comme une « Rotspanier » (espagnole rouge par l’occupant nazi), nous serons à jamais reconnaissant·es envers Casilda !

Casilda décède d’une longue maladie, le 1er septembre 1992, à Lapurdi au Pays Basque.

Un an plus tard, en 1944, la pression sur l’Allemagne nazie s’accentue. L’occupant est préoccupé par le Débarquement, les différentes poches bretonnes, et le manque de ravitaillement. C’est à ce moment que la Résistance groisillonne s’organise et se développe. Une autre Marie Le Fur née Stéphant, jeune femme et mère de six enfants, trafique photos et cartes d’identité. Elle permet à 180 prisonniers de s’échapper par bateau du bagne groisillon.

Un jour, le coup ne marche pas. Condamnée à 12 mois de prison à Vannes, elle s’échappe au bout de trois semaines et rejoint Guémené-sur-Scorff avant de prendre la route de Pontivy sans argent ni ressource. Elle y retrouve ses six enfants.

Si l’Allemagne nazie se retrouve de plus en plus acculée, elle continue ses harcèlements et ses excutions comme dans le village de Keryacunff à Bubry. À l’aube du 26 juillet 1944, à la suite d’une dénonciation, des unités nazies renforcées par des rats et miliciens nazis bretons dont plusieurs sont originaires de Bubry, encerclent un groupe de résistantes.

Émile Le Carrer dit « Max », et Georges Marca, réussissent à décrocher, mais sont arrêtés à Guern le même jour et conduits à Locminé, où ils sont torturés.

Six autres résistant·es, sont fait·es prisonnier·ères et exécuté·es au lieu-dit Prat-er-Lann, après avoir combattu avec acharnement sans parvenir à se dégager.

Parmi elleux, quatre femmes sont fusillées, voici leurs prénoms, noms, et surnoms : Marie Gourlay dite « Dédée », Anne Robic dite « Nénette », Anne Mathel dite « Jeanne » et Joséphine Kervinio dite « Martine ».

Lorsqu’elles tombent sous la mitraille nazie, elles ont entre 17 et 23 ans pour la plus âgée. À la mémoire des FTP massacrées par l’occupant, nous ne les oublions pas !

Dans le Morbihan, les combats font rage. Le 27 octobre 1944, Joséphine Le Manach née Tilly dite « Fifine », engagée dans la Résistance très tôt. chargée d’un maquis à Largouat et Saint-Efoi, elle devient agente de liaison pour la compagnie FTPF « La Marseillaise ». Fifine a ensuite la responsabilité des postes de secours sur le front de l’Atlantique.

Présente pendant les combats les plus meurtriers de la Poche de Lorient, la jeune infirmière de 23 ans participe à l’évacuation des blessés, au sein du 15e bataillon des FFI commandées par Léon Razurel. Son action sauvera de nombreux·ses partisan·es.

Si la répartition des tâches sont la plupart du temps patriarcales, les femmes jouent un rôle central dans la Résistance. Moins suspectes aux yeux de l’occupant nazi et de la police collaborationniste française, les résistantes paient cependant un lourd tribut : environ 9 000 sont déportées dans des camps de concentration dont la moitié ne reviendra pas.

Dans le pays Lorientais, dans le Morbihan, et comme partout, elles sont un rouage essentiel pour la libération de l’hexagone.

Les femmes agissent dans la clandestinité, du ravitaillement au sabotage, en passant par la transmission d’informations à l’hébergement, les femmes mettent en péril leurs vies sans ne jamais rien céder aux tortures de l’Allemagne nazie.

À travers ces bribes de vies et ces parcours semés d’embûches face à l’occupant, elles ont participé activement à la Résistance alors même qu’elles n’étaient pas encore considérées comme des citoyennes. Leurs parcours représentent l’espoir vis à vis des différentes oppressions qu’elles subissent toujours aujourd’hui !

RETAILLEAU VEUT DISSOUDRE LA JEUNE GARDE : FAISONS BLOC

Le mardi 29 avril, Bruno Retailleau, sinistre ministre de l’Intérieur, annonçait lors des questions au gouvernement, engager une procédure de dissolution contre la Jeune Garde Antifasciste. De même, le collectif Urgence Palestine est aussi visé par une procédure de dissolution.

Interrogé par son allié du RNhaine, Sébastien Chenu, le même qui a refusé de participer à la minute de silence parlementaire pour Aboubakar Cissé, lâchement assassiné à la mosquée de Grand-Combe, Retailleau répondait ceci : « Je veux vous confirmer que dans quelques heures, la procédure contradictoire contre la Jeune Garde qui doit amener, je l’espère, à cette dissolution, sera engagée ». Auparavant, Alice Cordier du collectif fémo-nationaliste Némésis avait appelé à dissoudre la Jeune Garde lors d’une séance de question à Bruno Retailleau.

Ainsi, l’extrême droite institutionnelle et ses groupuscules ordonnent et le gouvernement exécute, alors même que de nombreuses attaques fascistes se multiplient aux quatre coins de l’Hexagone. 

Des lieux de fêtes sont visés comme à Albi, Caen, Nantes ou Lorient. Dans la nuit du 1er au 2 mai, une tentative d’intrusion a lieu dans un tiers-lieu lorientais, établissement déjà ciblé à de multiples reprises.

Nous assistons à une banalisation des discours racistes dans le champ institutionnel et médiatique. Le 26 mars dernier, devant un parterre de groupies réunit au Dôme de Paris, lançait « À bas le voile ! »

Des personnes racisées sont visées. Aboubakar Cissé décède, deux jeunes femmes musulmanes sont tabassées et étranglées, une autre se fait agresser et arracher son voile. Voici le résultat de ses paroles racistes et décomplexées !

Pas un jour ne passe sans une agression de la part des nervi·es d’extrême droite qui assument leurs actes devant un Etat français se pliant à chacunes des exigences idéologiques de l’extrême droite institutionnelle. 

Mais pour Retailleau, la priorité est de dissoudre une organisation antifasciste. 

La Jeune Garde est un collectif antifasciste actif depuis 2018. Un outil essentiel contre les idées des extrêmes droites et du racisme. Une organisation poussant à la réflexion et implantée dans de nombreuses villes.

Plus que la Jeune Garde, c’est tout notre camp social qui est attaqué par la menace de Retailleau. Depuis des années, il subit les attaques incessantes et réactionnaires de gouvernements à la dérive.

Quelles que soient nos convictions et notre diversité dans les tactiques, nous appelons à soutenir la Jeune Garde face à la répression et appelons à organiser la riposte antifasciste. Le gouvernement et ses allié·es d’extrêmes droite ne peuvent dissoudre l’antifascisme !

CAR NOUS SOMMES TOUS·TES ANTIFASCISTES !

CHRONIQUE SUR LA RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

3 # LES GROUPES FTPF VAILLANT-COUTURIER ET CORENTIN CARIOU ANIMENT LE PAYS DE BUBRY

On l’a vu, dès 1941 voir avant, les contours de la Résistance se dessinent autour du renseignement, d’initiatives locales et des premiers attentats ou sabotages.

Au cours de l’année 1941, un groupe de jeunes combattants se constitue à Lorient sous la houlette de Joseph Le Nadan. Pierre Theuillon, un de ses camarades, réussit à louer une pièce dans une maison de la rue Edgar Quinet, au nez et à la barbe de l’occupant nazi. Une imprimerie clandestine s’installe dans le grenier. Des tracts sont fabriqués puis diffusés à Lorient, Keryado, Lanester et Hennebont, mais aussi dans les régions du Faouët, Quimperlé, Gourin, Guémené-sur-Scorff et Bubry.

C’est à Bubry et Quistinic, situés en zone rurale et à 37 km de Lorient, qu’en juin 1942, Émile Le Carrer dit « Max », âgé de 20 ans, s’emploie à organiser un groupe d’action. Auparavant formé à Quimperlé, il réalisait plusieurs coups d’éclats, comme le dépôt d’une bombe devant la Kommandantur de Quimper.

À l’automne 1942, sous l’impulsion de René Jehanno, d’Émile Le Carrer et de Le Du, le groupe Vaillant-Couturier des FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français) voit le jour à Bubry. La plupart du temps, les FTPF se constituent en petits groupes, portés par des initiatives locales soit sur la base de l’ancienne OS (Organisation Secrète) ou par des initiatives de militant·es communistes. Les groupes FTPF sont composés d’une dizaine d’individu·es dont un chef de groupe et son adjoint (ou chef de demi-groupe).

Formé à la clandestinité au printemps 1943 dans le maquis de Bochelin Vihan, Vaillant-Couturier multiplie les actions, épaulé quelques mois plus tard par le groupe FTPF Corentin Cariou de Quistinic. Parmi ses groupes, on retrouve Yvonne Nicolas, qui deviendra plus tard une brillante agente de liaison pour la Résistance. Une vingtaine de déraillements de convois nazis sont constatés à l’été 1943. Les destructions de lignes électriques et téléphoniques, l’auto-réduction de matériel, de tickets d’alimentation et de tabac s’étendent.

Les groupes accueillent également des jeunes refusant le Service du Travail Obligatoire (STO). Institué le 4 septembre 1942 par le gouvernement vichyste, le STO doit répondre aux exigences nazies de main d’oeuvre. On estime qu’un total de 600 000 à 650 000 travailleurs français sont acheminés vers l’Allemagne entre juin 1942 et juillet 1944.

Le 30 novembre 1943, le groupe Vaillant-Couturier attaque la gendarmerie de Guémené-sur-Scorff en représaille après le tir d’un coup de feu par un gendarme collabo sur Émile Le Carrer. Un soldat nazi est tué. Les actions se durcissent.

Pourchassé par l’Allemagne nazie et dénoncé par un paysan de Malguénac, huit jeunes résistants sont arrêtés par la gendarmerie de Pontivy en décembre 1943. 

Stationnés dans la ruine de Barrac’h à Malguénac, Raymond Guillemot, Joseph Le Mouël, André Le Mouël, Jean Mahé, Ferdinand Malardé, Jean Robic, tous originaires de Bubry, ainsi qu’André Le Garrec et André Cojan sont livrés aux allemands nazis. Un résistant parvient à s’enfuir, tandis que deux autres sont déportés.

Les cinq autres, Mahé, Robic, Malardé, J.Le Mouël et Guillemot, sont exécutés pour actes de sabotage sur les voies ferrées (7 déraillements au total), le 25 février 1944, dans la prison de Vannes, place Nazareth.

Raymond Guillemot, qui a vécu à Lanester, est fusillé à 10h13 avec son camarade Ferdinand Malardé. Ils ont tous entre 19 et 24 ans.

Dans leurs lettres d’adieu, ils expriment « leur aspiration au bonheur pour ceux qui vont survivre ». Même face au peloton d’exécution, ils ne baisseront jamais la tête. Dans un extrait, Raymond Guillemot note : « Je m’en vais le cœur calme avec la satisfaction d’avoir fait mon devoir ».

Le 7 février 1944, une rafle est organisée dans la région de Bubry, Baud, Camors et Quistinic par les rats nationalistes de la Bezen Perrot (créée par Célestin Lainé et intégrée dans les SS) et de Vissault de Coëtlogon ainsi que par des feldgendarmes nazis. Dix-sept résistants et civil·es sont arrêté·es durant l’opération.

Interrogé·es dans l’école de Baud, puis transféré·es à Rennes, iels sont déporté·es en Allemagne. Quatre personnes meurent en déportation.

Si sur le terrain, c’est un coup dur, les actions vont se déplacer à Quistinic, avec le groupe Corentin Cariou, dirigé par les frères Gan de Kéramour, début 1944. Les échanges entre les résistants de Bubry et de Quistinic se centralisent alors au niveau du bois de Kerdinam.

Le 15 avril 1944, le groupe FTPF Corentin Cariou attaque un poste d’observation anti-aérien allemand installé au village de Loge-Picot à Quistinic dans le but de recevoir des parachutages d’armes. Deux nazis, dont un maréchal des logis-chef et un caporal-chef, sont tués au cours de cette attaque qui sera suivi de terribles représailles.

Le 17 avril 1944, Joseph Perron est arrêté et torturé avant d’être transféré au Fort de Penthièvre, où il décède des suites des sévices subis. Le 18 avril 1944, Marcel Le Teuff est abattu lâchement par une rafale de mitraillette dans la prairie de Ty-Parez à Quistinic.

Le 21 avril, trois FTPF de Corentin Cariou, Émilien Gahinet, Henri Guillo et Louis Le Ruyet sont exécutés dans une cache d’armes située dans le bois de Kerdinam.

Leurs corps sont retrouvés le 23 avril 1944 dans une fosse appelée depuis le « trou des martyrs ».

Arrêté également le 21 avril, Raymond Péresse est torturé à Locminé, où il décède le lendemain. Le 22 avril, une cinquantaine d’habitants de Quistinic sont raflés puis envoyés en Allemagne sous la contrainte. Le 1er mai, Mathurin Guégan est tué à son tour à Quistinic.

Aux 27 résistantes quistinicois·es et aux tant d’autres, décédé·es en martyr·es, ne nous vous oublions pas !

Une fois de plus, malgré les pertes, les résistant·es vont faire preuve d’abnégation. Iels continuent le combat pour harceler l’occupant nazi, en perturbant et ralentissant les possibles renforts de troupes en route vers la Normandie.En août 1944, les résistant·es locaux sont incorporé·es aux FFI (Forces Françaises de l’Intérieur). 

Iels ont alors la mission de stabiliser le front et de participer à la libération de la Poche de Lorient.