LE DRAPEAU PALESTINIEN A-T-IL ÉTÉ RÉPRIMÉ DU FIL 2025 ?

Alors que le Festival Interceltique de Lorient (FIL) vient de toucher à sa fin, de nombreux témoignages de festivalier·ères nous remontent sur de nombreux contrôles d’identité. En cause ? Des banderoles déployées ou des drapeaux palestiniens portés sur les épaules. 

Rien d’anodin puisque depuis plusieurs mois, en Hexagone, le drapeau palestinien fait l’objet d’un traitement singulier : sa seule apparition suffit à susciter des accusations simplistes de troubles à l’ordre public, des interventions policières, des gardes à vue, voire des mises en cause judiciaire. Ainsi, en amont, des contrôles abusifs sont menés à tout-va pour satisfaire le bourrage de crâne impérialiste soutenant toujours le régime de Netanyahu. Cette propagande est elle-même relayée par l’hystérisation de certains médias auprès de ses lecteurices.

Dans un communiqué transmis aux organisations partenaires et envoyé à la presse, l’AFPS du Pays de Lorient, dénonce des « faits inacceptables et honteux pour l’image de la ville et du festival » et recense au moins deux contrôles d’identité. Des chiffres qui sont en deçà de la réalité, puisque nous sommes en mesure de confirmer, avec vos témoignages, que près d’une dizaine de contrôles d’identité voir plus ont été réalisé au cours des dix jours de festival interceltique.

À l’exemple du dimanche 3 août où nous dénombrons au moins quatre faits. Le premier a lieu vers 11h au cours de Chazelles. Une banderole est déployée par des militant·es de la cause palestinienne lors de la Grande Parade des Nations Celtes. Dénoncé·es par certain·es spectateurices à la police, plusieurs militant·es sont arrêté·es,menotté·es, puis amené·es au commissariat lorientais pour une « vérification d’identité ». Cette vérification dure plus de deux heures. Une autre personne écope d’une amende. Aucune poursuite connue à ce jour.

Les trois autres faits ont lieu entre la place des Pays Celtes et le Kleub. Plusieurs jeunes individu·es sont contrôlé·es entre 22h et 23h sur la place névralgique du FIL par une dizaine de CRS. Ils exigent que la jeune femme retire de ses épaules le drapeau palestinien sur « ordre du commissaire ». La jeune femme demande pourquoi à plusieurs reprises. Selon son témoignage « aucune explication n’est apportée ».

Les deux suivants ont lieu à la sortie du Kleub, un lieu situé place de l’Hôtel de Ville. La jeune femme contrôlée auparavant est accompagné d’un ami. Il est contrôlé à son tour « pour savoir à qui on a affaire » selon son nouveau témoignage puis est « mis en garde » que si le drapeau palestinien reste sur ses épaules il risque de se « faire embêter à nouveau ». Les deux ami·es, au contraire, reçoivent des marques de soutien, des sourires et des remerciements par de nombreux·ses festivalier·ères présent·es sur les autres sites du FIL. Ici, nous saluons leur acte de résistance.

Enfin, un·e individu·e est de nouveau contrôlé·e car iel porte un drapeau palestinien sur ses épaules. Cette fois-ci, il y aurait un « arrêté préfectoral ». Les FDO qui effectuent le contrôle ne sont toujours pas en mesure de présenter un document officiel attestant de cet arrêté.

Le jeudi 7 août, vers 21h, au Quai du Livre, un couple franco-italien est interpellé par des CRS. L’homme qui ne parle bien français a du mal à comprendre ce qu’on lui reproche. Sa compagne traduit. L’AFPS explique dans son communiqué le « ton agressif des policiers qui lui intiment d’enlever son drapeau évoquant de manière vague qu’aucun drapeau autre que ceux des nations celtes n’est admis sur le site, au prétexte que le festival serait apolitique ». S’en suit un contrôle d’identité et des menaces d’être conduit au commissariat.

Le jeudi 7 août, vers 22h, un couple franco-asturien est prié de quitter illico presto le fest-noz de la salle Carnot et le Festival Interceltique de Lorient. Le jeune asturien est contrôlé sous prétexte qu’il arbore le drapeau palestinien. 

Toujours ce jeudi 7 août, à 23h05, le couple franco-italien est de nouveau contrôlé. L’homme est « brutalement » aggripé par ses vêtements et « emmené contre une palissade ». À nouveau un contrôle d’identité est mené et que s’il persiste une troisième fois, il sera conduit au poste.

Quelques minutes plus tard, nous recevons des alertes de bénévoles présent·es sur différents sites et dont la police somme de « dénoncer les personnes portant le drapeau palestinien ». Ils expliquent également être à la recherche « d’espagnols ou d’italiens pro-palestiniens ».

Le vendredi 8 août, un·e individu·e subit un troisième contrôle de la semaine à la sortie du Kleub. Iel lui est notifié·e qu’un « arrêté municipal » portant sur le drapeau palestinien est en cours. Aucun document n’est présenté.

Ces quelques exemples sont issus d’une longue liste de faits non-exhaustive. Alors si la direction du Festival Interceltique de Lorient, rappelle que « Nous n’avons eu aucune remontée concernant ces faits » selon la presse régionale, on lui rappelle que la répression est toujours plus oppressante, ces derniers mois, et que nombre d’individu·es se taisent par peur de représailles.

L’organisation assure également n’avoir « donné aucune instruction officielle concernant le port du drapeau palestinien, encore moins une interdiction ». Face à cela, il est légitime de se poser plusieurs question.

Comment se fait-il qu’une représentante du festival a spécifiquement signifié que « le drapeau palestinien est interdit » ? Est-on en droit de prohiber le drapeau palestinien lorsqu’on se remémore l’histoire du Festival Interceltique ?

La réponse est bien évidemment non. On ne peut outrepasser qu’en 2005 puis en 2007, de jeunes musicien·nes palestinien·nes ont défilé avec le Bagad Guirab (signifiant cornemuse en arabe) lors de la Grande Parade des Nations Celtes, le triomphe des sonneurs et les différents défilés.

Pourtant, déjà à l’époque, ces palestinien·nes, comme des milliers d’autres, étaient expulsé·es de leur terre, entassé·es dans des camps en Cisjordanie, réfugié·es au Liban, ou bien même enfermé·es dans la bande de Gaza.

Ce message d’ouverture, de solidarité et de tolérance,associé à nos cultures minorisées, ne peut être oublier ou dévoyer aujourd’hui.

Dans la conjoncture actuelle, exprimer sa solidarité en arborant le drapeau palestinien est-il devenu un délit ?

En janvier 2023, Heba Morayef, directrice régionale pour l’Afrique du Nord et le Moyen-Orient d’Amnesty International soulignait que « depuis des décennies, le drapeau palestinien est un symbole d’unité et de résistance à l’occupation illégale d’Israël ; il est utilisé à travers le monde comme emblème de solidarité avec le peuple palestinien ».

Arborer le drapeau palestinien n’est pas un délit, au contraire, il marque toute notre solidarité et encore plus lorsque cinq journalistes parmi les derniers de Gaza sont tués. Lorsque des femmes palestiniennes accouchent sans anesthésie, allaitent sous les bombardements, et protègent leurs enfants avec leurs corps. Elles voient la faim les dévorer au point de manger du sable et inscrivent leur nom sur leurs bras « au cas où ». Les femmes palestiniennes déchirent leurs toiles de tente pour en faire des protections menstruelles de fortune, endurent des infections sans aucun soin possible. Alors oui, merci à celleux qui ont eu le courage d’arborer les couleurs de la Palestine au FIL 2025 comme ailleurs.

Enfin, au sujet d’un hypothétique « arrêté municipal », comme évoqué le vendredi 8 août, les services de l’Etat français se sont déjà prononcés « plusieurs fois sur le sujet : non, pour la justice, l’interdiction d’un drapeau n’est ni nécessaire ni proportionnée » comme le rappelle France Info, dans un article daté du 4 juin dernier.

EDIT : Le vendredi 8 août dernier, un bâteau accoste au port de Lorient. Vers 18h, environ dix minutes après l’arrivée de l’équipage, six policiers arrivent sur le ponton « nous ordonnant d’enlever notre drapeau ». Une des
personnes contrôlées explique que « nous avons demandé de nous
montrer le document qui spécifiait cet ordre. Ils nous ont répondu que c’était un arrêté préfectoral, mais qu’il ne l’avaient pas avec eux ».

S’en suit des contrôles d’identité en « spécifiant qu’ils ne pouvaient pas enlever le drapeau mais que si ce n’était pas fait, on recevrait sûrement une amende ».

SE RAPPROCHER AVEC LA MUSIQUE BRETONNE

Depuis quelques temps, nous partons à la rencontre d’acteurices loc·ales·aux pour parler d’art, de culture ou de musique. Il y a un peu plus d’une semaine, nous avons rencontré un biniaouer et talabarder (entendez par-là d’un joueur de binioù et de bombarde) du pays lorientais et membre d’un bagad morbihannais.

Ensemble, nous avons évoqué pendant près d’une heure et demie, la musique bretonne et son avenir, les bagadoùs, les festoù-noz et le mouvement trad. Une discussion engagée, comme on l’aime et comme on l’a défend avec notre auto-média partisan.

Surnommé « Tcheutcher » par certain·es de ses ami·es, il incarne la nouvelle génération, déterminée à s’ouvrir au monde par la solidarité, la tolérance et la dignité. À ses côtés, on découvre ou redécouvre au fil de la discussion, sa passion qui le lie à la musique. S’il joue dans un bagad, orchestre musical cadré, cadencé au pas, inspiré des pipe bands écossais et culturellement « hiérarchisée, spectaculaire ou grandiose », Tcheutcher performe également dans les festoù-noz ou « fêtes de nuit ».

Modernisés aux milieux des années 1950 dans le Kreiz Breizh (Centre-Bretagne), sous l’impulsion de Loeiz Ropars, les festoù-noz connaissent un nouvel élan.

Le 26 mai 1954, Loeiz Ropars, organise un premier concours de kan ha diskan à Poullaouen avec l’idée de relancer les festoù-noz. Poullaouen, c’est aussi une commune, terre de lutte, ouvrière et populaire, où des laveuses se mettent en grève au cours de l’année 1767. La grève qui dure six semaines est la première hexagonale du monde ouvrier féminin. Elle se solde par une victoire.

Dans les années 1960, les festoù-noz deviennent festif, populaire, et prennent de l’ampleur. Ils se multiplient en Kreiz Breizh et commencent même à gagner l’ensemble de la Bretagne.

En 2024, si l’on se base sur les chiffres de Tamm-Kreiz, qui œuvre pour la promotion et la diffusion du monde du fest-noz, il y aurait eu au moins 1175 festoù-noz et bals trad en Bretagne.

Aujourd’hui, rajeunie par la nouvelle génération, les festoù-noz sont plus ouverts. Sensible sur les non-dits, sur la veille et la prévention des violences sexistes et sexuelles, elle soulève des thèmes importants. Mais estime que « le milieu est clairement en retard sur le sujet » comme le souligne la harpiste Nolwenn Bernard dans un article de Mediapart en août 2024.

Déconstruire la méritocratie, dégenrer la danse, vivre un amour libre et heureux, rappeler que la pratique hétéronormée est de moins en moins courante, sont portées par la nouvelle génération dans le kas-a-barh, l’hanter dro ou la ridée.

Brassés par des sous-textes que chacun·es peuvent interpréter d’une manière différente, les festoù-noz, lieux de rencontres, interpellent son public et apportent un vent de fraîcheur dans ses contenus.

Si les mœurs commencent à évoluer, Tcheutcher nous rappelle d’ailleurs que « la musique bretonne a besoin de se rapprocher » de nos luttes communes et de nos espoirs. On se souvient notamment du 17 août 2024, lors du Festival Interceltique de Lorient off, où il performe aux côtés de DJ Tonkar et de la dragqueen Monica Gole.

De la nécessité à converger ensemble, il faut tout de même rappeler que nos cultures minorisées sont mises en danger. En effet, Rachida Dati, ministre de la Culture, aux relents trumpistes, accentue les coupes budgétaires à tous les niveaux. Le SMA (Syndicat des Musiques Actuelles) publiait, le 16 avril dernier, une étude plus que documentée sur le sujet.

Les chiffres sont clairs : 65,8 millions d’euros en moins de la part des régions pour la culture. En Bretagne, des centres culturels ferment, des coopératives culturelles mettent la clé sous la porte, et des championnats de musique sont menacés.

Et ce n’est pas le fameux « plan fanfare » qui donnera des avancées. Ainsi, en réduisant son budget à la culture, l’Etat français ouvre sa porte aux extrêmes droites. Sous couvert de sa théorie du « grand remplacement », elles s’en prennent, dans des torchons de désinformations régionaux aux réfugié·es ou à des groupes d’artistes engagés.

Ce discours nauséabond ne doit avoir aucune place, ni sur la place publique, ni dans les commentaires haineux qui pullulent sur les réseaux sociaux. Tcheutcher souligne « l’intérêt qu’on soit en capacité de répondre avec l’argumentaire » et non « en mon nom ». Car c’est bien cela le problème, les extrêmes droites non-locutrices se permettent d’agir à la place des premiers·ères concerné·es.

Car sous prétexte de motifs fallacieux et crasseux des extrêmes droites, c’est bien la diminution du nombre de locuteurices qui menacent.

Il ne reste plus que 107 000 personnes parlant breton soit 2,7 % de ses habitant·es. C’est deux fois moins que la dernière étude qui datait de 2018.

À cela, s’ajoute la gentrification des villes, car oui, les artistes sont précaires. La précarité est bien là, sous différentes formes, dans les grandes et villes moyennes.

Nombreux·ses sont celleux qui quittent les zones du littoral pour le Kreiz Breizh où le prix des loyers sont plus accessible. La baisse des budgets aditionnée à la  gentrification menacent nos cultures minorisées.

Pour autant, rien n’est perdu, car un jeune vivier d’artistes et de musicien·nes se mobilisent. De Fall Foen à Elouan Le Sauze, en passant par Kevin Le Pennec, harpiste queer, au duo de rappeurs de Plouz&Foen, nombreux·ses sont celleux à être ouvert·es, tolérant·es et dignes.

Il est donc important que « nos milieux fassent un pas vers l’autre » comme le conclut Tcheutcher.

Ce premier pas a été réalisé au cours de l’été 2024, lorsque deux tribunes circulent dans le milieu des musiques bretonnes : « Folk contre le fascisme » et « Ne vous abandonnez pas aux sirènes de l’extrême droite ». La première réaffirme un positionnement antifasciste et antiraciste quand « les traditions populaires se font écho les unes aux autres, d’où qu’elles prennent leurs sources » et la seconde appelle à se mobiliser dans les urnes face aux extrêmes droites. Cette année, il y a également une volonté de se mobiliser contre l’extrême droite entre le mouvement folk antifasciste et le mouvement trad fest-noz.

Des festoù-noz aux bals trad, les chants de luttes sont investis par les mouvements sociaux, comme un outil pour se rencontrer, lever des fonds et danser tous·tes ensemble. Au sein de ces scènes, il existe des initiatives contre le sexisme, comme avec Krismenn ou Fleuves, qui dénoncent la part sous-représentative d’artistes féminines dans les festoù-noz avec ce chiffre à l’appui : 70 % d’artistes masculins sur scène et 30 % restant sont, pour moitié musiciennes ou chanteuses répertoriées par Tamm-Kreiz.

Alors pour que la culture populaire vive, pour que la culture et la musique soient nos luttes, mobilisons-nous ensemble !

LE RAP CONSCIENT EXISTE-T-IL TOUJOURS ?

Alors que la saison estivale des festivals a déjà débuté, on va s’intéresser au rap, prisé par un public très large. Apparu dans l’Hexagone au cours des années 1980 sur le modèle du hip-hop étasunien, il prend rapidement de l’ampleur et devient populaire dans les années 1990. Si aujourd’hui de nombreux·ses artistes mainstream sont en tête des « charts » ou classements musicaux grâce à l’apparition du streaming, que des magnats d’extrême droite sont désormais actionnaires, que reste-t-il du rap engagé et militant ? 

Avant de répondre à cette question, il parait important de comprendre à quel point l’apparition et l’expansion du streaming ont joué un rôle sur le rap. Ce dernier, qui est une des disciplines du hip-hop, est celui qui a connu le plus d’évolution ces dernières années : les battements par minutes ou BPM ont ralenti, les mélodies auto-tunés se sont imposés et les structures des morceaux se sont retrouvés complètement chamboulées. 

Les plateformes de streaming, soutenu par le capitalisme musical ont bien saisi cela pour faire un maximum de profit. Ainsi, ensemble, ils mettent en avant des artistes plus « bankables », ciblent des tranches d’âge spécifique en leur proposant un rap parfois aseptisé et contribuent à effacer les repères historiques essentiels à la compréhension du rap.

Il se retrouve mis à la disposition et surtout mis en avant pour tout un pan d’individu·es en discordance avec ce qu’est le rap comme culture. « Le problème qu’on a avec un public qui est en décalage avec la politique, c’est que pour beaucoup du coup, ils vont passer à côté d’un message et un message qui est très important dans le rap » comme le soulignait Akashioupersonne pour Raplume en novembre 2023. 

Peut-on oublier sa mémoire, sa transmission, son ancrage et ses histoires sociales ou politiques ? « Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position » ?

Les revendications sociales ou politiques s’inscrivent dans une longue tradition du rap hexagonal. Le 21 mars 1997, un collectif réunissant une vingtaine d’artistes sort un morceau culte engagé politiquement. Intitulé 11’30 contre les lois racistes, ce manifeste antiraciste bâti sur un projet artistiquement ambitieux rassemble les plus grands noms du rap des années 1990 : Ménélik, Fabe, Passi, Stomy Bugsy et bien d’autres. À cette époque, le rap fran­çais est très poli­ti­sé. Les têtes d’affiche répondent à l’appel.

Dans le morceau, le collectif dénonce les lois mises en place par la gauche et la droite institutionnelle.

L’intro est percutante de suite : « Loi Deferre, loi Joxe, lois Pasqua ou Debré, une seule logique : la chasse à l’immigré. Et n’oublie pas tous les décrets et circulaires. Nous ne pardonnerons jamais la barbarie de leurs lois inhumaines. » À travers ce morceau, c’est toute la classe politicienne qui est visée.

En octobre 1997, 60 000 exemplaires sont écoulés. Les fonds récoltés sont reversés au Mouvement de l’Immigration et des Banlieues (MIB) qui dénonce le racisme institutionnel dont sont victimes les réfugié·es, et en particulier les violences policières.

En 1998, Ärsenik, groupe de rap français, originaire de Villiers-le-Bel, rappelait la punchline « Qui peut prétendre faire du rap sans prendre position » dans le titre Boxe avec les mots.

Cette punchline a été reprise depuis par de nombreux·ses artistes, dont Youssoupha dans Menace de Mort en 2012.

À cette époque, les rappeureuses sont en première ligne face aux attaques incessantes de tout un tas de journalistes, d’essayistes ou de politicien·nes de droite extrême et d’extrême droite qui estiment que le rap est une « sous-culture ». De nombreux·ses artistes prennent alors position et en parlent dans leurs musiques.

Aujourd’hui, le rap s’est développé, truste la tête des charts ou des plateformes de streaming. Des juristes relisent les textes pour vérifier que rien n’est condamnable d’un point de vue légal, les chef·fes de projet mettent des freins sur les textes qui pourraient nuire à la promo, et les artistes eux-mêmes se censurent en réfléchissant plus en termes de plan de carrière que de musique.

Pire encore, des magnats d’extrême droite comme Bolloré sont désormais actionnaires de labels !

Ce cocktail fait que des artistes ont de plus en plus de mal à condamner des positions prisent par des médias, par des politiciennes et par un système étatique.

Lorsque la parole est prise, comme dans No Pasarán avec 9’43 contre les fachos, l’initiative est sans doute salutaire, mais elle intervient bien tardivement. 

Pourquoi sortir le morceau au lendemain du premier tour des élections législatives de 2024 quand on sait que l’extrême droite et ses partisan·es redoublent et accentuent les attaques sur nos camarades depuis plusieurs années ? À titre d’exemple, lors des révoltes populaires du mois de juillet 2023 suite à la mort de Nahel, des milices s’évertuent à livrer des personnes racisées à la police française.

À cette même période, sur le pays lorientais, l’extrême droite locale intimide nombreux·ses de militant·es ou d’événements.

Les textes de No Pasáran sont inégaux, souvent confus et conspirationnistes. Un discours qui tranche avec son ancêtre du 11’30 contre les lois racistes. 

Dès lors faut-il repenser notre rapport au rap ? Existe-t-il des artistes à contre-courant et engagé politiquement ?

Alors, oui, il existe des contre-exemples !

Le 13 décembre 2020, un collectif de 33 MC’s sort un morceau plus que jamais d’actualité. Dans un contexte ravivé par le mouvement des gilets jaunes, par les meurtres de Zineb Redouane, de Steve Maia Caniço, de Cédric Chouviat ou par la loi sécurité globale.

13’12 contre les violences policières narre le racisme et les violences policières. Dès le début, le clip fait mouche, les textes sont talentueux, et des illustrations d’images qui nous rappellent combien l’Etat français a déchaîné sa milice tout au long de ces dernières années.

De Skalpel à Billie Broke, en passant par L’1consolable à de Tideux, les punchlines sont acérées ! Une belle découverte musicale.

Un autre artiste cristallise tout ce que l’Etat français et l’extrême droit déteste, le rappeur Médine. De par son tempérament et ses textes criant de vérité, Médine représente à lui seul tout ce que les politiciennes déteste : de l’annulation de ses concerts jusqu’aux menaces de mort, tout est bon pour nuire à un artiste qui fait de la lutte pour la justice sociale un cheval de bataille de ses chansons. 

Dans Généric, il livre un récital et un hommage à l’antifascisme. Dans Stentor, il réalise son clip aux côtés de plusieurs militantes de collectifs antifascistes où il explique « Nique les fafs, les Waffen-SS (Nique les fafs, les Waffen-SS), J’suis pas Stanislas, un peu Averroès ».Avec L’4mour, clip officiel du spectacle La Haine, il souligne « Mais, dans les contrôles de routine. On est des ramasseurs de balles. Mais tu veux savoir c’est quoi l’comble? C’est qu’ce soir, on fait salle comble ».

Le 29 avril 2023, Médine se produit à Lorient dans une salle comble. Quelques semaines auparavant, l’extrême droite locale et leurs nervis tentaient d’annuler la venue de SOS Méditerannée.

Ils en feront de même pour la venue du rappeur en se plaignant dans la presse régionale.

Ce soir-là, Médine fera danser et chanter plus de 500 personnes autour de ses sons cultes, du « Siamo Tutti Antifascisti » et du drapeau antifasciste Breizh Enepfaskour.

Il conclut son concert par « Lorient, j’avais aucun doute ce soir, le message est reçu ».

Car si Vald expliquait en mars 2025, sur le plateau de Quotidien, que si le rap est « de gauche quand il se veut militant, quand il essaie de décrire des trucs, il est de droite quand il est content d’avoir des grosses voitures », pour nous, il doit être engagé et militant ! Continuons, dans les manifestations à porter ce message, continuons à fleurir les têtes de cortèges de banderoles en reprenant les paroles d’artistes. Sur les réseaux sociaux, utilisons les audios de rappeureuses engagées dans nos publications.

Ces deux exemples récents sont loin d’être exhaustifs, nous vous invitons à venir l’enrichir en commentaires. Aussi, nous découvrons à peine la scène engagée régionale et internationale qui se mobilisent à travers leurs messages, mais nous en sommes sûr·es, soutenons les !

FAIRE VIVRE L’ART QUEER À LORIENT

Au détour d’une conversation entamée sur les réseaux sociaux, nous avons proposé à Jiruma Vixen, dragqueen lorientaise, une rencontre, pour qu’elle nous explique ce que représente son art, ses débuts dans la campagne bourguignonne, mais aussi ses émotions, et le rôle qu’elle interprète dans la scène drag lorientaise. Une heure et quart d’échanges riches autour d’un thé glacé, d’un brownie et de pintes !

Originaire de Bourgogne, Jiruma se met en drag ponctuellement à l’époque, depuis cinq ou six ans, dans un cabaret local, sous les traits d’une danseuse, accompagnant son père de drag Georges Mambo. Bref, des soirées qui lui permet d’explorer le genre.

Arrivée il y a plus de trois ans à Lorient, elle assiste à plusieurs soirées drag d’À l’Abordrag soirée du drag king Edmond Séant venant de la scène rennaise et qui a originé les premiers dragshows à Lorient. C’est d’ailleurs après avoir participé à l’édition de novembre 2023 que Jiruma obtient l’aval de lancer ses propres soirées : les Drag’émonium. La première aura lieu en janvier de l’année suivante. Elle nous explique que « tout est à faire sur Lorient » afin de créer une scène drag lorientaise. N’oublions pas tout de même que dès cette époque, DJ Tonkar et Monica Gole (assistez à leurs
performances d’ailleurs !
) sont présentes à Lorient bien que dans un registre légèrement distinct.

Elle s’élance plus sérieusement il y a un moins de deux ans, au côté de son acolyte drag queer, devenu ami·e, Lily Borea, en novembre 2023. Iels deviennent des précurseureuses du drag à Lorient.

Cette ville, moyenne, va devenir une référence sur la scène bretonne. Mais pour autant rien n’a été si facile pour en arriver là. La région ou le pays lorientais, très connoté à droite, voir à l’extrême droite par endroit, est un challenge. Jiruma recevra de nombreux commentaires haineux après son interview au Télégramme, le 19 avril 2024.

Alors si rien n’est aisé, si la précarité du drag est réelle (pour se lancer, il est estimé que 250 € est nécessaire rien que pour le maquillage) ou est chronophage avec les multi casquettes, il faut saluer l’investissement de
chacun·es des drags pour faire briller Lorient dans le Grand Ouest, de Brest à Tours, et au delà.

À Lorient, avec le drag, Jiruma trouve des réponses à ses questions et ce grâce au drag. Elle explique qu’il « faut faire vivre l’art queer » et transmettre « ses émotions, ses tripes, ses souffrances, ses envies et ses espoirs ». Très souvent hosting (ou hôte de soirée), elle s’épanouit dans ce rôle avec comme figure la drag étasunienne, Bianca Del Rio.

Jiruma, soutenus par son entourage familial, assume sa genderfluidité par le drag et revendique désormais ses positions.

Dans la ville aux sept ports, les lieux où se produisent les artistes sont toujours plus nombreux. Jiruma et les drags sont disponibles aussi. Les drags shows sont des endroits, des « safes places » comme elle le rappelle, dans lesquelles les drags sont disponibles, à l’écoute pour les personnes en questionnement ou isolées socialement notamment des personnes jeunes et membres de la communauté LGBTQIA+. À Lorient, le drag est un art
militant, un drag présent !

Nous finissons notre rencontre sur la question militante, sur ce qui se passe actuellement en Hongrie, sur la montée du fascisme, sur les personnalités queer « qui doivent se positionner », car le schéma de la Seconde Guerre mondiale n’est pas à reproduire et qu’il faut faire front ensemble ! Le discours de Jiruma Vixen, le samedi 28 juin dernier, lors de la cinquième édition de la Pride lorientaise abondait dans ce sens.

Cette heure et quart d’échange passionné mais nécessaire fût très agréable.

Nous invitons chacun·es d’entre vous à découvrir ou à re-découvrir les performances des drags lorientaises, car cet art, le drag, doit vivre pour s’émanciper de toute forme d’oppressions ! Jiruma nous confiera d’ailleurs qu’une pause estivale « n’est pas possible » et nous ne sommes pas étonné·es vu l’engouement qu’elle porte et que nous portons à son art.

Dans cette publication, on parle en grande partie de Jiruma, mais il ne faut pas omettre tous·tes les drags lorientais·es qui performent de leur art pratiquement chaque week-end.

UNE PRIDE LORIENTAISE FESTIVE ET REVENDICATIVE

Le samedi 28 juin, plus de 1 500 personnes ont défilé dans les rues du centre-ville de Lorient pour la cinquième édition de la Pride.

Dès 14h, des stands de goodies artisanaux, de collectifs ou d’organisations, installent un village éphémère, place Glotin. Sur le balcon du Palais des Congrès, on aperçoit le drapeau LGBT accompagné de celui de la Palestine. Ce dernier sera présent lors du défilé aux côtés de nombreux drapeaux queer.

Peu après 15h30, un premier char donne le coup d’envoi de la marche et se positionne en tête de cortège derrière la banderole « Queer et Fièr·x·es ». Sous un soleil de plomb, l’ambiance monte rapidement. Des tenues couvertes de paillettes et des visages parés de maquillages éclatants s’élance.

Sur le char, plusieurs artistes drags breton·nes, accompagné·es d’un DJ, enchaînent les performances.

La tête de cortège est joyeuse et festive.

En milieu de cortège, plusieurs militant·es du pays lorientais, donnent de la voix et se relayent. Devant les bars de la place Jules Ferry et pendant tout le long du parcours résonnent les « Siamo Tutti Antifascisti », « Queer, Déter, et Révolutionnaires », « Pas de quartier pour les fachos, pas de fachos dans nos quartiers », « ou le génial mais néanmoins nécessaire » « Pas de
fachos, plus de drags shows ».

De chouettes pancartes sont tendues dans les airs.

Cette partie du cortège, déterminée et revendicative, s’époumonera jusqu’à la fin du défilé. Face à l’internationale réactionnaire et fasciste, il est
important de repolitiser les prides et l’exemple de samedi est important pour nos luttes futures.

Un deuxième char anime la fin de cortège, où l’on retrouve deux vélos triporteurs pour l’accessibilité de tous·tes, et le reste des manifestant·es.

De retour sur la place Glotin, après une pause bien méritée, discours et drags shows s’enchaînent pour le plaisir des personnes toujours présentes.

Entre manifestation revendicative et fête, cette cinquième édition de la Pride lorientaise a tenu ses promesses et a su faire face à l’extrême droite.

Les actes ignobles et horribles des nervis lorientais de ces derniers jours n’ont pas découragé les 1 500 participant·es.

Face à l’extrême droite, ensemble, nous ne devons rien céder !

AUX ORIGINES DE LA PRIDE : STONEWALL

Le 28 juin 1969, alors qu’un énième raid policier s’organise face au Stonewall Inn, bar new yorkais situé dans le quartier de Greenwich Village, des gays, deslesbiennes, des trans et des drags ripostent face à une nouvelle offensive répressive.

À la fin des années 1960, de nombreux mouvements voient le jour aux États-Unis. Le Black Power s’affirme, la protestation contre la guerre du Vietnam grandit et le mouvement féministe prend de l’ampleur.

Pour autant, l’homosexualité reste un crime. Illégale dans tous les Etats-Unis (à l’exception de l’Illinois), les actes charnels entre adultes de même sexe sont punis deprison. A l’époque, la législation interdit également le
travestissement. A San Francisco, par exemple, il est prohibé jusqu’en 1974.

Sur la côte Est, la ville de New York, en particulier Greenwich Village, est un haut lieu de la vie gay étatsunienne. Le Stonewall Inn, malgré son bar vétuste, tenu par par le mafieux « Fat Tony » et qui n’a guère de considérations pour ses client·es, attire de nombreux·ses personnes queer.

Pour autant, les raids policiers sont fréquents. À chaque fois, ils sont accompagnés de contrôles d’identité et d’humiliations. Les personnes LGTBQ sont profilé·es,violenté·es, harcelé·es, très souvent arrêté·es ou subissent des viols correctifs. Le 28 juin, le bar est bondé. Dehors, comme à l’intérieur, il fait une très grosse chaleur. Mediapart explique que « les Rolling Stones viennent de passer sur le juke-box et des go-go boys en bikini lamé doré dansent sur la piste. Vers 1h20 du matin, six policiers, menés par l’inspecteur adjoint Seymour Pine, toquent à la porte ».

Le Stonewall Inn, Pine veut le fermer depuis longtemps. Il hurle alors « Nous prenons possession du lieu ! ». Les client·es sont contrôlées à tour de rôle. Certain·es s’agacent et refusent de montrer leurs cartes d’identité. D’autres s’inquiètent ou s’indignent.

Ne souhaitant pas se disperser et quitter les lieux, iels attendent celleux qui sont resté·es à l’intérieur. Une foule s’amasse peu à peu et chaque sortie est applaudie. Au fil des minutes, la tension monte, l’irritation se lit sur les visages. Ce 28 juin sera la fois de trop !

Excédé·es par la répression et les provocations policières, les client·es du bar répondent. Une lesbienne butch, frappée par un policier, refuse de se laisser embarquer, se démène et commence à se révolter. De nombreuses
lesbiennes l’imitent. Les premiers projectiles fusent obligeant les policiers à se retrancher dans le bar.

Le Stonewall Inn est pris d’assaut : vitres cassées, porte d’entrée enfoncée. David Carter, auteur de Stonewall : the riots that sparked the gay revolution, explique que ce soir-là, les meneureuses sont les « éléments les plus méprisés et marginaux de la communauté lesbienne, gay, bi et transgenre ».

Parmi elleux, on retrouve Jackie Hormona, Zazu Nova, Marsha P. Johnson, Sylvia Rivera, et bien d’autres.

Si Marsha P. Johnson n’est pas présente aux débuts du soulèvement, elle arrive accompagnée de son amie Sylvia Rivera vers 2h du matin. Marsha, qui a 23 ans à l’époque, est une femme noire transgenre. Personnalité
flamboyante et iconique, elle est la reine du Greenwich Village.

Avec les événements de Stonewall, Marsha P. Johnson devient l’un des visages de la Queer Revolution. Activiste toujours souriante, elle sera une fervente défenseuse des jeunes LGTBQ+ sans-abri, des personnes touchées par le VIH et le sida, ainsi que des droits des homosexuel·les et des personnes transgenres.

Pour en revenir à Stonewall, la première nuit de révolte provoque des courses-poursuites et des affrontements, suivie par plusieurs autres, soit six au total. Ce soulèvement, bien que n’étant pas le premier, reste dans les mémoires collectives comme étant le point de bascule de la visibilité homosexuelle et du mouvement gay.

La première Pride ou marche des fiertés aura lieu le 29 juin 1970 à New York. Stonewall marque l’essor de nouvelles organisations, d’une nouvelle presse, d’un nouvel activisme comme le Gay Liberation Front ou le Street Transvestite Action Revolutionaries (STAR) auxÉtats-Unis.

Durant trois ans, le STAR, fondé sur l’entraide par Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera, va fournir des logements et des soutiens financiers aux jeunes queer et aux travailleureuses du sexe sans-abri dans les quartiers sud de Manhattan.

Malgré sa brève existence (1970-1973), le collectif est considéré comme un modèle et une organisationpionnière dans le mouvement de libération gay et transgenre.

Si Stonewall a du sens aujourd’hui, c’est que depuis les colères légitimes n’ont pas disparues. Plus de cinquante ans après, la queerphobie augmente partout. Le régime hétéropatriarcal tue. Et l’homosexualité reste interdite dans plus de 70 pays dans le monde…

Alors hasard du calendrier ou coïncidence, la cinquième édition de la Pride lorientaise a eu lieu le samedi 28 juin dernier. À nous de rendre hommage à tous·tes celleux qui, une nuit de juin 1969, se sont levé·es pour le droit à l’auto-détermination, l’émancipation et pour résister tout simplement !

LES DÉRIVES DU FOOTBALL MODERNE

À l’occasion de la fin de saison des cinq grands championnats européens de football, nous allons aborder un sujet détestable pour les un·es autant que fascinant pour les autres, celui du ballon rond. Mais aussi de sa lente dérive vers l’élitisme et le néolibéralisme orchestré par le patriarcat au cours de ses trois dernières décennies.

Depuis plus de 30 ans, le football moderne s’enfonce dans une spirale sinistre. Les tribunes s’aseptisent et la gentrification des billets devient monnaie courante. Les tarifs des diffuseurs TV explosent chaque saison et les milliardaires ou le système capito-industriel rachètent des clubs à tour de bras entraînant leur perte d’identité. Les compétitions deviennent gigantesques. Les États utilisent les supporteurices comme des cobayes pour restreindre nos libertés individuelles et collectives en développant des techniques de vidéo-surveillances ou en utilisant le « maintien de l’ordre ». Enfin, dernièrement, l’extrême droite infiltre les stades dans un silence assourdissant des gouvernements.

Tout ses exemples sont minutieusement organisés par les acteurices institutionnel·les, économiques et médiatiques. Iels veillent à ce que ce plan se déroule sans accroc pour que le football perde toute la saveur populaire de ses débuts.

Les premières questions que l’on se pose sont les suivantes : à partir de quelle période le football moderne a-t-il muté ? Pourquoi a-t-il cédé aux chantres du capitalisme ?

Les premières réponses se trouvent en Angleterre. En janvier 1990, le Rapport Taylor préconise la suppression des tribunes debout, les légendaires terrasses, suite au drame de Hillsborough qui fait 97 décès, le 15 avril 1989.

La ligue de football en Angleterre et la ligue écossaise de football introduisent des règlements obligeant les clubs participant à l’élite de leur système de championnat (les 2 premières divisions en Angleterre).

Dès la saison 1989-90, certains clubs comme le St Johnstone FC se plie à ses nouvelles règles bien avant le rapport final.

D’autres moyens sont renforcés. Au prétexte de la lutte contre le hooliganisme, et sans éliminer le problème, on modernise ou sécurise les stades pour accueillir un public issu de la classe moyenne. Les matchs se transforment en spectacle vivant, auquel on se rend en famille.

L’augmentation du prix des places engendre une inévitable gentrification des tribunes et des virages. La classe ouvrière et populaire est invisibilisée et repoussée dans les pubs.

Le racket sur le prix des billets se couple à la généralisation des places assises. En Hexagone, c’est à l’aube de la Coupe du Monde 98, que la loi Alliot-Marie de mars 1998 généralise les places assises et numérotées dans les stades

En ce qui nous concerne, à Lorient, le virage sud, où se mêlent les jeunes, ouvrier·ères et retraité·es, dernier vestige de l’ancien vélodrome, disparaît en 2009, entraînant avec lui une hausse significative des tarifs.

Les folles soirées sous le crachin breton ou sous un soleil plombant de cette tribune populaire s’effacent avec les derniers allers-retours d’Ewolo, du tandem Audel et 

Bourhani, ou les arrêts d’Ulrich Le Pen un soir de match face à Valenciennes.

Sur la photo précédente, on peut également apercevoir d’immenses panneaux érigé autour de la tribune et portant les noms des sponsors de l’époque. Dans un premier temps, ils sont apparus sur les maillots de clubs hexagonaux à la fin des années 1970. Jérôme Latta, auteur de Ce que le football est devenu, résume très bien le phénomène : « Tout les espaces, matériels et immatériels deviennent des supports publicitaires. ». Pour maintenir le capitalisme à flot, on stylise des logos de sponsors qu’il faut afficher partout.

Dans les stades, dans les vestiaires ou sur les sportif·ves, en passant par les écrans publicitaires ou les tables et salles de presse, on placarde chaque mètre carré.

On peut y faire légitimement le rapprochement avec l’arrivée d’individus néolibéraux et des diffuseurs TV aux milieux des années 1980, tous avides du capitalisme qui se profile. À cette époque, des clubs hexagonaux se font racheter par Claude Bez, Jean-Luc Lagardère, Jean-Michel Aulas et bien d’autres, avec des résultats contrastés et pour certains des échecs cuisants. Jérôme Latta explique que « Tous ont en commun une politique qui se caractérise par des dépenses importantes pour constituer un effectif compétitif, quitte à lui donner des allures de cavalerie financière ».

Il amène également des groupes médiatiques à l’acquisition de plusieurs clubs, comme Canal+ avec le PSG (1991-2006) et M6 avec les Girondins de Bordeaux (1999-2018). Conjointement, le football moderne et les médias s’organisent.

Le joueur devient une vitrine qu’on expose à coups de millions et à travers le monde. Marionnette du système en place, il devient un produit du possédant. À tel point qu’en 1995, la jurisprudence de l’Arrêt Bosman fait exploser les transferts et le foot business.

Elle entraîne avec elle la marchandisation des joueurs, la norme du mercenariat et les multiples corruptions.

Dès lors, la lente agonie du football moderne va ne cesser de se poursuivre. À la recherche de toujours plus de profits, les capitalistes acquièrent clubs sur clubs. Des faillites dues à une gestion calamiteuse ont lieu à Leeds (en Angleterre) et à Parme (en Italie) dans les années 2000. La vision cynique, la mauvaise appréhension du côté sportif leur jouent des tours et conduit régulièrement au fiasco.

Dans l’Hexagone, les exemples sont nombreux. L’éphémère Evian Thonon Gaillard FC, détenu par un groupe industriel, disparaît en quelques années.

Le Grenoble Foot 38, le FC Sochaux, l’AS Nancy Lorraine, le CS Sedan Ardennes ou le FC Girondins de Bordeaux pour les plus connus intègrent cette longue liste.

Pourtant, ses premières alertes ne rebutent pas pour autant le capitalisme qui devient multi propriétaire de clubs pour certains ou détenu par des groupes industriels pour d’autres.

À Lorient, ville ouvrière et populaire, Bill Foley acquiert une part minoritaire mais significative (40 %) dans le FC Lorient en janvier 2023.

Déjà propriétaire de l’AFC Bournemouth et du FC Auckland, futur probable propriétaire de Moreirense FC au Portugal, actionnaire du Hibernian FC en Écosse, il ne cachait pas le 23 décembre 2022 à The Athletic, le département de journalisme sportif du New York Times, que « Le club uruguayen pourra nourrir le club belge, qui pourra nourrir le club français, qui pourra nourrir le club de Premier League. »

Son arrivée à Lorient est dénoncé par le principal groupe de supporteurices. Plusieurs banderoles sont déployées.

Ce cas est loin d’être isolé dans l’Hexagone. Le Red Star FC, ancien club du résistant Rino Della Negra, était détenu par le fond d’investissement 777 Partners jusqu’en 2024. Un groupe surendetté et ciblé par de multiples plaintes pour fraude. Quelques mois 

auparavant, les supporteurices défilaient derrière le slogan « Célébrons la montée, combattons la multipropriété ».

En 2023, Strasbourg est acquis par le groupe BlueCo. Quelques années auparavant, en 2020, Troyes est acquis par le City Football Group. Cette dernière expérience reste mitigé pour un entraîneur d’équipe de jeunes de Troyes, interviewé par L’Equipe, le 21 mai 2023 : « On est la réserve de la réserve de Manchester City ».

S’il est difficile d’évoquer toutes les dérives modernes du football tant elles sont nombreuses, les dernières en date doivent nous alerter sur nos libertés individuelles et collectives. L’extension de mesures répressives aux abords des stades, la multiplication des interdictions de stades (IDS) avec obligation de pointer au commissariat les jours de matchs, la généralisation de la vidéo-surveillance, et les menaces de dissolution de groupes planent chaque jour.

Tout est fait pour qu’aucun millimètre n’échappe à la surveillance. Le football est un laboratoire privilégié d’expérimentation de la répression et du contrôle.

À contrario, l’extrême droite agite ses tentacules dans de nombreuses tribunes sans ne jamais être inquiétée et dans l’omerta la plus totale. Le dernier numéro de So Foot, « Comment l’extrême droite infiltre le foot », paru en mai 2025, en illustre les contours. (nous le recommandons au passage !)

Les dérives dont nous évoquons ne sont qu’une infime partie, tant elles englobent d’innombrables sujets : les milliers de travailleureuses sacrifié·es pour une Coupe du Monde climatisée, la LGBTQphobie et le racisme des tribunes aux terrains quel que ce soit le niveau, la répression des soutiens à la Palestine libre, l’exclusion des sportives voilées, l’aberration environnementale, et tant d’autres…

Si le tableau semble bien sombre, des initiatives et alternatives encore trop méconnues existent sur ces thèmes. Un autre football émancipateur, solidaire, populaire, antifasciste, antiraciste, et féministe est possible. Nous reviendrons dans une prochaine publication sur celleux qui se mettent en mouvement pour bouger les lignes. Notre contribution s’ajoute à celleux qui veulent un football sans domination !

LES FEMMES DANS LA RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

En Bretagne, les résistant·es sont jeunes : 45 % ont moins de 30 ans en Ille-et-Vilaine et 56 % dans le Finistère (15 et 13 % de moins de 20 ans). Si la Résistance se composent majoritairement d’hommes, environ 10 à 15 % de femmes constituent ses effectifs.

Aux balbutiements de la Résistance organisée, elles hébergent, nourrissent, ravitaillent, défient ou transmettent des informations sur les déplacements de l’occupant.

Le 22 juin 1940, l’Allemagne nazie débarque sur l’Île de Groix à Port-Tudy. Elle prend place sur des positions stratégiques comme au Fort du Grognon et de Serville, le phare de Pen Men, les sémaphores, et occupe les écoles pour y installer leurs bureaux militaires. Pour construire de nouvelles fortifications, les nazis en manque de main-d’œuvre, déportent de nombreux prisonniers dès 1941. Beaucoup meurent de faim ou par manque de soin.

C’est dans ce contexte que Francine Puillon, originaire du village de Quéhéllo à Groix, refuse les avances d’un soldat nazi ivre en 1942.

Elle est abattue d’une rafale de mitraillette tirée à bout portant. En défiant l’occupant et face à l’oppression, Francine fera preuve de résistance. Nous ne l’oublions pas.

Sur le continent, à Bubry, situé à 30 km de Lorient, la famille d’Yvonne Nicolas tient une boulangerie dans le bourg, et possède un téléphone permettant d’avertir sur les mouvements allemands.

La jeune femme entre en résistance spontanément.

Elle nourrit et héberge, avec sa famille, des ouvriers réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire). En 1943, Yvonne rejoint le groupe FTPF Vaillant-Couturier avec lequel elle apprend à faire dérailler les trains.

La jeune bubryate devient agente de liaison pour les chefs du groupe, René Jehanno et Emile Le Carrer, qui sont en lien avec d’autres groupes FTP. Jehanno trouve Yvonne « remarquable, audacieuse et intrépide » et la recommande.

Elle part dans le nord de l’hexagone pour travailler sous les ordres d’André Duroméa.

Chargée de la lecture et du chiffrage des codes ainsi que leur transmission aux autres agent·es de liaison, notamment au moment du Débarquement en Normandie le 6 juin 1944, elle exécute des missions très dangereuses sans faiblir.

À Hennebont, situé à une dizaine de kilomètres de Lorient, plusieurs femmes participent à la Résistance locale comme Marcelle Guymare, ou luttent pour ses idées comme la militante communiste, Marie Le Fur.

Le réseau Cohors-Asturies s’implante à Hennebont grâce à Pierre Ferrand. Déjà à la tête d’un groupe actif d’une vingtaine de résistant·es, il entre en contact avec Jean Gosset au printemps 1943. En novembre, le groupe forme un maquis à Poulmein près de Baud. Il sabote, détruit, ou vole des explosifs.

Parallèlement, Cohors-Asturies collecte le maximum de renseignements. Le groupe se réunit très souvent dans l’arrière Café du Musée, rue des Douves.

La fille de la patronne, Marcelle Guymare, a 18 ans. Elle parle allemand. Or, c’est ici, dans ce même café, que se donnent rendez-vous les équipages des U-Boote nazis.

Accolé aux remparts de la ville, contre la porte Broërec’h, le lieu rassemble également de nombreux·ses jeunes hennebontais·es.

Les conversations vont bon train et elle n’en perd pas une miette. Avec Marcelle, le réseau Cohors-Asturies enregistre les mouvements des U-Boote et des soldats dans la rade de Lorient. L’arrière-salle du café sert de laboratoire pour préparer les sabotages de voies ferrées. On y met au point les engins explosifs, sous la direction de Ferrand et de Jean Gosset.

Par la suite, Marcelle devient agente de liaison, parcourt les routes du Morbihan à bicyclette pour transmettre des messages et des documents, ou pour transporter des armes.

C’est aussi elle qui est envoyée à Paris pour tenter de récupérer des documents que les résistant·es pensaient perdu·es par une camarade morbihannaise.

A Lorient, l’anarcho-syndicaliste et féministe de la CNT espagnole, Casilda Hernaez Vargas, qui a suivi son compagnon, Félix Likiniano, héberge les premiers saboteurs du pays lorientais dans son « Consulat Basque », situé dans le quartier Frébault à Lorient en 1943. Dans la clandestinité, elle va jouer sa vie pour la Résistance lorientaise. Considérée comme une « Rotspanier » (espagnole rouge par l’occupant nazi), nous serons à jamais reconnaissant·es envers Casilda !

Casilda décède d’une longue maladie, le 1er septembre 1992, à Lapurdi au Pays Basque.

Un an plus tard, en 1944, la pression sur l’Allemagne nazie s’accentue. L’occupant est préoccupé par le Débarquement, les différentes poches bretonnes, et le manque de ravitaillement. C’est à ce moment que la Résistance groisillonne s’organise et se développe. Une autre Marie Le Fur née Stéphant, jeune femme et mère de six enfants, trafique photos et cartes d’identité. Elle permet à 180 prisonniers de s’échapper par bateau du bagne groisillon.

Un jour, le coup ne marche pas. Condamnée à 12 mois de prison à Vannes, elle s’échappe au bout de trois semaines et rejoint Guémené-sur-Scorff avant de prendre la route de Pontivy sans argent ni ressource. Elle y retrouve ses six enfants.

Si l’Allemagne nazie se retrouve de plus en plus acculée, elle continue ses harcèlements et ses excutions comme dans le village de Keryacunff à Bubry. À l’aube du 26 juillet 1944, à la suite d’une dénonciation, des unités nazies renforcées par des rats et miliciens nazis bretons dont plusieurs sont originaires de Bubry, encerclent un groupe de résistantes.

Émile Le Carrer dit « Max », et Georges Marca, réussissent à décrocher, mais sont arrêtés à Guern le même jour et conduits à Locminé, où ils sont torturés.

Six autres résistant·es, sont fait·es prisonnier·ères et exécuté·es au lieu-dit Prat-er-Lann, après avoir combattu avec acharnement sans parvenir à se dégager.

Parmi elleux, quatre femmes sont fusillées, voici leurs prénoms, noms, et surnoms : Marie Gourlay dite « Dédée », Anne Robic dite « Nénette », Anne Mathel dite « Jeanne » et Joséphine Kervinio dite « Martine ».

Lorsqu’elles tombent sous la mitraille nazie, elles ont entre 17 et 23 ans pour la plus âgée. À la mémoire des FTP massacrées par l’occupant, nous ne les oublions pas !

Dans le Morbihan, les combats font rage. Le 27 octobre 1944, Joséphine Le Manach née Tilly dite « Fifine », engagée dans la Résistance très tôt. chargée d’un maquis à Largouat et Saint-Efoi, elle devient agente de liaison pour la compagnie FTPF « La Marseillaise ». Fifine a ensuite la responsabilité des postes de secours sur le front de l’Atlantique.

Présente pendant les combats les plus meurtriers de la Poche de Lorient, la jeune infirmière de 23 ans participe à l’évacuation des blessés, au sein du 15e bataillon des FFI commandées par Léon Razurel. Son action sauvera de nombreux·ses partisan·es.

Si la répartition des tâches sont la plupart du temps patriarcales, les femmes jouent un rôle central dans la Résistance. Moins suspectes aux yeux de l’occupant nazi et de la police collaborationniste française, les résistantes paient cependant un lourd tribut : environ 9 000 sont déportées dans des camps de concentration dont la moitié ne reviendra pas.

Dans le pays Lorientais, dans le Morbihan, et comme partout, elles sont un rouage essentiel pour la libération de l’hexagone.

Les femmes agissent dans la clandestinité, du ravitaillement au sabotage, en passant par la transmission d’informations à l’hébergement, les femmes mettent en péril leurs vies sans ne jamais rien céder aux tortures de l’Allemagne nazie.

À travers ces bribes de vies et ces parcours semés d’embûches face à l’occupant, elles ont participé activement à la Résistance alors même qu’elles n’étaient pas encore considérées comme des citoyennes. Leurs parcours représentent l’espoir vis à vis des différentes oppressions qu’elles subissent toujours aujourd’hui !

CHRONIQUE SUR LA RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

3 # LES GROUPES FTPF VAILLANT-COUTURIER ET CORENTIN CARIOU ANIMENT LE PAYS DE BUBRY

On l’a vu, dès 1941 voir avant, les contours de la Résistance se dessinent autour du renseignement, d’initiatives locales et des premiers attentats ou sabotages.

Au cours de l’année 1941, un groupe de jeunes combattants se constitue à Lorient sous la houlette de Joseph Le Nadan. Pierre Theuillon, un de ses camarades, réussit à louer une pièce dans une maison de la rue Edgar Quinet, au nez et à la barbe de l’occupant nazi. Une imprimerie clandestine s’installe dans le grenier. Des tracts sont fabriqués puis diffusés à Lorient, Keryado, Lanester et Hennebont, mais aussi dans les régions du Faouët, Quimperlé, Gourin, Guémené-sur-Scorff et Bubry.

C’est à Bubry et Quistinic, situés en zone rurale et à 37 km de Lorient, qu’en juin 1942, Émile Le Carrer dit « Max », âgé de 20 ans, s’emploie à organiser un groupe d’action. Auparavant formé à Quimperlé, il réalisait plusieurs coups d’éclats, comme le dépôt d’une bombe devant la Kommandantur de Quimper.

À l’automne 1942, sous l’impulsion de René Jehanno, d’Émile Le Carrer et de Le Du, le groupe Vaillant-Couturier des FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français) voit le jour à Bubry. La plupart du temps, les FTPF se constituent en petits groupes, portés par des initiatives locales soit sur la base de l’ancienne OS (Organisation Secrète) ou par des initiatives de militant·es communistes. Les groupes FTPF sont composés d’une dizaine d’individu·es dont un chef de groupe et son adjoint (ou chef de demi-groupe).

Formé à la clandestinité au printemps 1943 dans le maquis de Bochelin Vihan, Vaillant-Couturier multiplie les actions, épaulé quelques mois plus tard par le groupe FTPF Corentin Cariou de Quistinic. Parmi ses groupes, on retrouve Yvonne Nicolas, qui deviendra plus tard une brillante agente de liaison pour la Résistance. Une vingtaine de déraillements de convois nazis sont constatés à l’été 1943. Les destructions de lignes électriques et téléphoniques, l’auto-réduction de matériel, de tickets d’alimentation et de tabac s’étendent.

Les groupes accueillent également des jeunes refusant le Service du Travail Obligatoire (STO). Institué le 4 septembre 1942 par le gouvernement vichyste, le STO doit répondre aux exigences nazies de main d’oeuvre. On estime qu’un total de 600 000 à 650 000 travailleurs français sont acheminés vers l’Allemagne entre juin 1942 et juillet 1944.

Le 30 novembre 1943, le groupe Vaillant-Couturier attaque la gendarmerie de Guémené-sur-Scorff en représaille après le tir d’un coup de feu par un gendarme collabo sur Émile Le Carrer. Un soldat nazi est tué. Les actions se durcissent.

Pourchassé par l’Allemagne nazie et dénoncé par un paysan de Malguénac, huit jeunes résistants sont arrêtés par la gendarmerie de Pontivy en décembre 1943. 

Stationnés dans la ruine de Barrac’h à Malguénac, Raymond Guillemot, Joseph Le Mouël, André Le Mouël, Jean Mahé, Ferdinand Malardé, Jean Robic, tous originaires de Bubry, ainsi qu’André Le Garrec et André Cojan sont livrés aux allemands nazis. Un résistant parvient à s’enfuir, tandis que deux autres sont déportés.

Les cinq autres, Mahé, Robic, Malardé, J.Le Mouël et Guillemot, sont exécutés pour actes de sabotage sur les voies ferrées (7 déraillements au total), le 25 février 1944, dans la prison de Vannes, place Nazareth.

Raymond Guillemot, qui a vécu à Lanester, est fusillé à 10h13 avec son camarade Ferdinand Malardé. Ils ont tous entre 19 et 24 ans.

Dans leurs lettres d’adieu, ils expriment « leur aspiration au bonheur pour ceux qui vont survivre ». Même face au peloton d’exécution, ils ne baisseront jamais la tête. Dans un extrait, Raymond Guillemot note : « Je m’en vais le cœur calme avec la satisfaction d’avoir fait mon devoir ».

Le 7 février 1944, une rafle est organisée dans la région de Bubry, Baud, Camors et Quistinic par les rats nationalistes de la Bezen Perrot (créée par Célestin Lainé et intégrée dans les SS) et de Vissault de Coëtlogon ainsi que par des feldgendarmes nazis. Dix-sept résistants et civil·es sont arrêté·es durant l’opération.

Interrogé·es dans l’école de Baud, puis transféré·es à Rennes, iels sont déporté·es en Allemagne. Quatre personnes meurent en déportation.

Si sur le terrain, c’est un coup dur, les actions vont se déplacer à Quistinic, avec le groupe Corentin Cariou, dirigé par les frères Gan de Kéramour, début 1944. Les échanges entre les résistants de Bubry et de Quistinic se centralisent alors au niveau du bois de Kerdinam.

Le 15 avril 1944, le groupe FTPF Corentin Cariou attaque un poste d’observation anti-aérien allemand installé au village de Loge-Picot à Quistinic dans le but de recevoir des parachutages d’armes. Deux nazis, dont un maréchal des logis-chef et un caporal-chef, sont tués au cours de cette attaque qui sera suivi de terribles représailles.

Le 17 avril 1944, Joseph Perron est arrêté et torturé avant d’être transféré au Fort de Penthièvre, où il décède des suites des sévices subis. Le 18 avril 1944, Marcel Le Teuff est abattu lâchement par une rafale de mitraillette dans la prairie de Ty-Parez à Quistinic.

Le 21 avril, trois FTPF de Corentin Cariou, Émilien Gahinet, Henri Guillo et Louis Le Ruyet sont exécutés dans une cache d’armes située dans le bois de Kerdinam.

Leurs corps sont retrouvés le 23 avril 1944 dans une fosse appelée depuis le « trou des martyrs ».

Arrêté également le 21 avril, Raymond Péresse est torturé à Locminé, où il décède le lendemain. Le 22 avril, une cinquantaine d’habitants de Quistinic sont raflés puis envoyés en Allemagne sous la contrainte. Le 1er mai, Mathurin Guégan est tué à son tour à Quistinic.

Aux 27 résistantes quistinicois·es et aux tant d’autres, décédé·es en martyr·es, ne nous vous oublions pas !

Une fois de plus, malgré les pertes, les résistant·es vont faire preuve d’abnégation. Iels continuent le combat pour harceler l’occupant nazi, en perturbant et ralentissant les possibles renforts de troupes en route vers la Normandie.En août 1944, les résistant·es locaux sont incorporé·es aux FFI (Forces Françaises de l’Intérieur). 

Iels ont alors la mission de stabiliser le front et de participer à la libération de la Poche de Lorient.

CHRONIQUE SUR LA RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

2# DES BALBUTIEMENTS ET INITIATIVES AUX PREMIERS NOYAUX ORGANISÉS DE RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

Du 17 au 25 juin 1940, l’Allemagne nazie envahit la Bretagne sans trop de difficultés. À cette époque, une partie de la région qui vote à droite fait-elle confiance au régime de Vichy ? Toujours est-il que dès l’été 1940, des hommes et des femmes, la plupart anonymes, se mettent en mouvement face à l’occupant nazi et ses allié·es.

Au début de l’occupation, de petits groupes se forment pour d’abord aidé des prisonnier·ères ou des blessé·es à l’hôpital à s’évader en leur fournissant des vêtements civils, faux papiers et planques. Par la suite, des filières de passage en zone sud, avec des relais amis se mettent en place. Ces initiatives sont les premières d’une longue série.

Du côté anglais, on se mobilise également. Pour des raisons géographiques et militaires, les côtes bretonnes détiennent une place importante dans les activités du renseignement britannique. Il comprend d’embléel’utilité des bateaux et des équipages de pêcheurs bretons. Entre fin 1940 et début 1941, des liaisons sont établies entre Penzance et la Bretagne.

Quelques dizaines de breton·nes accueillent ou relayent des agents envoyés sur place au péril de leur vie. Au cours des premières années de l’occupation, la Bretagne paye un lourd tribut. 

Plus localement, parfois, des hommes seuls occupent des positions stratégiques dans le renseignement et notamment à la base sous-marine de Lorient.

Les premiers sabotages et attentats face à l’ennemi nazi naissent dès septembre 1940. Le 17 septembre, Marcel Brossier est le premier breton fusillé pour sabotage de « câbles téléphoniques ». Les coupures électriques, premiers types de sabotages, sont plus facilement réalisables, si bien que 18 sabotages ont lieu entre l’été 1940 et fin juin 1941 dans le Morbihan.

Les premiers attentats contre l’occupant sont perpétrés. Fin 1940, trois soldats nazis sont tués à Lorient. Des incendies s’allument un peu partout dans le département où un train nazi déraille à Quiberon le 10 janvier 1941. De nombreuses formes de résistance se mettent en place. 

À Lorient, des manifestations publiques se produisent au printemps 1941, à la suite d’initiatives locales.

Le 20 mai, une diffusion de tracts (surtout à l’arsenal) provoque une manifestation contre le collabo Pétain. 3 000 personnes défient les barrages collaborationnistes et nazis. 

La répression qui s’abat sur tous·tes celleux qui s’opposent publiquement à l’occupation va renforcer les actions directes. Rixes et bagarres avec des occupants éclatent fréquemment. Les premiers fusillés le sont à la suite de ces accrochages. Le 22 mai 1941, un jeune pêcheur de Plouhinec, Louis Larboulette, est fusillé à Vannes pour avoir porté un coup de baïonnette à un soldat nazi.

Les contours de la Résistance se dessinent autour du renseignement, d’initiatives locales et des premiers attentats ou sabotages. En Bretagne et à Lorient en ce qui nous concerne plus particulièrement, un point important va faire basculer la Résistance dans les premiers noyaux structurés. Un tournant majeur s’opère le lundi 20 octobre 1941 à Nantes.

Il est 7h45, lorsque qu’un commando composé de trois résistants communistes, Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et Spartaco Guisco, abattent le chef de la Kommandantur nantaise, Karl Hotz.

Informé de l’attentat, Hitler exige des représailles immédiates et l’exécution de 100 à 150 otages. Le gouvernement collaborationniste de Vichy est mis à contribution pour fournir une liste d’otages. Il donne les noms de 27 responsables syndicaux et militants communistes qui sont fusillés.

Les nazis actent également l’exécution de 16 otages détenus à Nantes. Ce sont des anciens combattants, des jeunes membres de réseaux de résistance, des communistes ou d’anciens membres des Brigades Internationales. Ils sont fusillés par petits groupes sur le champ de tir du Bêle. Enfin, cinq autres résistants nantais emprisonnés au fort de Romainville près de Paris sont fusillés au Mont-Valérien. Nous ne les oublions pas !

La fusillade des 50 otages (en réalité 48) provoque un choc dans l’opinion. C’est un tournant très défavorable pour les vichystes et leurs soutiens.

Le Parti Communiste français est à cette époque le seul parti politique à s’être réorganiser clandestinement.

En Bretagne-Sud, si l’arrestation du responsable régional Alain Le Lay, met à mal le PC français en novembre 1941, la Résistance communiste connaît un certain essor en 1942. A la fin du mois de février 1942, plus d’une vingtaine de groupes d’action sont constitués. Ils ont pour responsables de jeunes lorientais, de syndicalistes chevronnés comme, et de républicains espagnols. En mars 1942, des triangles urbains sont lancés dans le pays lorientais. 

A l’origine de ses triangles, on retrouve, Albert Le Bail et Jean-Louis Primas, tous deux lanestériens. Ils sont épaulés par le responsable des communistes espagnols, Ramо́n Garrido Vidal. Ensemble, ils disposent d’une trentaine de membres actifs dans plusieurs triangles du pays lorientais.

Appelés « Troïka » par les nazis, les triangles possèdent une seconde structure pour les actions plus offensives. 

Des groupes d’action immédiate se constituent. Le pays lorientais devient le théâtre d’une véritable guérilla urbaine. Le harcèlement dure toute l’année 1942, mais il est particulièrement réussi entre mars-septembre 1942, et ce, malgré l’arrestation d’Albert Le Bail le 13 juillet 1942. De nombreux attentats obtiennent des résultats significatifs.

Couplés à la propagande opérée par la distribution de tracts, les triangles procèdent à des incendies, à des attentats contre des établissements fréquentés par les allemands, ou à des dynamitages de lignes électriques. Outre l’intérêt d’aguerrir les membres de l’organisation, ces actions prouvent aux habitantes l’existence d’une Résistance active. Le pays lorientais constitue en ce sens une excellente caisse de résonance régionale.

En avril 1942, en Finistère-sud, c’est à nouveau le principe des triangles qui est retenu par Jean-Louis Primas. Accompagnés par Eugène Le Bris et Georges Abalain, ils s’emparent de plusieurs dizaines de kilos d’explosifs à la firme Heller près de Quimperlé.

Comment un triangle fonctionne-t-il ? Le chef du triangle conduit l’action principale en bénéficiant de l’appui direct de l’un de ses camarades placé en position dite de « première protection ». La couverture, « deuxième protection », protège le dispositif principal en assurant le guet ou la défense armée lorsque cela est nécessaire.

Les autorités vichystes ainsi que les Allemands prennent toute la mesure du danger représenté par ce harcèlement urbain. Dans une ville clé du dispositif stratégique nazi, l’organisation communiste doit être neutralisée. En juillet 1942 puis en janvier 1943, les fondateurs de ces triangles sont arrêtés. Albert Le Bail décède en déportation et Primas est fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 avec plus d’une quinzaine d’autres résistants communistes.

« Ils sont tombés en chantant, et en se tenant par la main »