LES FEMMES DANS LA RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

En Bretagne, les résistant·es sont jeunes : 45 % ont moins de 30 ans en Ille-et-Vilaine et 56 % dans le Finistère (15 et 13 % de moins de 20 ans). Si la Résistance se composent majoritairement d’hommes, environ 10 à 15 % de femmes constituent ses effectifs.

Aux balbutiements de la Résistance organisée, elles hébergent, nourrissent, ravitaillent, défient ou transmettent des informations sur les déplacements de l’occupant.

Le 22 juin 1940, l’Allemagne nazie débarque sur l’Île de Groix à Port-Tudy. Elle prend place sur des positions stratégiques comme au Fort du Grognon et de Serville, le phare de Pen Men, les sémaphores, et occupe les écoles pour y installer leurs bureaux militaires. Pour construire de nouvelles fortifications, les nazis en manque de main-d’œuvre, déportent de nombreux prisonniers dès 1941. Beaucoup meurent de faim ou par manque de soin.

C’est dans ce contexte que Francine Puillon, originaire du village de Quéhéllo à Groix, refuse les avances d’un soldat nazi ivre en 1942.

Elle est abattue d’une rafale de mitraillette tirée à bout portant. En défiant l’occupant et face à l’oppression, Francine fera preuve de résistance. Nous ne l’oublions pas.

Sur le continent, à Bubry, situé à 30 km de Lorient, la famille d’Yvonne Nicolas tient une boulangerie dans le bourg, et possède un téléphone permettant d’avertir sur les mouvements allemands.

La jeune femme entre en résistance spontanément.

Elle nourrit et héberge, avec sa famille, des ouvriers réfractaires au STO (Service du Travail Obligatoire). En 1943, Yvonne rejoint le groupe FTPF Vaillant-Couturier avec lequel elle apprend à faire dérailler les trains.

La jeune bubryate devient agente de liaison pour les chefs du groupe, René Jehanno et Emile Le Carrer, qui sont en lien avec d’autres groupes FTP. Jehanno trouve Yvonne « remarquable, audacieuse et intrépide » et la recommande.

Elle part dans le nord de l’hexagone pour travailler sous les ordres d’André Duroméa.

Chargée de la lecture et du chiffrage des codes ainsi que leur transmission aux autres agent·es de liaison, notamment au moment du Débarquement en Normandie le 6 juin 1944, elle exécute des missions très dangereuses sans faiblir.

À Hennebont, situé à une dizaine de kilomètres de Lorient, plusieurs femmes participent à la Résistance locale comme Marcelle Guymare, ou luttent pour ses idées comme la militante communiste, Marie Le Fur.

Le réseau Cohors-Asturies s’implante à Hennebont grâce à Pierre Ferrand. Déjà à la tête d’un groupe actif d’une vingtaine de résistant·es, il entre en contact avec Jean Gosset au printemps 1943. En novembre, le groupe forme un maquis à Poulmein près de Baud. Il sabote, détruit, ou vole des explosifs.

Parallèlement, Cohors-Asturies collecte le maximum de renseignements. Le groupe se réunit très souvent dans l’arrière Café du Musée, rue des Douves.

La fille de la patronne, Marcelle Guymare, a 18 ans. Elle parle allemand. Or, c’est ici, dans ce même café, que se donnent rendez-vous les équipages des U-Boote nazis.

Accolé aux remparts de la ville, contre la porte Broërec’h, le lieu rassemble également de nombreux·ses jeunes hennebontais·es.

Les conversations vont bon train et elle n’en perd pas une miette. Avec Marcelle, le réseau Cohors-Asturies enregistre les mouvements des U-Boote et des soldats dans la rade de Lorient. L’arrière-salle du café sert de laboratoire pour préparer les sabotages de voies ferrées. On y met au point les engins explosifs, sous la direction de Ferrand et de Jean Gosset.

Par la suite, Marcelle devient agente de liaison, parcourt les routes du Morbihan à bicyclette pour transmettre des messages et des documents, ou pour transporter des armes.

C’est aussi elle qui est envoyée à Paris pour tenter de récupérer des documents que les résistant·es pensaient perdu·es par une camarade morbihannaise.

A Lorient, l’anarcho-syndicaliste et féministe de la CNT espagnole, Casilda Hernaez Vargas, qui a suivi son compagnon, Félix Likiniano, héberge les premiers saboteurs du pays lorientais dans son « Consulat Basque », situé dans le quartier Frébault à Lorient en 1943. Dans la clandestinité, elle va jouer sa vie pour la Résistance lorientaise. Considérée comme une « Rotspanier » (espagnole rouge par l’occupant nazi), nous serons à jamais reconnaissant·es envers Casilda !

Casilda décède d’une longue maladie, le 1er septembre 1992, à Lapurdi au Pays Basque.

Un an plus tard, en 1944, la pression sur l’Allemagne nazie s’accentue. L’occupant est préoccupé par le Débarquement, les différentes poches bretonnes, et le manque de ravitaillement. C’est à ce moment que la Résistance groisillonne s’organise et se développe. Une autre Marie Le Fur née Stéphant, jeune femme et mère de six enfants, trafique photos et cartes d’identité. Elle permet à 180 prisonniers de s’échapper par bateau du bagne groisillon.

Un jour, le coup ne marche pas. Condamnée à 12 mois de prison à Vannes, elle s’échappe au bout de trois semaines et rejoint Guémené-sur-Scorff avant de prendre la route de Pontivy sans argent ni ressource. Elle y retrouve ses six enfants.

Si l’Allemagne nazie se retrouve de plus en plus acculée, elle continue ses harcèlements et ses excutions comme dans le village de Keryacunff à Bubry. À l’aube du 26 juillet 1944, à la suite d’une dénonciation, des unités nazies renforcées par des rats et miliciens nazis bretons dont plusieurs sont originaires de Bubry, encerclent un groupe de résistantes.

Émile Le Carrer dit « Max », et Georges Marca, réussissent à décrocher, mais sont arrêtés à Guern le même jour et conduits à Locminé, où ils sont torturés.

Six autres résistant·es, sont fait·es prisonnier·ères et exécuté·es au lieu-dit Prat-er-Lann, après avoir combattu avec acharnement sans parvenir à se dégager.

Parmi elleux, quatre femmes sont fusillées, voici leurs prénoms, noms, et surnoms : Marie Gourlay dite « Dédée », Anne Robic dite « Nénette », Anne Mathel dite « Jeanne » et Joséphine Kervinio dite « Martine ».

Lorsqu’elles tombent sous la mitraille nazie, elles ont entre 17 et 23 ans pour la plus âgée. À la mémoire des FTP massacrées par l’occupant, nous ne les oublions pas !

Dans le Morbihan, les combats font rage. Le 27 octobre 1944, Joséphine Le Manach née Tilly dite « Fifine », engagée dans la Résistance très tôt. chargée d’un maquis à Largouat et Saint-Efoi, elle devient agente de liaison pour la compagnie FTPF « La Marseillaise ». Fifine a ensuite la responsabilité des postes de secours sur le front de l’Atlantique.

Présente pendant les combats les plus meurtriers de la Poche de Lorient, la jeune infirmière de 23 ans participe à l’évacuation des blessés, au sein du 15e bataillon des FFI commandées par Léon Razurel. Son action sauvera de nombreux·ses partisan·es.

Si la répartition des tâches sont la plupart du temps patriarcales, les femmes jouent un rôle central dans la Résistance. Moins suspectes aux yeux de l’occupant nazi et de la police collaborationniste française, les résistantes paient cependant un lourd tribut : environ 9 000 sont déportées dans des camps de concentration dont la moitié ne reviendra pas.

Dans le pays Lorientais, dans le Morbihan, et comme partout, elles sont un rouage essentiel pour la libération de l’hexagone.

Les femmes agissent dans la clandestinité, du ravitaillement au sabotage, en passant par la transmission d’informations à l’hébergement, les femmes mettent en péril leurs vies sans ne jamais rien céder aux tortures de l’Allemagne nazie.

À travers ces bribes de vies et ces parcours semés d’embûches face à l’occupant, elles ont participé activement à la Résistance alors même qu’elles n’étaient pas encore considérées comme des citoyennes. Leurs parcours représentent l’espoir vis à vis des différentes oppressions qu’elles subissent toujours aujourd’hui !