CHRONIQUE SUR LA RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

3 # LES GROUPES FTPF VAILLANT-COUTURIER ET CORENTIN CARIOU ANIMENT LE PAYS DE BUBRY

On l’a vu, dès 1941 voir avant, les contours de la Résistance se dessinent autour du renseignement, d’initiatives locales et des premiers attentats ou sabotages.

Au cours de l’année 1941, un groupe de jeunes combattants se constitue à Lorient sous la houlette de Joseph Le Nadan. Pierre Theuillon, un de ses camarades, réussit à louer une pièce dans une maison de la rue Edgar Quinet, au nez et à la barbe de l’occupant nazi. Une imprimerie clandestine s’installe dans le grenier. Des tracts sont fabriqués puis diffusés à Lorient, Keryado, Lanester et Hennebont, mais aussi dans les régions du Faouët, Quimperlé, Gourin, Guémené-sur-Scorff et Bubry.

C’est à Bubry et Quistinic, situés en zone rurale et à 37 km de Lorient, qu’en juin 1942, Émile Le Carrer dit « Max », âgé de 20 ans, s’emploie à organiser un groupe d’action. Auparavant formé à Quimperlé, il réalisait plusieurs coups d’éclats, comme le dépôt d’une bombe devant la Kommandantur de Quimper.

À l’automne 1942, sous l’impulsion de René Jehanno, d’Émile Le Carrer et de Le Du, le groupe Vaillant-Couturier des FTPF (Francs-Tireurs et Partisans Français) voit le jour à Bubry. La plupart du temps, les FTPF se constituent en petits groupes, portés par des initiatives locales soit sur la base de l’ancienne OS (Organisation Secrète) ou par des initiatives de militant·es communistes. Les groupes FTPF sont composés d’une dizaine d’individu·es dont un chef de groupe et son adjoint (ou chef de demi-groupe).

Formé à la clandestinité au printemps 1943 dans le maquis de Bochelin Vihan, Vaillant-Couturier multiplie les actions, épaulé quelques mois plus tard par le groupe FTPF Corentin Cariou de Quistinic. Parmi ses groupes, on retrouve Yvonne Nicolas, qui deviendra plus tard une brillante agente de liaison pour la Résistance. Une vingtaine de déraillements de convois nazis sont constatés à l’été 1943. Les destructions de lignes électriques et téléphoniques, l’auto-réduction de matériel, de tickets d’alimentation et de tabac s’étendent.

Les groupes accueillent également des jeunes refusant le Service du Travail Obligatoire (STO). Institué le 4 septembre 1942 par le gouvernement vichyste, le STO doit répondre aux exigences nazies de main d’oeuvre. On estime qu’un total de 600 000 à 650 000 travailleurs français sont acheminés vers l’Allemagne entre juin 1942 et juillet 1944.

Le 30 novembre 1943, le groupe Vaillant-Couturier attaque la gendarmerie de Guémené-sur-Scorff en représaille après le tir d’un coup de feu par un gendarme collabo sur Émile Le Carrer. Un soldat nazi est tué. Les actions se durcissent.

Pourchassé par l’Allemagne nazie et dénoncé par un paysan de Malguénac, huit jeunes résistants sont arrêtés par la gendarmerie de Pontivy en décembre 1943. 

Stationnés dans la ruine de Barrac’h à Malguénac, Raymond Guillemot, Joseph Le Mouël, André Le Mouël, Jean Mahé, Ferdinand Malardé, Jean Robic, tous originaires de Bubry, ainsi qu’André Le Garrec et André Cojan sont livrés aux allemands nazis. Un résistant parvient à s’enfuir, tandis que deux autres sont déportés.

Les cinq autres, Mahé, Robic, Malardé, J.Le Mouël et Guillemot, sont exécutés pour actes de sabotage sur les voies ferrées (7 déraillements au total), le 25 février 1944, dans la prison de Vannes, place Nazareth.

Raymond Guillemot, qui a vécu à Lanester, est fusillé à 10h13 avec son camarade Ferdinand Malardé. Ils ont tous entre 19 et 24 ans.

Dans leurs lettres d’adieu, ils expriment « leur aspiration au bonheur pour ceux qui vont survivre ». Même face au peloton d’exécution, ils ne baisseront jamais la tête. Dans un extrait, Raymond Guillemot note : « Je m’en vais le cœur calme avec la satisfaction d’avoir fait mon devoir ».

Le 7 février 1944, une rafle est organisée dans la région de Bubry, Baud, Camors et Quistinic par les rats nationalistes de la Bezen Perrot (créée par Célestin Lainé et intégrée dans les SS) et de Vissault de Coëtlogon ainsi que par des feldgendarmes nazis. Dix-sept résistants et civil·es sont arrêté·es durant l’opération.

Interrogé·es dans l’école de Baud, puis transféré·es à Rennes, iels sont déporté·es en Allemagne. Quatre personnes meurent en déportation.

Si sur le terrain, c’est un coup dur, les actions vont se déplacer à Quistinic, avec le groupe Corentin Cariou, dirigé par les frères Gan de Kéramour, début 1944. Les échanges entre les résistants de Bubry et de Quistinic se centralisent alors au niveau du bois de Kerdinam.

Le 15 avril 1944, le groupe FTPF Corentin Cariou attaque un poste d’observation anti-aérien allemand installé au village de Loge-Picot à Quistinic dans le but de recevoir des parachutages d’armes. Deux nazis, dont un maréchal des logis-chef et un caporal-chef, sont tués au cours de cette attaque qui sera suivi de terribles représailles.

Le 17 avril 1944, Joseph Perron est arrêté et torturé avant d’être transféré au Fort de Penthièvre, où il décède des suites des sévices subis. Le 18 avril 1944, Marcel Le Teuff est abattu lâchement par une rafale de mitraillette dans la prairie de Ty-Parez à Quistinic.

Le 21 avril, trois FTPF de Corentin Cariou, Émilien Gahinet, Henri Guillo et Louis Le Ruyet sont exécutés dans une cache d’armes située dans le bois de Kerdinam.

Leurs corps sont retrouvés le 23 avril 1944 dans une fosse appelée depuis le « trou des martyrs ».

Arrêté également le 21 avril, Raymond Péresse est torturé à Locminé, où il décède le lendemain. Le 22 avril, une cinquantaine d’habitants de Quistinic sont raflés puis envoyés en Allemagne sous la contrainte. Le 1er mai, Mathurin Guégan est tué à son tour à Quistinic.

Aux 27 résistantes quistinicois·es et aux tant d’autres, décédé·es en martyr·es, ne nous vous oublions pas !

Une fois de plus, malgré les pertes, les résistant·es vont faire preuve d’abnégation. Iels continuent le combat pour harceler l’occupant nazi, en perturbant et ralentissant les possibles renforts de troupes en route vers la Normandie.En août 1944, les résistant·es locaux sont incorporé·es aux FFI (Forces Françaises de l’Intérieur). 

Iels ont alors la mission de stabiliser le front et de participer à la libération de la Poche de Lorient.

UN GROUPE FASCISTE TENTE DE S’IMPLANTER À LORIENT : QUI EST AN TOUR-TAN ?

An Tour-Tan (ATT) ou appelé « le phare » en breton est un groupe fasciste implanté à Vannes depuis novembre 2022, et qui cherche maintenant à ouvrir une section lorientaise.

Son programme politique s’inspire très largement de celui de l’Adsav, un parti nationaliste et indépendantiste régional, d’extrême droite et actif jusqu’en 2016. Le groupuscule sous couvert de défense identitaire et culturelle bretonne, et qui se revendique comme un « mouvement de jeunesse des identitaires vannetais », veut s’implanter dans le pays lorientais.

Une soirée de lancement est prévue, le vendredi 25 avril à partir de 19h30, dans la ville de Lorient. ATT cherche à diffuser son idéologie d’extrême droite et nationaliste-révolutionnaire, alternant sessions de collages ou de stickages, conférences ou même soirées festives.

Mais sous un vernis d’apparence impassible, se cache une réalité bien différente.

Dans une enquête réalisée par Mediapart et publiée début janvier 2024, le groupuscule « brandit la culture régionale pour mieux diffuser son néonazisme ».

En août 2023, ATT qualifie Marc Augier, Yann Fouéré et Olier Mordrel de « piliers idéologiques ». Ses trois militants nationalistes se sont engagés dans la collaboration avec l’Allemagne nazie au cours de la Seconde Guerre mondiale.

Un des principaux membres du groupuscule ne cache pas non plus leur fascination pour le IIIe Reich. Dans un tweet de juin 2022, il explique avoir « environ 50 kilos de livres d’histoire sur la collaboration, le fascisme, le national-socialisme, néonational-socialisme ».

À quelques jours de la création d’ATT, il écrit que la « croix gé-ma » (gammée en verlan) est « vraiment le plus beau symbole du monde ».

Il est loin d’être le seul cas. Un autre membre se prend en photo avec un ouvrage consacré à la Division Charlemagne, l’unité composée de volontaires français de la Waffen-SS.

Les deux individus sont proches de Boris Le Lay, nationaliste breton néonazi et antisémite, visé par une notice rouge d’Interpol. Ajoutons à cela que d’autres militants toujours sous pseudo, ne cachent pas leur xénophobie et leur racisme sur X.

Plusieurs des membres d’ATT, identifiés, sont passés par des partis politiques. C’est le cas d’un individu, ancien militant à l’UDB (Union Démocratique Bretonne), positionné à gauche, ou bien d’autres amorçant leur militantisme au sein de formations d’extrêmes droites : RN, Re-conquête ou PNB (Parti Nénonazi Breton).

Présents à la manifestation du C9M (Comité pour le 9 Mai) à Paris, un défilé organisé pour rendre hommage à un militant néo-nazi décédé en 1994, ATT multiplie ses liens avec différents groupuscules ou partis d’extrême droite hexagonaaux et internationaux.

Un membre du « phare » assurait d’après Mediapart d’avoir participé à une action avec L’Oriflamme (groupuscule rennais) et interrompu un atelier sur l’égalité des genres destinés aux enfants, en Ille-et-Vilaine en 2023.

Le 30 mars 2024, ATT est présent à Pontivy (50 km au nord de Vannes) pour s’assurer de la bonne tenue du meeting de Sébastien Chenu, député RN. Une dizaine de leurs partisans font face au contre-rassemblement antifasciste et provoque celui-ci.

Quelques jours après, Blast publie une photo et explique dans un article ce qui suit : « Parmi eux des antifas disent avoir reconnu l’un des hommes présents à Saint-Brieuc lors de l’attaque du festival pour une Bretagne solidaire et ouverte le 1er juillet dernier ».

En juillet 2023, plusieurs militants antifascistes reconnaissent deux partisans d’ATT prenant part à cette attaque. Ils passeront entre les mailles du filet et ne seront jamais inquiétés par les autorités françaises.

Aussi actifs lors des manifestations à Callac contre un CADA, et à Saint-Brévin, où la maison du maire avait été incendiée, les membres d’An Tour-Tan sont partisans d’une société réactionnaire et violente. Ils oeuvrent pour mettre un projet fasciste, le tout en ayant utilisé les locaux vannetais de Re-conquête ou en appuyant les hommages au borgne, J-M. Le Pen.

En Europe, le groupuscule tisse des liens en Autriche, comme le 20 juillet 2024, pour une manifestation pour la rémigration (comprenez pour la déportation des populations non-blanches hors de l’Europe), en Flandres avec d’autres groupes nationalistes et autonomistes, ou en Irlande du Nord comme le rappelle la récente enquête d’un collectif antifasciste irlandais.

Ne laissons pas s’implanter An Tour-Tan, ni à Lorient et ni ailleurs !

Pour aller plus loin, voici quelques articles sur ses nervis :

BlastMediapart France 3 Bretagne

CHRONIQUE SUR LA RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

2# DES BALBUTIEMENTS ET INITIATIVES AUX PREMIERS NOYAUX ORGANISÉS DE RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

Du 17 au 25 juin 1940, l’Allemagne nazie envahit la Bretagne sans trop de difficultés. À cette époque, une partie de la région qui vote à droite fait-elle confiance au régime de Vichy ? Toujours est-il que dès l’été 1940, des hommes et des femmes, la plupart anonymes, se mettent en mouvement face à l’occupant nazi et ses allié·es.

Au début de l’occupation, de petits groupes se forment pour d’abord aidé des prisonnier·ères ou des blessé·es à l’hôpital à s’évader en leur fournissant des vêtements civils, faux papiers et planques. Par la suite, des filières de passage en zone sud, avec des relais amis se mettent en place. Ces initiatives sont les premières d’une longue série.

Du côté anglais, on se mobilise également. Pour des raisons géographiques et militaires, les côtes bretonnes détiennent une place importante dans les activités du renseignement britannique. Il comprend d’embléel’utilité des bateaux et des équipages de pêcheurs bretons. Entre fin 1940 et début 1941, des liaisons sont établies entre Penzance et la Bretagne.

Quelques dizaines de breton·nes accueillent ou relayent des agents envoyés sur place au péril de leur vie. Au cours des premières années de l’occupation, la Bretagne paye un lourd tribut. 

Plus localement, parfois, des hommes seuls occupent des positions stratégiques dans le renseignement et notamment à la base sous-marine de Lorient.

Les premiers sabotages et attentats face à l’ennemi nazi naissent dès septembre 1940. Le 17 septembre, Marcel Brossier est le premier breton fusillé pour sabotage de « câbles téléphoniques ». Les coupures électriques, premiers types de sabotages, sont plus facilement réalisables, si bien que 18 sabotages ont lieu entre l’été 1940 et fin juin 1941 dans le Morbihan.

Les premiers attentats contre l’occupant sont perpétrés. Fin 1940, trois soldats nazis sont tués à Lorient. Des incendies s’allument un peu partout dans le département où un train nazi déraille à Quiberon le 10 janvier 1941. De nombreuses formes de résistance se mettent en place. 

À Lorient, des manifestations publiques se produisent au printemps 1941, à la suite d’initiatives locales.

Le 20 mai, une diffusion de tracts (surtout à l’arsenal) provoque une manifestation contre le collabo Pétain. 3 000 personnes défient les barrages collaborationnistes et nazis. 

La répression qui s’abat sur tous·tes celleux qui s’opposent publiquement à l’occupation va renforcer les actions directes. Rixes et bagarres avec des occupants éclatent fréquemment. Les premiers fusillés le sont à la suite de ces accrochages. Le 22 mai 1941, un jeune pêcheur de Plouhinec, Louis Larboulette, est fusillé à Vannes pour avoir porté un coup de baïonnette à un soldat nazi.

Les contours de la Résistance se dessinent autour du renseignement, d’initiatives locales et des premiers attentats ou sabotages. En Bretagne et à Lorient en ce qui nous concerne plus particulièrement, un point important va faire basculer la Résistance dans les premiers noyaux structurés. Un tournant majeur s’opère le lundi 20 octobre 1941 à Nantes.

Il est 7h45, lorsque qu’un commando composé de trois résistants communistes, Gilbert Brustlein, Marcel Bourdarias et Spartaco Guisco, abattent le chef de la Kommandantur nantaise, Karl Hotz.

Informé de l’attentat, Hitler exige des représailles immédiates et l’exécution de 100 à 150 otages. Le gouvernement collaborationniste de Vichy est mis à contribution pour fournir une liste d’otages. Il donne les noms de 27 responsables syndicaux et militants communistes qui sont fusillés.

Les nazis actent également l’exécution de 16 otages détenus à Nantes. Ce sont des anciens combattants, des jeunes membres de réseaux de résistance, des communistes ou d’anciens membres des Brigades Internationales. Ils sont fusillés par petits groupes sur le champ de tir du Bêle. Enfin, cinq autres résistants nantais emprisonnés au fort de Romainville près de Paris sont fusillés au Mont-Valérien. Nous ne les oublions pas !

La fusillade des 50 otages (en réalité 48) provoque un choc dans l’opinion. C’est un tournant très défavorable pour les vichystes et leurs soutiens.

Le Parti Communiste français est à cette époque le seul parti politique à s’être réorganiser clandestinement.

En Bretagne-Sud, si l’arrestation du responsable régional Alain Le Lay, met à mal le PC français en novembre 1941, la Résistance communiste connaît un certain essor en 1942. A la fin du mois de février 1942, plus d’une vingtaine de groupes d’action sont constitués. Ils ont pour responsables de jeunes lorientais, de syndicalistes chevronnés comme, et de républicains espagnols. En mars 1942, des triangles urbains sont lancés dans le pays lorientais. 

A l’origine de ses triangles, on retrouve, Albert Le Bail et Jean-Louis Primas, tous deux lanestériens. Ils sont épaulés par le responsable des communistes espagnols, Ramо́n Garrido Vidal. Ensemble, ils disposent d’une trentaine de membres actifs dans plusieurs triangles du pays lorientais.

Appelés « Troïka » par les nazis, les triangles possèdent une seconde structure pour les actions plus offensives. 

Des groupes d’action immédiate se constituent. Le pays lorientais devient le théâtre d’une véritable guérilla urbaine. Le harcèlement dure toute l’année 1942, mais il est particulièrement réussi entre mars-septembre 1942, et ce, malgré l’arrestation d’Albert Le Bail le 13 juillet 1942. De nombreux attentats obtiennent des résultats significatifs.

Couplés à la propagande opérée par la distribution de tracts, les triangles procèdent à des incendies, à des attentats contre des établissements fréquentés par les allemands, ou à des dynamitages de lignes électriques. Outre l’intérêt d’aguerrir les membres de l’organisation, ces actions prouvent aux habitantes l’existence d’une Résistance active. Le pays lorientais constitue en ce sens une excellente caisse de résonance régionale.

En avril 1942, en Finistère-sud, c’est à nouveau le principe des triangles qui est retenu par Jean-Louis Primas. Accompagnés par Eugène Le Bris et Georges Abalain, ils s’emparent de plusieurs dizaines de kilos d’explosifs à la firme Heller près de Quimperlé.

Comment un triangle fonctionne-t-il ? Le chef du triangle conduit l’action principale en bénéficiant de l’appui direct de l’un de ses camarades placé en position dite de « première protection ». La couverture, « deuxième protection », protège le dispositif principal en assurant le guet ou la défense armée lorsque cela est nécessaire.

Les autorités vichystes ainsi que les Allemands prennent toute la mesure du danger représenté par ce harcèlement urbain. Dans une ville clé du dispositif stratégique nazi, l’organisation communiste doit être neutralisée. En juillet 1942 puis en janvier 1943, les fondateurs de ces triangles sont arrêtés. Albert Le Bail décède en déportation et Primas est fusillé au Mont-Valérien le 17 septembre 1943 avec plus d’une quinzaine d’autres résistants communistes.

« Ils sont tombés en chantant, et en se tenant par la main »

CHRONIQUE SUR LA RÉSISTANCE EN PAYS LORIENTAIS

1# LA RETIRADA ESPAGNOLE

Le 26 janvier 1939, Barcelone, dernier bastion républicain, tombe aux mains des franquistes, aidés par les nazis allemands et les fascistes italiens. La chute de Barcelone entraîne avec elle un exode massif de centaines de milliers de combattant·es républicain·es et autant ou presque de civil·es vers la frontière française en janvier et février 1939. Prises sous le feu, les bombardements, et les mitraillages de l’aviation franquiste, iels transitent via les Pyrénées par les cols du Perthus et des Balistres principalement. Ce repli, qui est la quatrième vague de la « Retirada » (la retraite), est de loin la plus importante : 500 000 réfugié·es, dont 300 000 milicien·nes.

La frontière est ouverte pour les civil·es, mais les combattants et hommes en âge de porter une arme sont cantonnés aux portes de la France.

Sous la pression diplomatique internationale, elles s’ouvrent le 5 février 1939. Désarmés à leur arrivée en France, ils sont escortés vers des camps improvisés sur les bords du Roussillon : Argelès-sur-Mer, Barcarès, et Collioure. 

Parmi eux, on retrouve Ramón Garrido Vidal, militant du Parti Communiste espagnol (PCE), qui va jouer un rôle majeur dans les premiers noyaux organisés de la Résistance lorientaise.

Ramón est retenu prisonnier entre les camps de concentration d’Argelès-sur-Mer et de Barcarès.

Théorisés un avant, en 1938, par le gouvernement Daladier, les camps de concencentration sont construit quelques jours avant l’arrivée massive et sous-estimée des réfugié·es. Les conditions de vie sont précaires et âpres. Après plusieurs semaines de chaos, les tentes de fortunes plantées dans le sable laissent place aux baraquements construits par les réfugié·es.

Dans les camps, l’isolement, l’humiliation, la terreur du gouvernement Daladier et l’inaction forcée sont leur quotidien. Tout au long de l’année 1939, l’État français encourage les réfugié·es à se faire rapatrier. Harcelé·es par des tournées d’inspection ou des campagnes d’affichage, iels sont contraint·es à quatre choix : le retour en Espagne, un nouvel exil, l’embauche à l’extérieur ou l’engagement militaire.

À partir de mai 1939, le gouvernement Daladier, met en place les Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE). La plupart du temps, les « travailleurs » sont enrôlés de force, mis à disposition des entreprises travaillant pour la défense et en prévision de l’invasion nazie.

Malgré les difficultés, Ramón Garrido Vidal ne va pas oublier ses premiers engagements face au franquisme. Au début de l’année 1940, il devient responsable de plusieurs baraques de prisonniers puis membre de la Commission d’information du camp d’Argelès.

À la suite du lapinage de l’État français en juin 1940, le régime de Vichy qui est traditionaliste, xénophobe et antisémite, prend la succession. Il nomme à sa tête le collabo Philippe Pétain. Les CTE sont transformées en Groupe de Travailleurs Étrangers (GTE). Ce changement dans la loi permet aux collaborationnistes de contrôler et surveiller plus facilement les réfugiés espagnols. Des fiches individuelles sont établies avec la mention « S/zone occupée ». À cette époque, les réfugiés espagnols constituent la très grande majorité des effectifs.

En janvier 1941, la compagnie de Ramón est envoyée à Elne pour combattre les dégâts d’une inondation. Il est responsable d’une dizaine d’autres groupes du coin.

Le 30 juillet 1941, son groupe est livré aux nazis par les gendarmes français qui collaborent avec complaisance. Le transport en zone occupée est assuré par les forces de l’ordre françaises. Avant leur arrivée, les identités sont vérifiées par les services nazis.

Ramón se retrouve en Bretagne, à Brest, où il va travailler de force pour l’Organisation Todt. L’OT est chargée de construire cinq bases pour submersibles, de Brest à La Rochelle. Elle applique les ordres du nazi Karl Dönitz, commandant de la flotte sous-marine et futur successeur annoncé du IIIe Reich après la mort d’Hitler.

À Brest, de nombreux espagnols sont tués. Le militant communiste espagnol devient rapidement le responsable clandestin du camp. Il organise les premiers groupes armés espagnols de Brest et assure la diffusion de tracts dans la population ainsi que parmi les occupants (tracts en langue allemande).

C’est à partir de cette période que le périple breton de Ramón va prendre une nouvelle tournure.

En janvier 1942, la direction du PCE lui ordonne de quitter Brest pour rejoindre Lorient.

Il a pour mission de prendre la responsabilité du travail politique parmi les espagnols, structurer la Résistance locale, le tout en restant responsable de Brest. Ce qu’il fait après plusieurs allers-retours entre Brest et Lorient, sans papier et avec peu d’argent.

Son abnégation va payer et permettre aux premiers noyaux organisés de la Résistance lorientaise de naître. En lien avec Jean-Louis Primas, militant communiste et antifasciste, ancien combattant des brigades internationalistes, il se charge de la formation des groupes de combat et de sabotage du pays lorientais.

Ramón loge au 73, Rue Ratier avec Iñigo Portillo Pastheuros. Au côtés de Juan Sanchez Castillo, Maurice Theuillon, Georges Le Sant, Albert Le Bail, Jean-Louis Primas, Roque Carrion, et bien d’autres, il va combattre l’occupant nazi à Lorient !