AUX ORIGINES DE LA PRIDE : STONEWALL

Le 28 juin 1969, alors qu’un énième raid policier s’organise face au Stonewall Inn, bar new yorkais situé dans le quartier de Greenwich Village, des gays, deslesbiennes, des trans et des drags ripostent face à une nouvelle offensive répressive.

À la fin des années 1960, de nombreux mouvements voient le jour aux États-Unis. Le Black Power s’affirme, la protestation contre la guerre du Vietnam grandit et le mouvement féministe prend de l’ampleur.

Pour autant, l’homosexualité reste un crime. Illégale dans tous les Etats-Unis (à l’exception de l’Illinois), les actes charnels entre adultes de même sexe sont punis deprison. A l’époque, la législation interdit également le
travestissement. A San Francisco, par exemple, il est prohibé jusqu’en 1974.

Sur la côte Est, la ville de New York, en particulier Greenwich Village, est un haut lieu de la vie gay étatsunienne. Le Stonewall Inn, malgré son bar vétuste, tenu par par le mafieux « Fat Tony » et qui n’a guère de considérations pour ses client·es, attire de nombreux·ses personnes queer.

Pour autant, les raids policiers sont fréquents. À chaque fois, ils sont accompagnés de contrôles d’identité et d’humiliations. Les personnes LGTBQ sont profilé·es,violenté·es, harcelé·es, très souvent arrêté·es ou subissent des viols correctifs. Le 28 juin, le bar est bondé. Dehors, comme à l’intérieur, il fait une très grosse chaleur. Mediapart explique que « les Rolling Stones viennent de passer sur le juke-box et des go-go boys en bikini lamé doré dansent sur la piste. Vers 1h20 du matin, six policiers, menés par l’inspecteur adjoint Seymour Pine, toquent à la porte ».

Le Stonewall Inn, Pine veut le fermer depuis longtemps. Il hurle alors « Nous prenons possession du lieu ! ». Les client·es sont contrôlées à tour de rôle. Certain·es s’agacent et refusent de montrer leurs cartes d’identité. D’autres s’inquiètent ou s’indignent.

Ne souhaitant pas se disperser et quitter les lieux, iels attendent celleux qui sont resté·es à l’intérieur. Une foule s’amasse peu à peu et chaque sortie est applaudie. Au fil des minutes, la tension monte, l’irritation se lit sur les visages. Ce 28 juin sera la fois de trop !

Excédé·es par la répression et les provocations policières, les client·es du bar répondent. Une lesbienne butch, frappée par un policier, refuse de se laisser embarquer, se démène et commence à se révolter. De nombreuses
lesbiennes l’imitent. Les premiers projectiles fusent obligeant les policiers à se retrancher dans le bar.

Le Stonewall Inn est pris d’assaut : vitres cassées, porte d’entrée enfoncée. David Carter, auteur de Stonewall : the riots that sparked the gay revolution, explique que ce soir-là, les meneureuses sont les « éléments les plus méprisés et marginaux de la communauté lesbienne, gay, bi et transgenre ».

Parmi elleux, on retrouve Jackie Hormona, Zazu Nova, Marsha P. Johnson, Sylvia Rivera, et bien d’autres.

Si Marsha P. Johnson n’est pas présente aux débuts du soulèvement, elle arrive accompagnée de son amie Sylvia Rivera vers 2h du matin. Marsha, qui a 23 ans à l’époque, est une femme noire transgenre. Personnalité
flamboyante et iconique, elle est la reine du Greenwich Village.

Avec les événements de Stonewall, Marsha P. Johnson devient l’un des visages de la Queer Revolution. Activiste toujours souriante, elle sera une fervente défenseuse des jeunes LGTBQ+ sans-abri, des personnes touchées par le VIH et le sida, ainsi que des droits des homosexuel·les et des personnes transgenres.

Pour en revenir à Stonewall, la première nuit de révolte provoque des courses-poursuites et des affrontements, suivie par plusieurs autres, soit six au total. Ce soulèvement, bien que n’étant pas le premier, reste dans les mémoires collectives comme étant le point de bascule de la visibilité homosexuelle et du mouvement gay.

La première Pride ou marche des fiertés aura lieu le 29 juin 1970 à New York. Stonewall marque l’essor de nouvelles organisations, d’une nouvelle presse, d’un nouvel activisme comme le Gay Liberation Front ou le Street Transvestite Action Revolutionaries (STAR) auxÉtats-Unis.

Durant trois ans, le STAR, fondé sur l’entraide par Marsha P. Johnson et Sylvia Rivera, va fournir des logements et des soutiens financiers aux jeunes queer et aux travailleureuses du sexe sans-abri dans les quartiers sud de Manhattan.

Malgré sa brève existence (1970-1973), le collectif est considéré comme un modèle et une organisationpionnière dans le mouvement de libération gay et transgenre.

Si Stonewall a du sens aujourd’hui, c’est que depuis les colères légitimes n’ont pas disparues. Plus de cinquante ans après, la queerphobie augmente partout. Le régime hétéropatriarcal tue. Et l’homosexualité reste interdite dans plus de 70 pays dans le monde…

Alors hasard du calendrier ou coïncidence, la cinquième édition de la Pride lorientaise a eu lieu le samedi 28 juin dernier. À nous de rendre hommage à tous·tes celleux qui, une nuit de juin 1969, se sont levé·es pour le droit à l’auto-détermination, l’émancipation et pour résister tout simplement !