1# LA RETIRADA ESPAGNOLE

Le 26 janvier 1939, Barcelone, dernier bastion républicain, tombe aux mains des franquistes, aidés par les nazis allemands et les fascistes italiens. La chute de Barcelone entraîne avec elle un exode massif de centaines de milliers de combattant·es républicain·es et autant ou presque de civil·es vers la frontière française en janvier et février 1939. Prises sous le feu, les bombardements, et les mitraillages de l’aviation franquiste, iels transitent via les Pyrénées par les cols du Perthus et des Balistres principalement. Ce repli, qui est la quatrième vague de la « Retirada » (la retraite), est de loin la plus importante : 500 000 réfugié·es, dont 300 000 milicien·nes.
La frontière est ouverte pour les civil·es, mais les combattants et hommes en âge de porter une arme sont cantonnés aux portes de la France.
Sous la pression diplomatique internationale, elles s’ouvrent le 5 février 1939. Désarmés à leur arrivée en France, ils sont escortés vers des camps improvisés sur les bords du Roussillon : Argelès-sur-Mer, Barcarès, et Collioure.
Parmi eux, on retrouve Ramón Garrido Vidal, militant du Parti Communiste espagnol (PCE), qui va jouer un rôle majeur dans les premiers noyaux organisés de la Résistance lorientaise.
Ramón est retenu prisonnier entre les camps de concentration d’Argelès-sur-Mer et de Barcarès.
Théorisés un avant, en 1938, par le gouvernement Daladier, les camps de concencentration sont construit quelques jours avant l’arrivée massive et sous-estimée des réfugié·es. Les conditions de vie sont précaires et âpres. Après plusieurs semaines de chaos, les tentes de fortunes plantées dans le sable laissent place aux baraquements construits par les réfugié·es.
Dans les camps, l’isolement, l’humiliation, la terreur du gouvernement Daladier et l’inaction forcée sont leur quotidien. Tout au long de l’année 1939, l’État français encourage les réfugié·es à se faire rapatrier. Harcelé·es par des tournées d’inspection ou des campagnes d’affichage, iels sont contraint·es à quatre choix : le retour en Espagne, un nouvel exil, l’embauche à l’extérieur ou l’engagement militaire.
À partir de mai 1939, le gouvernement Daladier, met en place les Compagnies de Travailleurs Étrangers (CTE). La plupart du temps, les « travailleurs » sont enrôlés de force, mis à disposition des entreprises travaillant pour la défense et en prévision de l’invasion nazie.
Malgré les difficultés, Ramón Garrido Vidal ne va pas oublier ses premiers engagements face au franquisme. Au début de l’année 1940, il devient responsable de plusieurs baraques de prisonniers puis membre de la Commission d’information du camp d’Argelès.
À la suite du lapinage de l’État français en juin 1940, le régime de Vichy qui est traditionaliste, xénophobe et antisémite, prend la succession. Il nomme à sa tête le collabo Philippe Pétain. Les CTE sont transformées en Groupe de Travailleurs Étrangers (GTE). Ce changement dans la loi permet aux collaborationnistes de contrôler et surveiller plus facilement les réfugiés espagnols. Des fiches individuelles sont établies avec la mention « S/zone occupée ». À cette époque, les réfugiés espagnols constituent la très grande majorité des effectifs.
En janvier 1941, la compagnie de Ramón est envoyée à Elne pour combattre les dégâts d’une inondation. Il est responsable d’une dizaine d’autres groupes du coin.
Le 30 juillet 1941, son groupe est livré aux nazis par les gendarmes français qui collaborent avec complaisance. Le transport en zone occupée est assuré par les forces de l’ordre françaises. Avant leur arrivée, les identités sont vérifiées par les services nazis.
Ramón se retrouve en Bretagne, à Brest, où il va travailler de force pour l’Organisation Todt. L’OT est chargée de construire cinq bases pour submersibles, de Brest à La Rochelle. Elle applique les ordres du nazi Karl Dönitz, commandant de la flotte sous-marine et futur successeur annoncé du IIIe Reich après la mort d’Hitler.
À Brest, de nombreux espagnols sont tués. Le militant communiste espagnol devient rapidement le responsable clandestin du camp. Il organise les premiers groupes armés espagnols de Brest et assure la diffusion de tracts dans la population ainsi que parmi les occupants (tracts en langue allemande).
C’est à partir de cette période que le périple breton de Ramón va prendre une nouvelle tournure.
En janvier 1942, la direction du PCE lui ordonne de quitter Brest pour rejoindre Lorient.
Il a pour mission de prendre la responsabilité du travail politique parmi les espagnols, structurer la Résistance locale, le tout en restant responsable de Brest. Ce qu’il fait après plusieurs allers-retours entre Brest et Lorient, sans papier et avec peu d’argent.
Son abnégation va payer et permettre aux premiers noyaux organisés de la Résistance lorientaise de naître. En lien avec Jean-Louis Primas, militant communiste et antifasciste, ancien combattant des brigades internationalistes, il se charge de la formation des groupes de combat et de sabotage du pays lorientais.
Ramón loge au 73, Rue Ratier avec Iñigo Portillo Pastheuros. Au côtés de Juan Sanchez Castillo, Maurice Theuillon, Georges Le Sant, Albert Le Bail, Jean-Louis Primas, Roque Carrion, et bien d’autres, il va combattre l’occupant nazi à Lorient !